Avis de tempête - Susan FLETCHER

Par Liliba

Une lecture commune avec Enna, Solenn et Mirontaine, Titoulematou et L'or des chambres.

(je ne sais plus à qui j'ai piqué cette illustration... je peux l'utiliser ?)

Moïra, plusieurs fois par semaine, se rend au chevet de sa sœur plongée dans le coma à la suite d’un grave accident. Elle espère qu’un jour Amy pourra sortir de son mutisme, mais en attendant, lui narre par le détail ses souvenirs de jeunesse.

Il faut dire que Moïra ne peut se défendre d’éprouver de la culpabilité envers sa petite sœur. Dès sa naissance, alors encore enfant (11 ans), elle a rejeté le bébé nouveau né, et n’a eu de cesse ensuite de superbement l’ignorer, nier son amour, comme celui d’ailleurs de ses parents. Jalousie d’enfant qui ne s’est pas éteinte au fil des années, et qui a influé sur sa vie plus que ce qu’elle aurait pu imaginer. Le chagrin dévore maintenant chaque seconde de son quotidien, et elle revient sur ses jeunes années pour comprendre comment elle a pu en arriver là, choisir d’elle-même la solitude et s’abandonner dans le travail en refusant de se confier, de partager, d’aimer ceux qui l’aimaient.

Bien sûr, les jeunes années de Moïra n’ont pas été très faciles, elle s’est retrouvée très jeune en pension, à l’autre bout du pays, et en but à la moquerie des autres élèves parce que boursière. Mais l’adolescente d’alors n’a pas fait un pas vers les autres jeunes filles du pensionnat et n’a jamais tenté, ou si peu, de se lier d’amitié. Surdouée, mais complexée, grande maigrichonne au physique ingrat, elle est toujours restée en retrait, sujet de railleries, seule à ruminer ses pensées, fuyant les autres en se réfugiant dans le travail scolaire.

Voici un livre dur et poignant, très poétique, et empreint de tristesse de bout en bout, mais vraiment très beau. Il faut cependant rentrer dans l'histoire de cette femme et prendre son temps, se laisser envahir par l'ambiance. On comprend que Moïra, se refusant à l’amour, est comme passée à coté de sa vie, malgré la chance qu’elle a eue (et dont elle ne revient toujours pas) d’avoir été remarquée et aimée au premier regard par son mari. Même à lui, elle n’arrive pas à se confier…

Moïra est une autiste de l’amour, enfermée en elle-même, incapable de communiquer, sauf au chevet de celle qui pèse sur sa conscience. Sa sœur aurait-elle pu échapper à cet accident stupide si elle lui avait parlé, si elle avait établi avec elle une relation normale ?

La jeune femme arrivera-t-elle, au terme de ce long monologue, à se pardonner, et à s’ouvrir à une vie nouvelle ? Trouvera-t-elle la paix intérieure ?

En plus de ce magnifique portrait de femme, l’auteur nous offre des descriptions superbes des paysages du Pays de Galle : la nature accueillante ou sauvage, la mer tantôt calme et tantôt déchainée, le vent omniprésent, les pensionnaires qui l’entourent ou ses parents, en attente d’un mot ou d’un geste de leur fille, toujours présents, mais jamais intrusifs. Comme ils sont dû souffrir !

Cependant, je n’ai pas pu m’empêcher de penser parfois « bien fait pour toi, ma vieille ! ». Eh oui, à ne pas vouloir vivre avec les autres, à trop se renfermer, on finit pas se dessécher, et la solitude devient vite la seule compagne. Moïra souffre, mais elle paye l’indifférence aux autres qu’elle a maintenue pendant des années. Mélancolique et nostalgique, elle comprend maintenant, à 28 ans (ce qui est encore bien jeune, me direz-vous, il lui reste de nombreuses années à vivre) que la vie n’attend pas ceux qui sont en retrait et qu’il lui faut maintenant prendre son destin en mains.

Une très belle histoire !

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