Je suis donc allé à la rencontre de son auteur, Alexis Orsini, fan depuis de très nombreuses années du créateur de Monster et 20th Century Boys. Il lui dédiait jusqu’ici un site web, La base secrète, et s’est décidé à réaliser l’ouvrage L’air du temps, consacré à la biographie puis à l’œuvre de Naoki Urasawa, publié aux moutons électriques. Un peu notre rêve à tous, nous les j-web-rédacteurs un brin otaku sur les bords qui posons notre édifice brique virtuelle après brique virtuelle sans oser aller plus loin. Cette audace à 22 ans force donc le respect et méritait amplement une interview… Et qui sait ouvrira peut-être une voie… PREUM’S pour Hôjo et Adachi ! Ah aaah trop tard, je l’ai dit !
Humm, pardon… Passons sans plus attendre à l’interview !
L’air du temps : la genèse du livre
Commençons par les présentations : qui est Alexis Orsini ?
Un étudiant en lettres de 22 ans, et un passionné d’Urasawa (ô surprise) avant tout, auquel je consacre un site depuis décembre 2005 : La base secrète (.fr).
Tu es donc l’auteur d’une monographie sur Naoki Urasawa qui se nomme L’air du temps… Pourquoi ce titre d’ailleurs ?
En y repensant, le titre du livre m’est venu assez tard, à peu près quand j’avais fini de rédiger les parties centrales du manuscrit. « L’air du temps », c’est une expression tirée d’une interview d’Urasawa, dans laquelle il expliquait que pour réussir un bon manga il faut être capable de saisir l’air du temps et « l’atmosphère de notre époque » : au vu des thèmes abordés dans ses œuvres, et de son parcours biographique, ce titre s’est imposé comme une évidence pour moi. Il faut savoir qu’Urasawa est un auteur qui a toujours su vivre avec son temps, et évoluer selon les époques.
Tout est né d’un conseil d’un journaliste mais pourrais tu nous en dire plus sur la naissance du projet ?
C’est effectivement grâce à Sébastien Kimbergt, journaliste chez Animeland, que j’en suis venu à écrire le livre. Plus précisément, de septembre 2010 à février 2011, je bénéficiais de beaucoup de temps libre puisque je repassais ma deuxième année de droit et que j’étais dispensé du premier semestre, donc je cherchais un projet pour m’occuper pendant cette période. À l’origine, je comptais uniquement me concentrer sur mon site dédié à Urasawa, pour le mettre à jour, le retravailler graphiquement, le moderniser et le compléter.
Puis, au détour d’une conversation, Sébastien m’a dit : « et si tu écrivais un livre sur Urasawa? ». Au départ, l’idée m’a paru absurde parce que j’étais bien conscient qu’on savait très peu de choses (voire rien du tout) sur Urasawa en tant qu’homme : je pensais qu’une biographie du personnage tiendrait sur deux pages et se bornerait à un bête résumé chronologique de la parution de ses œuvres. Malgré tout, l’idée a germé dans ma tête et au fur et à mesure de mes recherches et de mes relectures, je me suis rendu compte qu’il y avait beaucoup à dire, au point de pouvoir écrire un livre entier sur le sujet.
Quel est le rôle de ton éditeur dans toute cette histoire ? Fut-il facile à convaincre ?
Une fois que j’étais lancé sérieusement dans le projet, je me suis dit qu’il fallait que je me concentre d’abord sur la rédaction du livre. Je ne savais pas s’il serait publié un jour mais, pour moi, l’idée était de travailler à fond sur le manuscrit et de me préoccuper après coup de savoir s’il serait publié ou non, pour que la recherche d’un éditeur ne vienne pas empiéter sur mon travail de rédaction.
