(Pilote US) The Newsroom : une immersion dans les coulisses de l'information télévisée

Publié le 28 juin 2012 par Myteleisrich @myteleisrich

Dimanche soir, débutait sur HBO une des séries les plus attendues de l'été : The Newsroom. Une collaboration entre la chaîne câblée américaine et Aaron Sorkin - qui a déjà démontré tout son intérêt pour les coulisses d'émissions télévisées de Sports Night à Studio 60, c'était un peu un des fantasmes de la sériephile que je suis. Puisqu'il ne semble pas possible aux médias, de séparer le produit créé du créateur quand il s'agit d'écrire sur cette série, il est sans doute honnête que je rappelle en préalable la place qu'occupe The West Wing (A la Maison Blanche) dans la construction de ma passion pour toutes les productions du petit écran. C'est à elle et à Aaron Sorkin que je dois ces dix dernières années plongée dans un univers des séries qui n'a cessé depuis de s'enrichir. Je suis et reste une grande fan de son style d'écriture : c'est le scénariste qui m'a le plus marqué à la télévision toute période et tous pays confondus.

Refermons cette parenthèse, et passons à The Newsroom qui est donc arrivée sur les écrans américains il y a quelques jours... précédée d'un vent de critiques négatives qui s'est abattu comme un raz-de-marée sur les réseaux sociaux et auquel nul n'a pu échapper. Ça a été particulièrement frustrant à supporter, parce que cela a rendu impossible un visionnage à peu près neutre du pilote (LadyTeruki a fait à ce sujet un billet très juste dont je conseille la lecture). Il est toujours mieux d'aborder une série en se demandant si elle va nous séduire, plutôt qu'en recherchant si oui ou non toutes ces réactions étaient fondées (même si ce sont les épisodes suivants qui ont fait l'objet du feu le plus nourri). Si on fait abstraction de ces considérations extérieures, je ne vais pas faire durer le suspense : j'ai pris beaucoup de plaisir devant le pilote de The Newsroom. Tout est loin d'être parfait. Il y a des reproches justifiés à formuler, mais tout est aussi là pour faire passer un très bon moment.

Le pilote de The Newsroom s'ouvre sur une "session vérité" au cours d'une conférence à laquelle participe Will McAvoy. Ce présentateur populaire, lisse et sans parti pris apparent, dont on murmure que la source du succès est justement cette neutralité et sa capacité à ne gêner personne, recadre une étudiante ayant posé une naïve question sur la grandeur du pays, en se fendant d'une longue tirade remettant en cause la conception que l'on peut avoir des États-Unis. Puis, une fois les vagues soulevées par cette sortie un peu apaisées, c'est après quelques semaines de vacances que Will McAvoy reprend le chemain de ses studios... pour découvrir que Charlie Skinner, le président de ACN, a provoqué en son absence une vaste redistribution des responsabilités au sein de son staff, sans même prendre la peine de l'informer.

Il a bien joué, pour mener à bien ses projets, sur l'ambition du producteur exécutif de l'émission, Don, lequel n'a écouté que son pragmatisme (et son ras-le-bol de Will) pour accepter de prendre en charge une nouvelle émission lancée dans une case horaire plus tardive. La plupart des membres de l'équipe accompagnent Don dans ce qui ressemble fort à une défection générale. Parmi les quelques fidèles faisant preuve d'une loyauté désuette, se trouve notamment Maggie Jordan, promue récemment par qui pro quo assistante personnelle de Will. Dans le même temps, Charlie a contacté pour remplacer Don une vieille connaissance, Mackenzie McHale : une nomination sensible, puisque cette professionnelle aguerrie et de caractère a eu une histoire passée avec Will. C'est peu dire que tous ces bouleversements ne plaisent guère à ce dernier qui va tenter de reprendre le main.

C'est dans ce contexte de transition et de changement que le pilote nous permet d'assister à la première émission de rentrée de la nouvelle équipe en gestation.

La construction du pilote de The Newsroom va suivre un schéma familier, mais qui n'en demeure pas moins d'une efficacité redoutable pour introduire les enjeux de la série. Afin de capter immédiatement l'attention du téléspectateur, l'épisode recourt à une scène d'ouverture dite "électro-choc" qui cherche (et parvient) à provoquer, voire marquer, en usant pour cela du mécanisme du discours-vérité déclamé sans pincettes. L'idée est d'aller à la confrontation directe d'idées assimilées sans recul, en énonçant des faits que tout le monde n'est pas prêt à entendre, en l'occurence sur l'Amérique et sa supposée grandeur. Il faut reconnaître à la série le mérite d'avancer ici à visage découvert : on pourra être ou non en accord avec les opinions qui seront affichées par la suite sur la question du rôle de la télévision et de son traitement de l'information, mais le discours tenu restera à la fois revendicatif et démonstratif, ne cherchant pas à faire dans le consensuel.

