Les marchés « interdits aux chiens et aux mendiants »
Samedi 30 juin, le citoyen Albert Falcetta, appelle à un rassemblement devant la mairie de Longwy-Bas pour protester contre l’arrêté anti-mendicité pris par l’équipe municipale en 2009. Une décision qu’il explique.
Hier matin, j’étais sur le marché de Longwy quand j’ai vu une vieille dame, probablement une Rom, assise au pied d’un arbre avec un gobelet en plastique à la main. Je lui ai versé une petite obole ridicule, ce dont elle m’a remercié avec insistance. Quelque temps après, trois policiers municipaux sont venus (aucun lien entre les deux événements) pour la faire déguerpir en y mettant les formes […]. Je suis intervenu pour demander quel mal elle avait fait. La dame était en pleurs. »
C’est par ces mots que le citoyen Albert Falcetta raconte dans une lettre adressée au maire de Longwy sa mésaventure du 23 juin.
Il explique ensuite sur cette feuille A4 que lui et les policiers conviennent « qu’il y avait bien d’autres problèmes plus sérieux à régler » dans la ville.
Ces derniers partis, il aide la dame à se réinstaller, ne constatant aucune nuisance pour les passants, qui pour « 95 % » d’entre eux ne la remarquent même pas. « Sont alors arrivés deux autres policiers municipaux. Même scène », poursuit Albert Falcetta.« La première fois, ils m’ont dit que la mendicité était interdite en France, ce qui est faux bien sûr. La deuxième fois, ils m’ont avoué qu’elle était interdite sur les marchés de la ville par arrêté du maire(depuis 2009 N.D.L.R.). »
Après plusieurs tentatives pour obtenir le fameux arrêté en mairie, Albert Falcetta met la main dessus. Et décide à sa lecture d’organiser un rassemblement samedi matin à 9 h 30 devant l’hôtel de ville de Longwy-Bas pour tous ceux « que cela choque. Article 5 : La mendicité est interdite sur l’ensemble des marchés. Article 6 : La divagation des chiens est formellement interdite sur les marchés. Ils auraient pu rassembler ces deux articles : interdiction aux chiens et aux mendiants. »
« La discrimination envers les pauvres »
Prononcées sur le ton de la plaisanterie, ces dernières phrases le font cogiter. Dans les locaux de l’union locale de la confédération générale du travail (UL CGT), il montre trois petites pancartes qu’il scotchera sur son t-shirt samedi et qu’il a confectionnées pour l’occasion : « Luttez contre la pauvreté, pas contre les pauvres », « L’Humain d’abord » et « J’ai faim de justice et d’humanisme ».
« Qui peut m’interdire de lui donner de l’argent, à cette dame, qui ne gênait personne, en dehors de ceux qui veulent cacher la misère pour ne pas la voir ? C’est triste, et c’est notre société. On parle souvent de discrimination, et la principale, c’est celle envers les pauvres. Ça a toujours existé. »
Ses proches approuvent son indignation. Une seule personne lui a demandé d’en discuter. « Je sais ce qu’elle va me dire : que cette Rom mendie pour un mac posté à quelques mètres de là, tout ça pour un réseau. Première remarque : on n’a jamais réussi à me montrer ces macs. Deuxième remarque : si ce réseau existe, c’est ridicule de le pointer du doigt, pour quelques euros récupérés. On ferait mieux de se pencher sur les réseaux qui brassent des milliards au sommet des états et ont des conséquences autrement plus dramatiques. »
Albert Falcetta sait que la dame qu’il a aidée est dans le besoin. Comme ses semblables. « Je leur ai amené des vêtements un jour, et ils se sont battus pour en avoir. Ils ont pris tous les risques pour quitter leur pays, certainement la Roumanie, pour au final être de nouveau dans la misère ici, et stigmatisés. Il faut plus d’équipements pour les accueillir. Là, on en a fait pour être en conformité avec la loi, pas avec les besoins », conclut-il d’une voix chevrotante, pris par l’émotion.
Samedi matin, il parlera à nouveau avec son cœur.
Républicain Lorrain du 29 Juin 2012 – Sébastien Bonetti.
Share