Une fois que je tenais l’ossature principale du manuscrit et que le tout me paraissait suffisamment complet et travaillé pour être présenté à un éditeur, j’ai démarché plusieurs maisons d’édition. Le manque de réponses (et les retours négatifs) était un peu décourageant, et, comme je ne savais plus trop où chercher (étant donné que je m’étais surtout tourné vers des éditeurs en rapport avec le Japon), j’ai regardé la liste Wikipédia des éditeurs français. Là, j’ai vu « les moutons électriques » et (au-delà de la référence au roman de Philip K.Dick qui était forcément trop tentante pour un fan de Blade Runner…), j’ai découvert le catalogue et la politique de cet éditeur et là encore l’évidence s’est imposée : c’est chez cet éditeur que j’avais le plus de chances d’être publié, et j’étais surtout certain de bien m’entendre avec lui.
Après, le déroulement a été assez classique : une série de mails, une rencontre en chair et en os, une discussion sur ce qu’on pourrait mettre et ne pas mettre dans le livre, la signature du contrat… Enfin, le projet se concrétisait.
Quelles furent les principales difficultés ?
Principalement la confrontation à une réalité pratique. Au commencement, je devais effectuer de grosses coupes dans le manuscrit original : cela m’a pas mal dérangé. Puis je m’y suis fait, en comprenant qu’il valait mieux mettre moins de contenu mais avoir un ouvrage plus structuré et cohérent plutôt qu’avoir un ensemble qui parte dans tous les sens et n’aborde pas les choses en profondeur.
Le fait de se trouver seul avec son manuscrit tout au long de sa rédaction est assez difficile également, puisqu’on ne dispose pas d’avis extérieur sur son travail.
Tu dis que tu as du taillé dans la version initiale pour obtenir ce qui a été publié mais au final, tu as enlevé quoi : 10% ? 25% ? Plus ?
Environ 15%, toute une partie assez longue et très technique a dû être laissée de côté.
Est-ce qu’il y a des passages que tu as du défendre bec et ongle justement et réussit à conserver ?
J’ai beaucoup insisté pour que la partie biographique soit conservée intégralement mais cela s’est aussi imposé comme une évidence pour l’éditeur donc ça n’a pas vraiment prêté à discussion. Au final, comme on était d’accord dès le début sur le contenu de la monographie, les principales coupes se sont faites sur des passages trop longs ou trop descriptifs, sur le nombre (assez colossal) de notes, sur certaines tournures de phrases…
Les coupes portaient plus sur la forme que sur le fond, en fait. Concernant la partie des influences cinématographiques, il a fallu supprimer les extraits de films (découpés séquence par séquence) que j’avais intégré à la base, pour des raisons de droit d’auteur.
Dans la partie analyse tu passes au crible tous les thèmes et les figures d’Urasawa… Est-ce que tu avais déjà tout en tête ou c’est venu au fur et à mesure ?
J’avais déjà une bonne partie des idées en tête car je comptais aborder de nombreux thèmes sur La base secrète. Par la suite, beaucoup d’autres idées me sont venues en relisant minutieusement chaque volume de chaque série d’Urasawa parue en France, d’autant plus qu’en connaissant des informations biographiques sur l’auteur, certains points qui me paraissaient anodins par le passé me sautaient soudainement aux yeux.
Ta monographie est plutôt exhaustive mais pourquoi n’avoir pas fait uniquement une biographie ?
Pour être tout à fait franc, l’idée de ne faire qu’une biographie ne m’a jamais traversé l’esprit, sans doute parce que j’associais systématiquement biographie et analyse de l’œuvre. À mon sens, la partie biographique est censée éclairer la partie analytique et vice-versa. Les deux ont une relation symbiotique. On ne peut pas expliquer l’œuvre d’Urasawa de façon complète sans connaître son parcours, le déroulement de sa carrière.
Quelle a été ta méthode de travail pour l’écriture de ce livre ?
