Pâcques est le jour qui commémore la résurrection du Christ après sa passion et sa crucifixion. Le Christ est donc ressuscité et Dieu n’est donc pas mort. Comment Dieu pourrait-il mourir ? Comme chacun sait, il n’y a que les hommes qui soient mortels, finis, car humains.
Un Dieu qui meurt, et qui reste mort, selon la formule de Nietzsche, n’est qu’un Dieu humain, trop humain pour rester éternellement en vie. Ce n’est donc pas lui en toute rigueur qui disparaît dans sa célèbre formule, mais seulement un faux, une ombre, une copie factice, une idole.
Celui qui disparaît est donc un Dieu conçu à notre image, un Dieu qui a nos traits, à qui l’on a attribué nos faiblesses et prêté nos qualités, dans lequel on a projeté nos peurs et réalisé nos souhaits. C’est en cela que cet événement annonce quelque chose de terrible, car sa mort revient à la fin de ce qu’il représentait et faisait pour nous humains.
Mais le faux disparaissant ne laisse-t-il pas deviner une autre divinité, toujours vivante, mais cachée, difficile à voir, peut-être parce qu’elle est plus difficile à vivre ? Réfléchissons en effet à ce qu’est par essence la transcendance : ce qui nous transcende c’est ce qui est tout autre, étranger, sacré parce que par définition séparé, infiniment différent, inaccessible et compliqué. En ce sens, toute vraie transcendance est terrible, difficile et menaçante – il faut être fort pour supporter, aimer même une telle altérité…
Ce qui trahit sa présence, c’est que cette différence a quelque chose de familier. Elle a beau être tout autre, on a le sentiment de la côtoyer, fréquemment, intimement. Et pour cause. Cette autre divinité, celle qui ne meurt jamais, a tous les aspects de la vie : impénétrable, mystérieuse, toujours renaissante, difficile.
N’est-ce pas alors à elle qu’il faut croire, à laquelle on doit obéir, précisément parce qu’elle n’est pas humaine, mais nous intime à nous hommes d’essayer d’être plus que nous-mêmes ? Tel est ce Dieu à la fois philosophique et démiurgique auquel se rallie Nietzsche : Dieu du secret et de l’incertain, du singulier et de l’inquiétant, auquel on ne croit qu’en étant modifié, qu’en s’élevant.