Source : Blog Mediapart 25/06/2012
En lisière du parc naturel régional du haut Languedoc, la Ville de Lodève s’ouvre pour la 15ème année consécutive aux voix de la poésie méditerranéenne. Occasion de s’ouvrir l’esprit aux aspects parfois surprenant de cet art.
Publié dans la Nouvelle vie ouvrière du 29 juin 2012
En descendant les ruelles étroites et baignées de soleil, la douce odeur de tilleul se fait plus précise. De temps à autre le promeneur croise une petite place, une terrasse de café où quelques clients bavardent doucement. C’est dans ce décors, entre Larzac et Montpellier, du 16 au 22 juillet, que la ville de Lodève sera toute entière dédiée à la poésie. En cette mi-juin, à l’angle de deux venelles, au centre de la vieille ville, l’école communale Fleury est encore studieuse. Là, on imagine l’élève debout, les mains moites, devant le tableau noir, récitant le poème d’un grand auteur. Cette image ancrée dans notre inconscient collectif, ressurgie souvent avec ennui ou appréhension à l’évocation du seul mot de poésie. Effacer ce schéma est une raison d’être du festival « les voix de la méditerranée » grâce à la diversité de disciplines artistiques offrant un aspect plus ludique à la littérature.
Théâtre, danse, musique, peinture, cinéma et photographie sont autant de passerelles offertes au public de Lodève pour en favoriser l’accès, mais comme le soulignait en janvier 2010 dans le « monde Diplomatique » Jacques Roubeau, grand invité de cette 15ème édition Lodévoise : « la poésie a lieu dans une langue, se fait avec des mots ; […] qu’un poème doit être un objet artistique de langue à quatre dimensions, c’est-à-dire être composé à la fois pour une page, pour une voix, pour une oreille, et pour une vision intérieure. La poésie doit se lire et dire ».
C’est précisément ce sens que Franck Loyat le directeur « des voix » tient à préserver, et ainsi éviter les pièges d’une poésie trop vulgarisée, mais qui doit être accessible au plus profane dans un savant mélange d’audace et de garantie littéraire : « Nous avons une ligne artistique qui est la poésie, s’il y a une totale absence de texte c’est un peu passer la frontière du cadre donné. La poésie peut être intimidante ! Pour amener à la redécouvrir, c’est justement en proposant des formes différentes à la lecture que nous pouvons permettre au public l’ouverture de certaines portes d’entrée dans le festival en fonction de son âge, de ses goûts ou de sa culture. » Précise le programmateur.
La première originalité des Voix de la Méditerranée résonne dans son caractère populaire. Avec ses bénévoles des « voix-amies de la méditerranée » qui soutiennent à bout de bras le festival et dont l’un des membres n’est autre qu’Alain Maussière militant CGT et défenseur farouche d’une culture ouverte à tous. Son syndicat de l’énergie organise le 18 juillet une rencontre débat sur les thèmes du travail de la culture et du syndicalisme. A part quelques concerts ou spectacles, quasiment toutes les propositions artistiques sont gratuites et présentées sur l’espace public. La question de la rentabilité d’un tel événement n’est pas, même si elle reste importante, la priorité de la communauté de commune du Lodévois et Larzac. « Nous ne pouvons pas décemment, faire un festival à Lodève, compte tenu de sa population, de son tissu social, dans la ville, dans l’espace public, sans envisager la gratuité. Pour des raisons d’abord le projet artistique. Si nous faisons payer des gens pour assister à une lecture nous n’auront que des férus de poésie et encore… Ce festival par son projet ne peut pas faire autrement ! » Insiste Franck Loyat.
Du coup à Lodève, le festival n’a pas de politique de tête d’affiche et c’est d’une certaine mesure une prise de risque qu’il faut saluer.
Autre engagement généreux, programmer des artistes locaux, en plus des 50 poètes invités et venant des pays méditerranéens, par souci de politique culturelle et de bon sens. L’avantage de cette formule permet non seulement les rencontres mais également donne la possibilité du « sur-mesure » dans l’offre créative. Ainsi La danseuse et chorégraphe Céline Lefèvre a expérimenté durant l’année et sur l’espace public des improvisations chorégraphiques en utilisant les bruits, les éléments, les évènements qui font l’atmosphère de la ville. Le tout sans musique, comme une danse poétique improvisée sur les seuls mots, paroles et sons que donne l’environnement des rues de Lodève. Céline, venue de la danse classique et passée par le contemporain, – avec de prestigieux chorégraphes comme Prej Locage, expérimente ainsi le Hip-Hop danse urbaine par excellence et se risque sans filet devant le public.
Son amie Marie Poitevin cinéaste et artiste contemporaine propose dans sa galerie le « neuf » des expositions photographiques, ou des performances vidéo et cinématographiques à caractère poétique comme une liaison entre ces arts modernes et l’utilisation des mots. Le travail photographique d’Arno Brignon témoigne d’un engagement humaniste dans l’actualité, mais également de textes accompagnant les images d’une série intitulé « la double absence » dont les personnages subissent l’exil sans retour possible parfois dans leur pays d’origine. L’engagement de Marie Poitevin témoigne d’une grande générosité d’œuvres et de talents qui valent le détour tout au long de l’année.
C’est également ce travail continu en dehors du festival qui donne sens aux insurrections poétique que propose Yves Gaudin. Ce jongleur de mots et Rhapsode comme il se défini lui-même, travaille avec les enfants du centre de loisir et voyage au travers des cultures en malaxant les mots pour le plus grand bonheur du public.
Côté théâtre, la compagnie Carambole présente un spectacle intitulé « Nom de code : Popé », basé sur le rythme corporel où les mots de Raymond Queneau de Jacques Prévert ou encore Andrée Chédid et d’autres sont autant d’invitations au plaisir et au jeu qui éveillent en chaque individu la part d’enfant qu’il possède.
Avec les petites marionnettes de la compagnie « la cour singulière » la rencontre entre le texte de l’anarchiste Gaston Couté et le talent des sculptures d’Hélène Rosset et le petit théâtre conçut dans une roulotte de 14 places par Olivier Lehmann donne un univers des plus poétiques qu’il soit.
Côté musique il faudra s’imprégner des textes d’une haute poésie de Nicolas Iarossi. A la tête du groupe montpelliérain “Iaross”, il invente avec deux autres compères une musique dans laquelle les effets électroniques transforment des instruments de musique comme le violoncelle ou la guitare acoustique pour en sortir un Rock alternatif. Les trois musiciens sont titulaires d’un Master en musicologie qui valide une recherche de haut niveau.
A VOIR EN PLUS
L’exposition sur Théo Van Rysselberghe
« l’instant sublimé »
Au Musée Fleury de Lodève.
Et le programme du festival sur :
http://www.voixdelamediterranee.com/
Retrouvez l’ensemble des photographies de ce reportage sur; http://www.olivier-perriraz.com/2012/06/poesie-en-ruelles.html