La nouvelle Assemblée Nationale s’installe pour la durée de la
XIVe législature de la Ve République. Le PS rafle la plupart des responsabilités, ce qui est normal puisqu’il est majoritaire.
En un an, la France a changé ses quatre principaux personnages de
l’État : François Hollande, Jean-Pierre Bel,
Jean-Marc Ayrault et Claude Bartolone ont remplacé Nicolas Sarkozy, Gérard Larcher, François
Fillon et Bernard Accoyer. La caractéristique commune, c’est que le parti majoritaire s’est octroyé pleinement ces quatre postes cruciaux, occupés uniquement par des hommes.
L’ancien ministre Claude Bartolone a en effet été élu Président de l’Assemblée Nationale le mardi 26 juin 2012 à 17h05.
Il a recueilli 298 voix face à son prédécesseur Bernard
Accoyer qui a obtenu 185 voix et 2 voix ont atterri sur un autre nom. Sur 540 votants (sur 577 députés), 55 ont voté blanc, en particulier les écologistes mécontents de ne pas avoir obtenu la présidence de la Commission du développement durable (ils ont quand même obtenu une vice-présidence, une autre présidence de
commission et deux vice-présidences de commission) et les centristes du nouveau groupe présidé par Jean-Louis
Borloo et intitulé "Union des démocrates et indépendants" regroupant le Nouveau centre, l’Alliance
centriste et le Parti radical valoisien. Jean-Louis Borloo avait plaidé pour que chaque groupe eût une vice-présidence.
Les radicaux de gauche présidés par l’ancien ministre Roger-Gérard Schwartzenberg (qui ont accueilli Olivier
Falorni, le dissident de La Rochelle) ne semblaient pas avoir pris part au vote, ni ceux du Front de gauche présidé par André Chassaigne.
L’élection formelle n’était pas une surprise en raison de la majorité absolue de députés PS et tout s’était
joué lors de la primaire au sein du groupe PS (présidé par Bruno Le Roux) le 21 juin 2012. Quatre candidats s’étaient présentés, tous anciens
ministres : Jean Glavany avait obtenu 59 voix, Élisabeth Guigou 50, Daniel Vaillant 22 et Claude Bartolone, souhaité par Ségolène Royal et par François Hollande, avait gagné avec 127 voix (bien que la majorité absolue ne fût pas atteinte, il n’y a pas eu de 2e tour après le retrait
des autres candidats).
Le lendemain, 27 juin 2012, le bureau de l’Assemblée
Nationale s’est constitué à l’unanimité, selon une répartition vaguement proportionnelle : les six vice-présidences, trois questeurs (dont le rôle est déterminant pour le fonctionnement
du Palais-Bourbon) et les douze secrétaires.
Le surlendemain, 28 juin 2012, les commissions ont désigné leur
président. L’opposition reste à la tête de la Commission des finances (avec l’ancien rapporteur général du budget, Gilles Carrez, comme son homologue du Sénat Philippe Marini), ce qu’avait
initié la majorité précédente, et Élisabeth Guigou a obtenu (enfin !) la présidence de la Commission
des affaires étrangères. Elle souhaite depuis longtemps multiplier les relations entre les parlements européens.
Mais revenons à ce mardi 26 juin 2012. L’émotion a présidé cette première séance de la législature.
Organisant le vote du Président, ce fut le doyen d’âge, François Scellier, 76 ans, qui a été chargé de prononcer le premier discours : « Cette
émotion est d’autant plus forte qu’outre la présence de ma famille à la tribune, je sais que ma maman, qui vient d’avoir cent ans, me regarde à la télévision. ».
François Scellier a exhorté ses collègues à faire le meilleur travail législatif possible : « Soyons inventifs, transgressifs parfois et sérieux toujours pour impulser une dynamique de progrès et apporter des solutions. Jacques de Romilly évoquait la
"fulgurance de la pensée antique" pour louer sa modernité et sa force. De la même manière, écrivons une loi solide qui, pour être efficace, doit être débarrassée des boursouflures technocratiques
et des dernières chimères conceptuelles à la mode. ».
L’émotion était également vive lorsque Claude Bartolone a été formellement élu au perchoir. Parmi les
premières personnes à le féliciter, l’ancien Ministre des Finances François Baroin, voisin par les hasards
de l’ordre alphabétique (tandis que Patrick Balkany, assis devant lui, tirait une "drôle de gueule").
Je ne connaissais pas vraiment Claude Bartolone sinon qu’il était avant tout un apparatchik influent du PS
depuis un quart de siècle, proche de Laurent Fabius. Cet aspect très interne de ses responsabilités
partisanes, ainsi que son rôle habituellement dévolu aux seconds couteaux (à savoir, de jouer les snipers contre le camp d’en face) avaient ainsi masqué sa personnalité très riche et très
attachante.