Je suis d’abord parti d’une base essentielle : les mangas d’Urasawa. Je connaissais déjà très bien ses séries mais j’ai consacré énormément de temps à les étudier. Concrètement, j’ai relu chaque tome muni d’une feuille de papier et d’un stylo, afin de noter tous les éléments thématiques (par exemple, l’enfance, la musique, le sexe, les références autobiographiques…) qui transparaissaient dans telle ou telle page. Ensuite, une fois la relecture du tome terminée, je recopiais ces notes (qui tenaient parfois sur deux feuilles recto verso) sur un fichier texte que j’avais divisé en multiples catégories (par thèmes majeurs).
Ainsi, au fur et à mesure de mes relectures, le fichier prenait de plus en plus d’ampleur et il me suffisait par exemple de jeter un œil au thème « musique » pour avoir un aperçu complet de tous les exemples de scènes de ce genre, mais aussi des réflexions personnelles que je m’étais fait sur ce thème précis. Ensuite, il était temps de rédiger le tout et de structurer ces réflexions et exemples, en prenant soin de ne pas sombrer dans le simple catalogue. J’ai d’ailleurs laissé plusieurs catégories du fichier texte de côté parce qu’elles consistaient plus en simple liste exhaustive d’exemples qu’en analyse du thème en lui-même.
La seconde base essentielle, c’était les interviews d’Urasawa. Il fallait d’abord les rechercher, en faire une liste complète, s’assurer de leur intérêt par rapport à l’ouvrage, puis les trouver (certaines revues étant parfois épuisées ou dures à faire parvenir en France), les faire traduire, et enfin, évidemment, les lire et les relire pour en conserver les informations essentielles et les mettre en relation avec la documentation amassée précédemment. Il s’agissait clairement de la partie la plus intéressante de mon travail, car chaque interview apportait son lot d’informations captivantes et que petit à petit, chaque élément venait en rejoindre un autre pour former un tout très complet. Je me suis ainsi rendu compte que, dans chaque interview d’Urasawa, on retrouvait un même fil rouge : sa volonté d’abolir la distinction entre manga « majeur » et manga « mineur ». Par conséquent, j’ai revu totalement la structure de la partie biographique, pour accorder à ce fil rouge l’importance qu’il méritait.
Bien sûr, chaque base était intrinsèquement liée à l’autre puisque j’allais piocher dans l’œuvre d’Urasawa par rapport à certaines de ses déclarations lors d’interviews et que j’allais également chercher des précisions sur certains points thématiques de ses mangas dans ses discussions.
La rédaction dans les grandes lignes de l’ensemble de l’ouvrage a été assez rapide, elle m’a pris environ trois ou quatre mois. En revanche, pour restructurer le tout, coller au plus près à l’actualité récente de l’auteur, modifier des pages ou des parties entières pour des raisons techniques (coupe, mélange de plusieurs parties en une seule…), il m’a fallu plusieurs mois supplémentaires. Au total, j’ai donc consacré environ un an au livre.
Quels sont les premiers retours ?
Le livre a été chroniqué par de nombreux sites spécialisés, et la critique est plutôt positive. J’avoue être assez fier de voir L’air du temps chroniqué dans l’Animeland #182, surtout que la critique est assez élogieuse!
Mais j’attends surtout d’avoir des retours des lecteurs, qu’ils soient fans d’Urasawa ou néophytes. Quelques personnes m’ont dit avoir eu envie de découvrir les mangas d’Urasawa grâce à mon livre et même si ça peut paraître banal, c’est pour moi le plus beau compliment possible puisque le but de l’ouvrage est justement d’inciter à lire les œuvres de l’auteur, en faisant transparaître leur richesse et leur intérêt. Ainsi, les connaisseurs auront envie de s’y replonger et les curieux de les découvrir.
Je suppose que tu as lu, relu et re-relu Urasawa pour ce livre… Est-ce que ça a changé ton regard sur l’auteur ou son œuvre ?
