« On ne pourra jamais apprendre l’élégance », cet adage est signé par la « Fashion Godess » française, Carine Roitfeld. Chez E-TV, on ne peut qu’acquiescer devant cette citation qui tombe sous le sens. L’élégance sera et restera toujours innée à l’image de ce que peut-être le charisme. Néanmoins, tout le monde ne nait pas sous une bonne étoile et ne peut donc se targuer de posséder un quelconque don. Dans la plupart des cas, des subterfuges existent pour les gens « normaux » (terme remis à la mode par le président français). Et l’élégance ne fait pas exception à la règle grâce notamment au sur-mesure. Ainsi, un petit trapu ou un gros joufflu (toute ressemblance avec l’ancien et l’actuel « normal » dirigeant français n’en serait 0que fortuite) peut prétendre bien porter le costume. Et lorsqu’on évoque le costume sur-mesure, difficile de ne pas prendre un billet d’Eurostar, un « black cab » et de demander au « cab driver »: Savile Row please!
1) La naissance de Savile Row
Pour connaître l’histoire de ce lieu mythique, plongeons dans le Londres du XVIII° siècle. De retour d’un grand voyage sur le continent, le comte de Burlington se fait construire un palais dans Piccadilly et donne à la rue qui passe derrière sa propriété (devenue aujourd’hui l’Académie Royale des Arts) le nom de son épouse lady Dorothy Savile. Les tailleurs, militaires d’abord et civils ensuite, ne s’en emparèrent qu’au XIXème siècle, après que la Révolution française eut balayé les tenues de cour faites de soies, de velours et de broderies, brocards, damas et autres enluminures, et que Brummell ait inventé le dandysme en lançant le culte de l’élégance masculine.
Initialement basé sur les tenues équestres et champêtres, celui-ci provoqua l’ouverture des premières maisons de couture « Bespoke » (En Anglais: appellation qui fait office de véritable label, signifie “sur-mesure” ou “grande-mesure”, c’est-à-dire fait-main à 100%), promptes à adapter l’art tailleur à la demande. En 1846, c’est à l’une d’entre elles, « Henry Poole », proclamé « fondateur de Savile Row », que l’on doit l’identité particulière du « Golden mile ». Fort de ce titre, Henry Poole devint l’homme fort du Row, qui recevait et conseillait tout ce que l’Angleterre comptait de personnalités influentes.
2) Hollywood conquiert le Row
Deux évolutions marquantes vont marquer le Row : la première guerre mondiale d’abord, et l’irrésistible explosion du prêt-à-porter, que la seconde guerre précipita. La fin de la première guerre et l’effervescence des années folles générèrent une évolution sociétale déterminante, qui vit remplacer les icônes d’hier (les princes et les aristocrates) par d’autres plus modernes (les stars du cinéma). Dans les années 20 et 30, Clark Gable, Fred Astaire et Cary Grant ont remplacé les princes et les lords dans l’ordre d’accession à l’élégance, et plusieurs maisons du Row se sont faites une spécialité d’habiller ces nouveaux rois du monde, les plus célèbres étant Anderson & Sheppard et Huntsman.
3) Le Row aujourd’hui
Il y aurait près de 800 tailleurs sur-mesure en Angleterre dont 300 à Londres et une centaine (dont 25 apprentis) sur The Row. Parmi les pontes actuels de cet univers de la “grande-mesure”, on retrouve quelques incontournables:
- « Gieves & Hawkes », installé au numéro 1 de la rue depuis la fin du XVIIIème siècle ou « Davies & Son » au 38, à l’origine des uniformes de la police. Ainsi, Calvin Klein, Michael Jackson ou encore l’ancien président américain Harry Truman ont figuré parmi ses clients.
- « Hardy Amies » au numéro 14, de style classique, habille aussi bien les hommes que les femmes et les acteurs de cinéma (2001: l’Odyssée de l’espace).
- « Nutters of Savile Row » soutenu, entre autres, par Peter Brown de la Beatles Apple Corps, confectionna des tenues pour le respecté Duc de Bedford, pour le cinéma (Batman en 1989) mais aussi pour Mick et Bianca Jagger (dont il fit la robe de mariée) ainsi que pour Les Beatles.
- Au 12a de la rue, on trouve Ozwald Boateng, originaire du Ghana mais élevé en Angleterre. Cet Anglais d’adoption, qui a appris les rudiments du métier dès l’âge de 16 ans en travaillant dans la boutique de sa mère sur Portobello Road, revendique non seulement son profil de tailleur mais également celui de designer. En 2003, il est nommé directeur artistique pour le couturier français Givenchy.
- Enfin, on ne peut évoquer Savile Row sans parler de « ‘Stowers Bespoke », le tailleur fétiche de l’acteur anglais Tamer Hassan, de la Princesse Diana, du Roi Hussein, du Sultan de Brunei, de Michael Jackson ou encore du général Pinochet !
Porter un costume estampillé Savile Row est aujourd’hui gage de très grande classe. Malheureusement tout le monde ne peut avoir accès à ce privilège. Car privilège, il y a. Ainsi, moyennant 3500 livres (4000 euros), chaque costume mobilise pas moins d’une dizaine de personnes qui y consacrent plus de 50 heures de travail. Trois essayages et de nombreux ajustements sont généralement requis afin que le costume mette en valeur la silhouette du client avec précision et perfection. Acheter du sur-mesure dans la parallèle à la Regent Street est un véritable investissement. Mais se faire tailler dans le Row, ça n’a pas de prix!