Depuis quelques années, la politique européenne d’ouverture du marché des moyens de paiement aux acteurs non bancaires a permis l’émergence de solutions innovantes portées par de nouveaux arrivants. Les acteurs traditionnels doivent se mettre au diapason d’un marché qui évolue vers toujours plus de mobilité et de connectivité.
Mais, alors que les banques françaises n’ont investi que récemment les marchés du paiement mobile et P2P (Peer to Peer), l’arrivée du TPE pour mobile se profile comme une nouvelle révolution potentielle. Les banques peuvent-elles encore prendre le train en marche ?
Le TPE (terminal électronique de paiement) pour mobile est un accessoire que l’on branche sur son smartphone. Couplé à une application ad hoc, il permet de transformer ce dernier en TPE et de recevoir des paiements par carte bancaire (magnétiques ou à puce selon les solutions). Cette solution se distingue des terminaux mobiles GPRS classiques, que l’on trouve dans les taxis entre autres, par un modèle économique novateur et la possibilité de s’intégrer à une offre complète d’applications mobiles pour particuliers et commerçants. Le TPE pour mobile constitue une nouvelle offre de paiement à l’attention des professionnels en mobilité et des petites entreprises, et se positionnent en concurrence vis-à-vis des offres monétiques traditionnelles.
Le TPE pour mobile est déjà une réalité aux Etats-Unis
Square a lancé le premier le TPE pour mobile aux Etats-Unis en octobre 2010. A ce jour, 500 000 micro-lecteurs ont été distribués et plus de 4 millions de dollars d’opérations sont traitées chaque jour. Il a été suivi par Intuit Go Payment puis très récemment par PayPal Here qui n’acceptent pour le moment, eux aussi, que les cartes bancaires à bande magnétique. En Europe, iZettle (entreprise suédoise) est le premier acteur fournissant un TPE pour mobile acceptant les cartes à puce. Les acteurs classiques du marché du TPE, comme Ingenico ou VeriFone, se sont récemment lancés à leur tour.
Ces solutions sont d’autant plus attrayantes qu’elles peuvent intégrer une offre complète proposant les services classiques d’une caisse enregistreuse : la création d’un référentiel de produits, l’analyse des ventes, ou la génération de reçus électroniques, par exemple. Par ailleurs, la mise à disposition d’une application complémentaire, destinée aux particuliers, permet d’agir sur la relation client ; les vendeurs peuvent ainsi gérer leur présence dans un annuaire, publier leur actualité (la liste des produits disponibles, les offres spéciales, les ventes les plus populaires, etc.) ou proposer des promotions personnalisées. Les clients peuvent également rechercher une boutique par géolocalisation, suivre leurs achats, gérer ou recevoir des reçus électroniques ou ajouter un pourboire. PayPal Here innove encore davantage en permettant d’enregistrer un règlement via une photographie de la carte bancaire ou d’encaisser un chèque directement sur son mobile en le photographiant.
Le business model de la quasi-totalité des acteurs s’est calqué sur celui de Square. Le lecteur de carte est distribué gratuitement (ce qui ne devait être qu’une offre de lancement au démarrage) et les frais fixes ont été majoritairement abandonnés. Une commission qui oscille selon les acteurs entre 2,69 % et 2,75 % est prélevée sur les paiements. A ceci s’ajoute les revenus provenant de la gestion des fonds déposés sur les comptes de paiement commerçants associés à la solution, ainsi que la facturation des services annexes (à l’exemple de Paypal Here qui met à disposition des commerçants une carte bancaire pour utiliser les fonds disponibles sur leur compte).
Par comparaison avec une offre de TPE classique, en prenant l’hypothèse d’une commission de paiement moyenne de l’ordre de 0,45%, d’un abonnement mensuel de 30€ pour la location du matériel ainsi que des frais d’installation inhérents, le TPE pour mobile se révèle plus économique dès lors que le volume de paiements n’excède pas 1700 € de transactions mensuelles.
L’offre actuelle TPE pour mobile présente néanmoins un triple avantage : l’absence de frais fixes qui permet d’adresser les TPE et les commerçants générant des opérations de petits montants, un modèle ouvert qui accepte potentiellement toutes les cartes de paiement, et une grande mobilité nativement offerte par le terminal mobile. L’enjeu de ce modèle, pour en garantir l’essor et la pérennité, consistera à intégrer toutes les normes de sécurité, en particulier EMV et PCI DSS (dans le cas de l’enregistrement d’une carte bancaire).
En Europe, les réactions des différentes parties prenantes sont attendues
Les consommateurs seront-ils prêts à payer avec leur carte bancaire sur un smartphone ? Aux Etats-Unis, les offres de TPE pour mobile ont reçu un bon accueil de la part des particuliers mais les difficultés des acteurs du paiement mobile en Europe, particulièrement en France, témoignent de la frilosité des consommateurs européens en matière de solution de paiement innovante. Dans ce contexte, l’enjeu de l’intégration des normes de sécurité est d’autant plus prégnant.
Les fabricants de TPE traditionnels organisent leur riposte. VeriFone a ainsi remporté un trophée SESAME au salon « Cartes & Identification » avec sa solution PAYware Mobile Enterprise présentée en janvier 2011. Ingenico l’a suivi en annonçant l’arrivée d’une nouvelle gamme, iSMP, en novembre 2011. Mais, malgré de réelles innovations, ces offres demeurent des terminaux complets (avec lecteur de code barre, lecteur de cartes, à piste magnétique, à puce ou sans contact, clavier de saisie…). De plus, les grilles tarifaires comprennent toujours des charges d’activation et des charges additionnelles. La cible n’est pas ici les très petites entreprises mais plutôt les grands commerçants qui souhaitent rendre mobiles leurs points de vente. Le concept est d’ailleurs déjà expérimenté dans les Apple Store, mais il pourrait très bien s’adapter aux chaînes de fast-food leur permettant de gagner en efficacité.
Les banques doivent-elles revoir leur positionnement tarifaire pour garder la main sur le marché des paiements de petits montants ? Par exemple en créant des offres monétiques low-cost couplées à des TPE aux frais d’installation et de gestion réduits ? Elles peuvent en tout cas compter sur leur notoriété et l’image de sécurité qu’elles renvoient qui font souvent défaut aux nouveaux entrants. Leur parc d’accepteurs, déjà extrêmement développé, leur confère un avantage concurrentiel déterminant pour défendre leur présence auprès des petits commerçants.
Enfin, l’essor du paiement mobile pourrait également freiner la progression des TPE pour mobiles. Les banques, en massifiant le parc clients de ces solutions, constituent une alternative crédible sur le marché des paiements de petit montant. Ceci, à condition d’une ouverture des systèmes actuels ou d’une alliance avec les réseaux de cartes bancaires. De fait, l’avantage actuel du TPE pour mobile consiste en son intégration immédiate aux habitudes des consommateurs puisqu’il est accessible à l’ensemble des porteurs de cartes.
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