Je dirais que ce travail m’a surtout permis de constater, encore plus qu’avant, à quel point cet auteur est atypique dans le milieu du manga. Il est original par son parcours mais aussi (voire surtout) dans le contenu de ses œuvres car même si elles suivent des structures classiques et parfois commerciales, elles ont toujours une part de réflexion et d’ambition qui les classent un peu à part. Par ailleurs, j’ai davantage pris conscience du sens de certains titres « slogan » qu’on attribuait à Urasawa. On parle souvent de lui comme de l »héritier de Tezuka ou comme l’équivalent japonais d’Alfred Hitchcock. En étudiant son œuvre au plus près, on se rend compte que ces attributs sont bien réels et ne servent pas simplement de formule commerciale accrocheuse.
Imaginons que demain, sur ton exemple, je veuille écrire une monographie sur Tsukasa Hôjo… Tu me donnes quoi comme conseil ?
En premier lieu, de réunir le plus de documentation possible sur l’auteur. Ma grande chance avec Urasawa, c’est que l’auteur, contrairement à la majorité des mangaka, est particulièrement bavard et donne de nombreuses interviews. Je pense que la difficulté principale, lorsqu’on écrit une monographie sur un mangaka, est de se trouver confronté à un manque d’informations ou de sources.
Le second conseil principal que je donnerais rejoint ce que je disais plus haut : lire, relire et re-relire l’œuvre de l’auteur pour mieux la comprendre et en saisir la portée même si on peut avoir l’impression de déjà tout savoir sur ses séries.
Enfin, des conseils pratiques plus généraux : ne pas se décourager, se dire que le projet trouvera son public même si on a parfois des doutes puisqu’on est seul à le rédiger, travailler sur la longueur et ne pas se presser (en ce sens, disposer de beaucoup de temps libre est forcément très pratique).
Urasawa – Orsini : love, exciting and neeeeew ♫
Je me souviens que les dessins m’avaient pas mal rebuté, tout comme le style de narration. Ce n’était pas tant le nombre de dialogues qui m’avait gêné (surtout que Détective Conan n’en manque pas!) mais le rythme assez lent de l’intrigue. Je connaissais les grandes lignes du scénario et je trouvais qu’il n’avançait pas. Avec le recul, je crois que je m’attendais à ce que Tenma traque Johann dès le deuxième chapitre… j’étais trop impatient en somme!
Et ensuite, il y a eu 20th Century Boys…
Oui, vu que je n’avais pas accroché à Monster (je m’étais arrêté à la fin du premier tome), j’avais décidé de persévérer sur Urasawa avec 20th Century Boys. Là, en revanche, ça a été le coup de foudre immédiat. Les sauts dans le temps, la secte qui prend de l’ampleur, l’anticipation du changement de siècle, la musique… Tous ces éléments m’ont immédiatement captivé et j’ai dévoré les premiers tomes à une vitesse folle. Je me souviens d’ailleurs que j’étais tellement dépité d’arriver à la fin du septième tome sans avoir la suite sous la main que j’étais parti en catastrophe dans la librairie la plus proche, juste avant la fermeture, pour pouvoir acheter le tome suivant.
Comme j’avais accroché à 20th Century Boys, j’ai décidé de retenter ma chance avec Monster et c’est vraiment à partir de la fin du deuxième tome que j’ai eu le déclic.
20th reste ton œuvre préférée d’Urasawa ?
C’est une question assez compliquée… D’instinct, je dirais que oui. Mais ma réponse serait plus motivée par un attachement assez affectif au manga : j’ai tellement été pris dans l’intrigue au cours de sa parution, et je me suis tellement pris de passion pour les personnages, que j’ai forcément un penchant particulier pour cette série. Cependant, si je dois répondre de manière plus objective, je dirais que Monster est mon œuvre préférée, parce qu’elle est plus maîtrisée et qu’au fil de mes relectures j’ai réalisé à quel point j’accrochais autant, voire plus, à l’intrigue de ce manga qu’à celle de 20th Century Boys. Je pense que la fin de 20th Century Boys (les deux tomes de 21st Century Boys, en fait) m’a tellement déçu que, bons souvenirs d’époque mis à part, lorsque j’ai envie de relire un volume ou une série complète d’Urasawa, je me tourne d’abord vers Monster.