Dans son allocution de seize minutes qu’il avait
consciencieusement préparée (et qui fut applaudie par tous les députés debout, opposition comprise), Claude Bartolone a cité ses onze prédécesseurs au perchoir depuis 1958, comme Jacques Chaban-Delmas, Edgar Faure, Louis Mermaz, Laurent Fabius ou Jean-Louis Debré, mais en appuyant plus
particulièrement sur la mémoire de Philippe Séguin et Raymond Forni.
J’applaudis son discours très consensuel et républicain attaché surtout à défendre les valeurs de la République et la concorde nationale bien plus qu’à accroître les rivalités politiciennes et
désaccords partisans.
Il a souligné "le goût de la loi" et a donné une idée de sa gouvernance : « Notre assemblée doit vivre avec son temps. Plus que jamais, ayons à cœur d’en faire une maison de verre. Transparente, exemplaire, irréprochable, parce que
la force de la loi est subordonnée à l’exemplarité du législateur. ». Il a d’ailleurs proposé dès le lendemain à son homologue du Sénat de réduire leur indemnité de président
d’assemblée.
Claude Bartolone a donc insisté dans son discours sur la liberté, l’égalité, la fraternité et la
laïcité : « La tentation de s’affranchir de ces valeurs est forte lorsqu’un pays connaît des heures difficiles, et singulièrement quand la
morsure d’une crise sociale fait sentir son empreinte. ».
À bientôt 61 ans, Claude Bartolone a derrière lui trente et un ans d’expérience de député (élu huit fois sans
discontinuité). Il a été élu pour la première fois dans la vague rose du 10 mai le 21 juin 1981 à l’âge de
29 ans.
Né à Tunis le 29 juillet 1951 de père italien et de mère maltaise, il s’est installé avant l’âge de 10 ans
avec sa famille dans une "cité" de Seine-Saint-Denis, au Pré-Saint-Gervais. Son destin aurait dû le conduire à un CAP de mécanique mais une enseignante l’a encouragé à faire des études plus
longues qui le menèrent à une licence de mathématiques. À 23 ans, il s’engagea au PS, puis fut élu au conseil municipal du Pré-Saint-Gervais à 25 ans, et conseiller général à 27 ans.
Après avoir abandonné le mandat départemental au profit de son siège de député, de la mairie du
Pré-Saint-Gervais (où il succéda en 1995 à l’ancien ministre Marcel Debarge), et d’un mandat régional, il s’est fait réélire conseiller général dès le 1er tour le 9 mars 2008 pour
conquérir sur les communistes la présidence du conseil général de Seine-Saint-Denis le 20 mars 2008.
Petit à petit, le PS a grignoté du terrain sur celui du PCF (ce fut encore le cas lors de ces législatives 2012). Pour les élus communistes de base en Seine-Saint-Denis, Claude Bartolone a représenté le rouleau compresseur du PS qui récupère un à
un les bastions communistes.
Très impliqué dans les luttes d’appareil au sein du PS, il fut le représentant de Laurent Fabius lors des
querelles intestines à Rennes en 1990, et comme fabiusien, il choisit très tôt de faire équipe avec Martine
Aubry au congrès de Reims en 2008.
Quoiqu’aubryiste pendant la primaire de 2011, Claude Bartolone fut préféré à Jean Glavany et Élisabeth Guigou
pour le perchoir par François Hollande. Claude Bartolone et François Hollande se connaissent bien depuis longtemps et ont même passé des vacances ensemble en famille.
Claude Bartolone n’a pas eu beaucoup de responsabilités ministérielles et il n’a été que Ministre de la Ville
du 30 mars 1998 au juin 2002 dans le gouvernement de Lionel Jospin. En mai 2012, il a été particulièrement
déçu de ne pas faire partie du premier gouvernement de Jean-Marc Ayrault et l’échec de Ségolène Royal à La Rochelle a donné un tournant nouveau à
sa trajectoire.
Apprécié même de l’opposition (Jean-François Copé et Bernard Accoyer ont fait des compliments sur ses qualités d’homme de dialogue et de débat), Claude Bartolone accède maintenant à des fonctions prestigieuses qui
couronnent son engagement politique. Son interview sur LCP, "Le Monde", France Info et AFP à "Questions d’info" le 27 juin 2012 a montré qu’il entendait continuer à participer pleinement au débat
national.
Nul doute que désormais, la vie politique devra compter avec Claude Bartolone.
Et c’est mérité, l’Assemblée Nationale le méritait bien plus qu’une Ségolène Royal à la recherche de nouveaux honneurs pour son
simple ego…
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (28 juin
2012)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Claude Bartolone gagne la primaire au PS.
Claude Bartolone élu au perchoir.
Allocution de Claude Bartolone du 26 juin 2012.
Nouveau bureau de l’Assemblée Nationale.
Les nouveaux présidents de commissions à l’Assemblée
Nationale.
Le second tour des élections
législatives.
François Hollande.
Gouvernement Ayrault II
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/claude-bartolone-l-enfant-immigre-119182