Le récent spectacle médiatique est assez incroyable. Depuis quelques
jours, journalistes et commentateurs s'agitent sur les futurs efforts de
rigueur que la France allait devoir subir pour redresser, comme promis,
ses comptes publics. Faux scoops, ré-écriture de la campagne, cris
d'orfraie ou incompréhension, ça parle et ça s'agite, sans savoir ni
prévoir.
Gesticulations médiatiques
Certains journaux conservateurs (Les Echos, Le Figaro, l'Express, Le Point) s'étaient livrés à une course aux scoops, faux ou prématurés. De la nouvelle taxe sur les dividendes des Echos aux « coupes drastiques » dans la fonction publique du Figaro, de cette rigueur «que le gouvernement Ayrault nous prépare » (l'Express) aux « coupes budgétaires dès cette année » (le Figaro, encore), il fallut s'habituer à ces fuites qu'on n'osait imaginer orchestrées.
Il
y avait aussi ces duels et faux débats, sans objet puisque leur objet
même (le collectif budgétaire de juillet puis la loi de finances de
l'automne) n'était pas connu. Sur toutes les ondes, des journalistes
nous assénaient donc qu'il faudrait augmenter les impôts (quelle
nouvelle !) mais aussi réduire les dépenses (quelle nouvelle !).
Quelques éditocrates voulaient aussi faire croire que le
président Hollande ne respectait pas les engagements du candidat
Hollande. A cet exercice, l'un des plus fameux d'entre eux était
certainement le soutier de RTL et du Grand Journal de CANAL+,
Jean-Michel Aphatie. Depuis des jours, l'éditorialiste politique
professionnel raille avec gourmandise tantôt un prétendu revirement de
François Hollande, tantôt son irresponsabilité budgétaire. Dans un
mémorable billet publié vendredi dernier sous le titre « Le changement du changement, c’est maintenant », Aphatie fit toutefois un aveu incroyable: il reconnaissait à Hollande d'avoir « tout dit lors de ces
multiples discours», sur l'augmentation du SMIC, l'embauche de nouveaux
fonctionnaires, ou la retraite à 60 ans. Cet aveu de sa part, discrètement, sur son blog, était un évènement à part entière. Il compléta, cependant, que c'était la faute de ... l’opinion publique « qui n’entend que ce qu’elle veut bien entendre ».
A droite, on enrageait. On croyait pouvoir caricaturer François Hollande comme un grand dépensier, le voici qu'il confirmait sa
prudence de campagne.
Aujourd'hui, il appliquait son programme, dans un contexte plus grave
encore.
A gauche, certaines critiques étaient prévisibles et légitimes.
La hausse du SMIC était largement insuffisante pour les attentes des sympathisants
et électeurs de la Gauche de la gauche. Il n'y avait que quelques
Sarko-fanatiques pour croire que Hollande était sur la ligne du Front de
Gauche... Et pourtant, d'après le Nouvel Obs, si les salariés étaient « mitigés », les patrons étaient, eux, carrément « horrifiés ».
Ce que l'on sait
A ce stade, que savait-on vraiment ?
1. Le
contexte économique s'est aggravé tout au long du dernier semestre: la prévision de croissance économique n'est plus celle retenue par l'ancien gouvernement Sarkozy: elle serait limitée à 0,4% en 2012. Le chômage, en mai dernier, a encore progressé: +33.000 sans-emplois, le
maquillage des statistiques par l'ancienne équipe ne produisait plus
ses effets. La flambée du chômage devrait durer jusqu'en décembre au moins, a prévenu l'INSEE. Faute de croissance, le pouvoir d'achat des Français devrait reculer cette année.
2. Il manque aussi entre 7 et 10 milliards d'euros à l'Etat pour clore son
exercice en cours dans les clous de la précédente loi de finances. Une part de ce trou est dû à une sous-estimation des dépenses par l'ancienne équipe.
2. Le SMIC sera augmenté de 2% au 1er juillet,
dont 1,4% pour compenser l'inflation des mois précédent.
Cela représente 21,50 euros supplémentaires par mois. C'est peu mais
c'était prévisible. François Hollande n'avait pas promis d'aligner le
SMIC sur 1.700 euros, une proposition de Jean-Luc Mélenchon. Rappelons
que Nicolas Sarkozy s'était refusé à tout coup de pouce de juillet 2007 au 1er janvier 2012. Le ministre du Travail s'est défendu en expliquant qu'il fallait « remonter à 1997 pour trouver un coup de pouce supérieur ».
3. Le bouclier fiscal a encore coûté 735 millions d'euros en 2011.
Valérie Pécresse, l'ancienne ministre du Budget de Nicolas Sarkozy
savait depuis avril qu'il avait coûté 100 millions d'euros de plus qu'en
2010. Mais elle s'était bien gardé de publier le dit rapport. Ces 735
millions représentent 10% des sommes manquantes au budget de l'Etat
cette année. Ce n'est pas tout, mais ce n'est pas rien. Et c'est un vrai
gâchis.
4. Le gouvernement va annuler la hausse de 11 milliards d'euros de TVA
prévue par l'équipe Sarkozy pour octobre prochain.L'impact pour les
comptes publics est neutre, puisque cette hausse de la TVA - qui
frappait les consommateurs, y compris et surtout les classes moyennes et
les retraités - était compensée par une réduction de charges sociales.
5. Le gouvernement va geler un milliard d'euros de dépenses 2012: «1 milliard de dépenses qui devaient être engagées d'ici à la fin de l'année seront gelées» a prévenu Jérôme Cahuzac, l'actuel ministre du Budget. « Chaque ministère y contribuera. »
6. Les effectifs de la fonction publique resteront stables. Le candidat Hollande s'y était engagé, le gouvernement Ayrault l'a rappelé: « Il n'y aura pas un fonctionnaire de plus, il n'y en aura pas un de moins ».
7. Plus globalement, le gouvernement a annoncé lundi qu'il gèlerait en valeur les dépenses de l'Etat pour les années 2013 à 2015. Pour 2012, ce gel s'entendra hors pensions de retraite et
intérêts de la dette.
8. Sans le vouloir ou le prévoir, le gouvernement peut aussi compter sur une autre recette inattendue: la réforme Hollande des retraites va rapporter davantage qu'elle ne coûte ! Au final, environ 500 millions d'euros supplémentaires seraient dégagés...