On les voit partout ces temps-ci. En version adulte à l’expo BDX vs LAX à Saint-Rémi, en version enfants au Printemps des Chartrons, dans des ateliers I.Boat ou à la Fête de la musique des enfants (notre édition du 25 juin). Longtemps cantonné aux soirées de la hype bordelaise, le collectif d’artistes Skinjackin’ sort peu à peu à la lumière, et ça vaut le coup.
La recette : du graphisme débridé et acidulé au feutre Posca, des messages à base de jeux de mots potaches sur la pop culture («Snoop Doggy Bag», «Zizi Top», «Pin-up Butter», «Le Retour du jet d’ail», «Turkish Lorraine»...) et des étendues de peau consentantes pour ces «tatouages» délicieusement subversifs. Entretien avec Vincent, pardon, Laurent Vulvy (son nom de scène actuel), le «captain» de l’équipe.
Le collectif Skinjackin’, c’est parti d’où?
Au départ, on était trois potes des Beaux-Arts qui devions animer une soirée à l’Heretic en 2009. Plutôt que de faire de la peinture murale en live, on s’est dit que ce serait marrant de faire des faux tatouages, dans un style un peu Bob l’Éponge, très inspiré des cartoons US et des Crados [les cartes qui faisaient fureur dans les cours de récré fin 1980 début 1990, ndlr] avec des jeux de mots crapuleux, un peu choquants. Depuis, d’autres pirates nous ont rejoints – et pas tous issus des Beaux-Arts. Comme on commence à se faire connaître, il y a pas mal de gens qui nous proposent leur travail via Internet et certains deviennent pirates à leur tour.
Il y a pas mal de gens qui font du body painting. Qu’est-ce qui vous différencie? Un style? Une philosophie?
Je crois qu’on est les seuls au monde à faire ça de cette manière. La plupart font du graffiti en entier sur une jolie meuf à moitié à poil. Nous, on tient à ce côté performance live, ludique, graphiquement un peu marrante, façon sales gosses. Surtout, on fait ce que l’on veut ! On fait des séances de brainstorming pour trouver des jeux de mots, on bosse nos dessins... En soirée, les gens qui nous demandent un dauphin ou une panthère [grand sourire], nous, on leur pirate la peau comme on veut et ils le prennent bien. C’est ce qui me plaît vraiment derrière le projet : tâter de l’humanité, être proche des gens et faire des blagues dans un esprit cool, bon enfant, presque familial.
Ça marche plutôt pas mal pour vous, semble-t-il. Il paraît que vous êtes demandés partout en France ?
Oui, en Bretagne surtout – les Bretons nous aiment bien [sourire]. Sérieusement, oui, ça marche, et sans qu’on démarche les gens. D’abord, c’est un concept qui s’adapte à tous les événements, partout, en soirée comme en journée, pas si cher que ça, et surtout c’est un truc vivant. Ensuite, contrairement à d’autres collectifs, on a réussi à durer (et même à faire des émules à Paris et Montréal). Pour ça, j’ai choisi de m’occuper de l’administratif et des cachets pour que tout le monde soit à la même enseigne. Pour l’expo BDX-LAX on signe collectivement, sans les noms de chacun. Et puis on est évolutifs et ouverts : on se renouvelle en intégrant de nouveaux pirates et de nouveaux styles.
Et les ateliers pour enfants, c’est venu comment?
Un jour, on en a eu marre de ne faire ça qu’en soirée avec des gens trop lourds et trop bourrés, alors on a essayé la journée. Les mômes adorent parce qu’on les laisse faire ce qu’ils n’ont pas le droit de faire d’habitude. Non seulement après, ils ne veulent plus se laver pendant trois jours, mais ça crée des vocations et des parents nous envoient des photos de ce qu’ils font à la maison. Ce qui me bluffe, c’est leur spontanéité, l’expérimentation permanente, sans barrière artistique ni style figé, et ça c’est vraiment enrichissant. •
Recueilli par Sébastien Le Jeune
Expo BDX vs LAX (9 artistes et collectifs autour du street artist californien Dave Kinsey), à l’Espace Saint-Rémi jusqu’au 12 juillet. www.bdx-lax.fr