À droite, les regrets laissés par la campagne de Nicolas Sarkozy s'expriment en fonction des vues des uns et des autres sur la tête de l'UMP et l'élection présidentielle de 2017. Nathalie Kosciusko-Morizet a sans doute dépassé la plupart de ses camarades en souplesse, ce qui est une qualité essentielle en politique. Déjà, dans son rôle de porte-parole, elle avait signé des performances qui ne méritent pas l'oubli dans lequel elles sont déjà tombées. Ma préférée, au tout début de la campagne de Sarkozy, était quand elle disait :
"Je peux faire la liste des sujets sur lesquels on ne sait pas aujourd'hui ce que pense ou ce que propose François Hollande. La vraie violence, elle est là"
C'est une sorte de trouvaille dans la langue de bois trop enthousiaste de quelqu'un qui n'a pas encore acquis le vernis un peu luisant d'un Jean-François Copé, pour qui respirer la mauvaise foi n'entrave l'apparence de logique.
Cette souplesse-là, sur le flou violent des propositions, finalement assez sympathique pour qui sait apprécier la variété et l'audace dans la langue de bois, allait bientôt laisser émerger une autre, bien plus existentielle, entre la responsabilité de la porte-parole d'un candidat engagé dans une tentative de doubler Marine Le Pen à droite, et le souvenir, certes assez flou, d'avoir pris des engagements contre le Front National. Finalement, NKM a fait preuve d'une telle souplesse pour la présidentielle, qu'elle a réussi à l'appliquer aux législatives, reprenant la formule préférée de Jean-Marie Le Pen pour parler du PS, quand elle fustige la "gauche socialo-communiste" qu'elle accusait, comme Copé d'ailleurs, de faire alliance avec le FN. (Sans doute, en bossant pour son bouquin, il y a des expressions comme celle-là qui se sont infiltrées dans son vocabulaire.)
Kosciusko-Morizet finit par arracher une victoire dans l'Essonne, et, grâce à une souplesse développée depuis des mois maintenant, revient, comme une élastique qu'on lâche, à la critique de la "ligne buissonière" qu'elle réprouvait secrètement pendant la campagne :
«Le principal reproche que je fais à Patrick Buisson c'est que son objectif, à mon avis, n'était pas de faire gagner Nicolas Sarkozy, il était de faire gagner Charles Maurras», a-t-elle déclaré sur Canal+. «Il était sur un objectif qui était plus idéologique que politique», a insisté la députée UMP
Elle n'y va pas de main morte, c'est sûr, et c'est même réjouissant de la voir sortir Maurras, et même de lui donner raison, car nous aussi nous avions le soupçon qu'il y avait une obsession plus qu'électorale dans l'acharnement à se droitiser. Chez Sarkozy.
Ce qui est admirable, chez Nathalie Kosciusko-Morizet, c'est sa capacité d'avoir des principes très forts, et d'être capable de déclarations commme celle sur Buisson-Maurras, et en même temps pouvoir les taire quand il le faut. C'est de la souplesse, et quelque chose de plus que la souplesse.
Elle s'explique :
«J'ai accepté d'être porte-parole, je savais que c'était un job dur (…) J'ai vécu des débats internes très rudes, qui se sont déroulés à la une des journaux : tout le monde sait bien que j'avais une ligne différente de celle de Patrick Buisson», a-t-elle dit.
Oui, c'est un job dur. Oui, on sait qu'il y a eu disputes internes, surtout parce qu'il se murmurait que NKM allait être virée en faveur de quelqu'un de plus Buisson-compatible.
Pourtant, Nathalie a tenu bon. Elle a réussi à garder sa place jusqu'à la défaite, sans influencer d'un iota la propagande xénophobe de son candidat. C'est même la martyre de la campagne. Une porte-parole, ça ferme sa gueule ou ça démissionne. Sauf qu'une porte-parole qui ferme sa gueule, ça ne porte plus beaucoup de paroles.
Pourquoi donc tant souplesse ? L'esprit d'équipe l'emporte sur les principes ? NKM a la réponse : "Simplement il y a des choses qu'il vaut mieux dire avant les élections qu'après". Elle le dit à propos de tous ceux qui ne l'ont pas soutenue pendant ses escaramouches avec Claude Guéant, mais cela s'applique tout aussi bien à elle, qui a bien voulu accompagner la course à l'électorat islamophobe jusqu'à sa conclusion désolante entre les deux tours. Une élection, c'est un show, et la porte-parole qui se casse, ça fait mauvais effet et vous plombe définitivement une carrière à l'UMP. Alors on se débrouille avec les couleuvres et on attend.
Curieusement, c'est Valérie Pécresse qui nous fournit la meilleure explication. Pourtant, elle n'est pas du tout d'accord sur cette histoire de Maurras :
"Je crois que Patrick Buisson a fait gagner Nicolas Sarkozy en 2007", a assuré Mme Pécresse, "et "il a mis toute son énergie à essayer de lui faire gagner à nouveau les élections en 2012".
(Pauvre petit Buisson : toute son énergie, et il a quand même perdu. C'est triste pour lui.) Donc, non, Sarkozy n'a pas été trop à droite, seulement
il y a eu un décalage entre les discours pendant la campagne, qui étaient effectivement très ciblés à droite, et nos propositions concrètes. Or, les Français ne veulent pas des mots, ils veulent des actes, et c'est là qu'on a péché, par le manque de crédibilité sur les propositions.
Les électeurs non-xénophobes sont aujourd'hui discrètement invités à comprendre que la ligne Buisson, la course après Marine Le Pen, la viande halal, les mosquées appelant à voter Hollande, tout cela n'était pas bien sérieux. Chers lecteurs conservateurs du Figaro, comprenez bien, par que je ne vais pas me repéter : la xénophobie c'est notre gadget électoral, c'est notre seul argument populaire, et malheureusement, les populaires sont si nombreux… Il faut comprendre…
Nathalie Kosciusko-Morizet est peut-être encore trop jeune. Elle n'a pas tout à fait compris le système. Elle a tout pris trop au sérieux. Elle a dû voir que Besson, Hortefeux et Guéant ne faisaient pas que parler pendant cinq ans. Personne ne lui avait jamais expliqué ?