Il est encore bien trop tôt pour en juger mais Billy Bat a de bonnes chances de devenir mon œuvre préférée d’Urasawa. Si la fin du deuxième volume m’avait laissé assez sceptique, la lecture du troisième tome et ma connaissance « évasive » du contenu des prochains tomes (ou plutôt des périodes historiques abordées) me confortent dans cette idée. À titre purement personnel, je dirais en tout cas qu’en termes de potentiel, Billy Bat a de quoi détrôner toutes les œuvres précédentes d’Urasawa.
Justement, quel est ton avis sur Billy Bat, son dernier titre en date ?
C’est un titre déroutant, qui part un peu dans tous les sens. Forcément, connaissant l’auteur, on peut craindre que le soufflé retombe et que l’intrigue soit prolongée artificiellement (comme dans les derniers tomes de 20th Century Boys) mais c’est clairement son manga le plus ambitieux. Je suis particulièrement conquis par l’idée d’une chauve-souris intemporelle qui complote à tous les âges, et par cette volonté scénaristique de revisiter les plus grandes périodes de l’histoire de l’humanité. Graphiquement et narrativement, Billy Bat reste l’œuvre la plus maîtrisée d’Urasawa (ses dessins et son découpage sont vraiment magnifiques) et je me retrouve en train d’attendre la suite de l’histoire avec encore plus d’impatience que pour ses précédentes séries donc pour l’instant c’est du tout bon!
Difficile de trancher, il y en a tellement ! Si je ne devais en retenir que quelques uns, ce serait, sans hésiter, les deux derniers tomes de Monster. Et les volumes 12 et 20 de 20th Century Boys. Tous ces volumes correspondent à un moment crucial de l’intrigue, et je suis toujours admiratif du talent d’Urasawa pour faire monter le suspense à son paroxysme dans ces passages. Ces scènes me font toujours autant frissonner alors que je n’ai plus l’effet de surprise de la première fois.
Et l’œuvre d’Urasawa que tu apprécies le moins c’est… ?
Pineapple Army, pour le peu que j’en ai lu (le seul tome paru en France).
À part Urasawa, tu lis d’autres mangakas ?
Ces dernières années je lisais presque exclusivement du Urasawa mais je me suis remis à d’autres auteurs récemment : Takehiko Inoue, Osamu Tezuka, que je connaissais déjà et ma dernière découverte en date, Inio Asano (un gros coup de coeur).
Urasawa : qualités et défauts
Pourquoi penses-tu que cet auteur soit si populaire ?
Sa popularité tient surtout à ses talents de narrateur. Quand on y repense, Urasawa arrive souvent à transformer des intrigues assez simples ou classiques en passages captivants grâce à son sens de la mise en scène, du découpage et du dialogue. Son succès tient aussi à sa galerie de personnages très variés et attachants, à l’ambition de ses intrigues, à leur cadre réaliste et au fait qu’on lise des œuvres à portée mondiale, universelle même. Le côté feuilleton de ses intrigues joue fortement aussi dans son succès, on est toujours dans l’attente fébrile de la suite, ce qui crée une sorte d’addiction à cet auteur.
Globalement tu penses quoi des fins des mangas d’Urasawa ?
Je n’ai jamais trop compris pourquoi on lui reprochait de bâcler ses fins ou de ne pas savoir conclure ses intrigues. Autant je trouve que la fin de 20th/21st Century Boys est franchement mauvaise et décevante, autant j’ai adoré la fin de Monster (sa meilleure conclusion toutes séries confondues, à mon sens) ainsi que celle de Pluto (le côté « bons sentiments » m’a un peu dérangé mais à part ça c’est un sans faute). Sur trois thrillers, je ne vois qu’une seule fin ratée, donc ce n’est pas un vice récurrent que je reprocherais à Urasawa.
