Retour sur le déploiement, le 2 avril dernier, du service Écovoiturage en Isère sur les axes Crolles/Grenoble et Bourgoin-Jallieu/Lyon. Basée sur l’utilisation de smartphones et d’Internet avec la technologie Covivo, cette expérimentation de covoiturage en temps réel fait suite à une première expérience dans le Vercors. Yvan Martinod, chef de projet Écovoiturage au Conseil général de l’Isère dresse un premier point d’étape après 3 mois d’activité.
Quelques mois de promotion du covoiturage dynamique pèsent certes peu par rapport à plusieurs décennies de prépondérance de la voiture individuelle et de la culture de liberté qui y est associée. Les modèles sociaux et culturels imprègnent fortement le rapport à l’automobile et aux déplacements, pourtant, au niveau local, certaines pratiques évoluent dès lors que l’innovation proposée correspond à un réel besoin. C’est le cas de l’Écovoiturage : les freins sociaux sont nombreux qui apparentent le covoiturage au stop et qui l’assimilent à une contrainte. Finir tard le soir, travailler avec des horaires flexibles, écouter de la musique, récupérer les enfants… autant d’éléments en définitive compatibles avec le covoiturage, surtout s’il est dynamique !
L’enjeu, explique Yvan Martinod, est de fiabiliser l’offre afin d’inciter les personnes à faire une demande de covoiturage dynamique. En effet, une fois qu’un premier covoiturage est réalisé, nombreux sont les usagers satisfaits d’avoir eu recours au service et d’avoir en même temps rencontré des collègues. Le frein social et culturel est battu en brèche dès lors que l’utilité du service est démontrée, d’autant que les liens avec les voisins et les collègues en sortent renforcés. C’est sur cet argumentaire que s’est développée la campagne de communication en affichage, presse et radio ainsi qu’un spot sur Daily Motion, autour de cette initiative.
L’apport des nouvelles technologies est considérable (cf. visuels qui illustrent les 6 étapes de mise en relation en temps réel). Le système de géolocalisation est de plus en plus performant et pertinent, notamment par rapport à la première phase d’expérimentation dans le Vercors. Cette deuxième phase voit la maturation des outils et du système d’information. Les résultats sont là : plus de 1700 inscrits en 3 mois (contre 150 par mois pour un site de covoiturage classique) et 5 à 6 covoiturages, directement issus du système développé par Covivo, sont enregistrés chaque jour – 30 à 40 covoiturages informels seraient réalisés en parallèle, par des usagers initiaux de l’Écovoiturage qui auraient pris l’habitude de s’organiser sans s’enregistrer avec leur smarphone. L’objectif à moyen ou long terme serait de faire passer le taux d’occupation des véhicules de 1,1 à 1,4 personnes.
Restent cinq objectifs principaux, qualitatifs et quantitatifs, à développer :
- conforter les résultats de l’expérimentation dans le Vercors du point de vue sociologique et technique et l’étendre à un territoire différent mais demandeurs de solutions de mobilités douces
- obtenir une masse critique d’utilisateurs, suffisante pour que le système fonctionne de lui-même, rassemblée dans une base de données qui communique avec les bases de données d’autres territoires et structures de mobilité
- mobiliser les opérateurs institutionnels et privés pour une convergence des bases de données par la création de standards, faisant du covoiturage un service public au même titre que le tram, le bus ou le vélo
- faire du covoiturage, et de sa version dynamique, une vraie offre de mobilité, partie prenante de l’intermodalité
- continuer à développer les outils issus des technologies de l’information et travailler sur leur fiabilité
Un travail est effectué auprès des employeurs des bassins d’emploi grenoblois et berjalliens afin de développer des animations et des actions profitant directement aux covoitureurs. Il est envisagé d’intégrer aux plans de déplacements entreprise (PDE) des incitations à destination des utilisateurs des services de covoiturage. Pourquoi ne pas réserver des places de parking aux conducteurs qui déposent des offres de covoiturage ? Comment aménager les horaires de ceux qui font appel au covoiturage ? Comment imaginer le remboursement des frais de covoiturage – des relevés mensuels semblables aux relevés d’abonnement aux transports en commun ?
Autant de pistes de réflexions pour les mois à venir, complétées par la mise en place d’un laboratoire d’usage le 28 juin. Une vingtaine d’utilisateurs se réunissent à Bernin pour évoquer leur expérience du covoiturage dynamique. Des sociologues de l’université de Lorraine analyseront les motivations de chacun, apportant ainsi une réelle information qualitative sur la question.
Andrea, cité dans l’article précédent, a, depuis avril, pris connaissance du dispositif Écovoiturage mais ne s’y pas inscrit faute de motivation. Peut-être également faute d’incitation financière, ou plus probablement parce qu’il ne s’est pas encore projeté dans l’utilisation du service et de ses avantages pour lui. Tandis que le service s’améliore, le bouche à oreilles continue de fonctionner, rendez-vous donc dans quelques mois…