La limite de la démarche extrêmement didactique du pilote est que, si elle est parfaitement huilée et cadencée, elle apparaît aussi transparente et un brin forcée. Après la tirade introductive où l'arrogance du personnage principal contribue autant que ses propos à poser le ton d'ensemble, la deuxième étape est constituée par l'arrivée de Mackenzie. C'est alors l'occasion de débattre théoriquement sur la conception du journalisme : cette fois-ci, il s'agit d'être constructif. Ambitieuse, la productrice voudrait revoir l'approche de l'information dans les médias. Derrière la pointe d'idéalisme que permet la référence à Don Quixote, on a surtout ici un confus mélange de pessimisme dans le diagnostic qui est fait des attentes du public, mais aussi une volonté de changement à l'entrain communicatif. Enfin, troisième étape, le dernier tiers de l'épisode propose une sorte de mise en pratique accélérée de ces idées, en utilisant rien moins qu'un évènement réel dont le traitement médiatique est re-écrit idéalement. N'ayant que le temps d'aller à l'essentiel, le pilote cède à des facilités narratives - avec les sources parachutées grâce aux contacts du nouveau venu - qui accentuent le versant didactique, en amoindrissant le réalisme. Dans cette optique, le choix du sujet renforce d'ailleurs l'impression d'assister à une leçon, mais il faut reconnaître qu'il a le mérite de parler directement et immédiatement au téléspectateur.

The Newsroom ne tergiverse donc pas, affichant clairement ses partis pris et ses ambitions. Ce qui contribue grandement à la force du pilote et à l'adhésion rapide du téléspectateur, c'est que l'ensemble bénéficie d'un style d'écriture fluide et rythmé, caractéristique d'Aaron Sorkin, qui reste, pour moi, ce qui se fait de plus jubilatoire dans une fiction sur grand comme petit écran. Les dialogues sont extrêmement fournis, parfaitement ciselés. Les répliques et les tirades fusent sans temps mort, se confrontant, voire se superposant parfois au gré de conversations multiples menées de front. La tension entretenue par de simples échanges en est grisante. C'est ainsi que, plus que la démonstration-même qui a sa part de maladresses, c'est l'écriture qui est l'attrait principal de ce pilote. Le dynamisme d'ensemble est communicatif, et le téléspectateur se laisse emporter, passant un bon moment - en dépit d'un léger flottement de rythme vers la moitié de l'épisode. 

De plus, l'introduction des personnages est aussi globalement réussie, usant de codes classiques, en entremêlant déjà vie professionnelle mais aussi vie privée, chez des figures que l'on devine de toute façon workaholic. Will avec son caractère désagréable, ses explosions de colère et son arrogance, n'en conserve pas moins une sacrée présence. Il ne laisse pas indifférent. Avec sa nouvelle productrice, mais aussi son patron, figure patriarcale dont l'influence sur tous ces bouleversements ne doit pas être sous-estimée, on obtient un trio avec de fortes personnalités dont les échanges sont prometteurs. A côté, les jeunes ambitieux qui composent le staff forment une équipe pas très soudée, mais professionnelle et efficace. Qu'il s'agisse de Maggie ou encore de Jim, on a des personnages auxquels s'attacher. C'est à travers eux qu'on s'immerge vraiment dans la dynamique des coulisses de l'émission.

Sur la forme, le pilote de The Newsroom est une sorte d'hybride, peut-être un peu surprenante à première vue, entre passé et modernité. En référence au passé, on a notamment une bande-son très traditionnelle. Cette impression est également renforcée par un générique qui, entre images d'archives et présentation successive des acteurs, apparaît comme un écho-(hommage ?) à une télévision datant de quelques années. Mais par ailleurs, on a également de la modernité avec un style de réalisation, assez nerveux, se rapprochant presque du mockumentary. Un instant déstabilisée, la nostalgique de Thomas Schalmme que je suis s'est cependant progressivement habituée au fil de l'épisode.

Enfin, The Newsroom bénéficie d'un casting solide et impeccable pour porter à l'écran les dialogues sur-rythmés proposés (ce qui est déjà un sacré défi à relever. Jeff Daniels trouve dans le personnage de Will une figure, à la fois charismatique mais tombée dans bien des travers, qui est un challenge appréciable, à la mesure de son talent : il apporte une présence déterminante à l'écran. Emily Mortimer met un peu plus de temps à bien trouver ses marques, son personnage étant introduit en plusieurs étapes. Mais elle sait peu à peu s'imposer, notamment à partir du moment où elle entre véritablement en action, durant l'émission. A leurs côtés, on retrouve des acteurs très convaincants, des grands anciens comme Sam Waterston, ou bien des jeunes tout aussi à l'aise comme John Gallagher Jr, Alison Pill, Dev Patel, Olivia Munn ou encore Thomas Sadoski.

Bilan : Parfaitement servi par une écriture fluide et enthousiasmante, le pilote de The Newsroom se livre à une démonstration introductive qui cède à certains excès didactiques et à des raccourcis, mais qui a le mérite d'aller à l'essentiel et d'afficher clairement le parti pris de la série. L'ensemble se révèle particulièrement efficace, notamment grâce à un style et à des dialogues qui font mouche et posent des personnages que l'on a envie d'accompagner dans ce qui marque un nouveau tournant pour l'émission. Le visionnage est très plaisant, parfois franchement jubilatoire, et il laisse une impression positive sans pour autant occulter les limites perceptibles dans la démarche adoptée. En résumé, ce n'est pas parfait, mais c'est solide. A suivre.


NOTE : 8/10


La bande-annonce de la série :

Le générique :