Comme on pouvait s'y attendre et comme nous en faisions déjà mention dans nos colonnes il y a quelques semaines, l'immobilier français connaît ses premières phases de crise.
Dans le logement neuf, la crise se poursuit avec une nouvelle plongée jugée préoccupante par les professionnel du marché. En effet, selon le Ministère du Logement, les mises en chantier ont chuté de 19,8% pour la période allant de mars à mai 2012 comparé à la même période l'année dernière. Les chiffres du mois dernier étaient eux-mêmes peu brillant avec une chute encore plus importante à 22.5%. De même, en chiffres bruts, le nombre de mises en chantier de logements neufs tombe à 72.020, alors que le mois dernier, il s'établissait à 76.215 unités.
Concernant le nombre de permis de construire, il continue à s'affaisser de 2,7% (contre 2,0% le mois dernier) et représente désormais en cumul 102.690 logements (contre 101.945 il y a un mois). Cette dégringolade inquiète les professionnels du secteur. Leurs déclarations ne laissent aucun doute :
"La chute continue et elle est peut-être en train de s'interrompre. Mais sur un niveau de construction particulièrement préoccupant"
Michel Mouillart, professeur d'économie et spécialisé dans l'immobilier
"Il s'agit d'une tendance très préoccupante pour le logement neuf en France"
François Payelle, président de la Fédération des Promoteurs Immobiliers (FPI)
Du côté des ventes et toujours dans le neuf, les chiffres du Ministère publiés fin mai ne sont pas franchement plus réjouissants puisqu'ils accusent une chute de 14,4%. Selon M. Mouillart, les niveaux observés sur les cinq premiers mois de l'année n'ont jamais été aussi bas depuis 1986. Il révise d'ailleurs à la baisse sa prévision de mises en chantier de logements neufs pour 2012 et n'en attend plus que 300 à 310 milliers, contre 320 à 340 précédemment.
Les causes de cet effondrement sont multiples et pour le moment, les professionnels isolent notamment la suppression du prêt à taux zéro (PTZ+) et la fin du dispositif Scellier (au plus tard ce 31 décembre) dans l'ancien et dans l'investissement locatif. L'Etat, à court d'argent et aux finances particulièrement fines en ces temps de crise, ne distribue plus de cadeaux ce qui provoque une tension qui aurait dû être réglée depuis au moins 2008. Cette tension accumulée ressurgit donc d'un seul coup en quelques mois.
De plus, ces restrictions budgétaires et des collectivités locales financièrement à sec entraînent mécaniquement un recul des constructions sociales, ce qui assombrit encore un peu plus le tableau général des mises en chantiers. Si l'on se rappelle que la ministre du Logement, Cécile Duflot, s'est décidé à bloquer par décret les loyers à la relocation, on comprend que le message général envoyé aux investisseurs dans le logement est particulièrement négatif, ces derniers misant avant tout sur la progressivité possible des revenus issus des loyers. Cette possibilité s'évaporant, les investissements correspondants s'évaporent aussi.
Enfin, même si le gouvernement envisage de doubler le plafond d'épargne du Livret A, M. Mouillart pense que "ce n'est pas avec cela qu'on va enrayer le recul de la construction locative sociale". Quoi qu'il arrive, on peut d'ores et déjà s'attendre aux cris et grincements de dents de tout un secteur qui réclame déjà des aides et interventions massives de l’État, pour faire perdurer la situation pourtant explosive qui aura vu les prix de l'immobilier augmenter de plus de 140% en dix ans.