Selon toi, quelle est la principale qualité et le principal défaut de l’auteur ?
Sa principale qualité reste, comme je viens de le dire, son talent de narrateur, de conteur. Son imagination et son côté touche-à-tout sont aussi deux grandes forces : en lisant un manga d’Urasawa, on s’ouvre vers de nouveaux horizons. Que ce soit la musique des années 1960 et la société japonaise moderne avec 20th Century Boys, certaines périodes historiques et mystères irrésolus avec Billy Bat, l’Allemagne et la chute du mur de Berlin avec Monster, la misère sociale et les dérives de l’argent dans Happy! … Tous les manga d’Urasawa nous amènent à réfléchir à certains éléments propres à notre époque et à l’évolution de la société. Personnellement, j’ai découvert beaucoup d’artistes ou d’œuvres de divers horizons grâce à Urasawa.
Quel regard porte Urasawa sur sa propre œuvre ?
Il faudrait lui demander directement! Cela dit, d’après ses interviews et son caractère, je pense qu’il porte un regard très critique sur son travail, comme il l’a toujours fait depuis ses débuts.
La monographie est aussi l’occasion d’apprendre qu’Urasawa ne travaille pas seul… Qui est Takashi Nagasaki ?
Nagasaki n’est autre que le second moteur derrière les œuvres d’Urasawa, un moteur présent depuis les débuts de l’auteur (mais pas sur toutes ses œuvres, puisqu’il n’a pas travaillé sur Yawara! ni sur Happy!) qui ne s’est fait connaître que récemment. Nagasaki occupe, en somme, un rôle de co-scénariste dont l’importance a varié selon les époques et les œuvres d’Urasawa, mais qui reste toujours moins influent qu’Urasawa lui-même. Je résume sans doute un peu grossièrement la chose car en réalité la répartition des rôles est plus complexe, comme je l’explique en détail dans le livre.
Qu’apporte-t-il à Urasawa ?
Il lui apporte une contradiction nécessaire pour assurer la cohérence de ses intrigues, une sorte d’encadrement qui tient à un respect mutuel entretenu depuis plus de vingt ans entre les deux hommes… Il lui donne aussi pas mal d’idées à exploiter.
Tu en sais déjà beaucoup sur Urasawa mais si tu le croises sur Japan Expo, quelles questions as-tu envie de lui poser ?
J’ai sous la main un fichier texte contenant plus de 60 questions à poser à Urasawa (des questions qui me sont venues pendant la rédaction du livre), donc je pense que je ne manquerai pas de matière ! Mais je préfère les garder pour moi, histoire de pouvoir publier une interview exclusive après coup si la rencontre a lieu à Japan Expo!
Et pour finir, quels sont tes futurs projets : Urasawa encore, ou tu passes à autre chose ?
Pour l’instant, j’attends de voir comment le livre est reçu par le milieu spécialisé, si Urasawa réagit (on lui fait traduire l’essentiel de l’ouvrage en japonais en ce moment même), ce qu’en pensent les fans de l’auteur et de manga en général, avant de me lancer dans un autre projet. J’espère en tout cas que ce projet là permettra de m’ouvrir des portes ou m’incitera à continuer en ce sens car cette expérience (la rédaction du livre, le travail de recherche et de réflexion, la réception par le public…) est vraiment géniale : ce serait un plaisir de m’y remettre mais pour cela il me faut d’abord trouver un sujet qui me captive autant.
Merci beaucoup Alexis, et bonne continuation !
Merci à toi, j’espère ne pas m’être montré trop bavard!
Remerciements à Alexis Orsini pour son temps et ses réponses détaillés, et encore bravo pour son bouquin ! Merci également à son éditeur Les moutons électriques.
Pour info : vous pourrez retrouver Alexis Orsini le samedi 30 juin à la librairie Azu Manga d’Angers pour une séance de dédicace.