Graoulli’hein, Graoull’hyennes, amies zantrop et amis litants, citoyennes, citoyens, Torino-Futur mon ni-dieu-ni-maître, je profite d’une accalmie dans mon agenda ultra chargé (plusieurs secondes perdues à réparer le pose-cocktail de mon hamac, ou encore à me remettre du décalage horaire entre deux voyages littéraires) pour réagir sur un sujet d’actualité.
Une déferlante de haut-le-cœur, de sentiments de révolte, de plaintes, de cris, de tics, de critiques s’est abattue aujourd’hui dans le microcosme virtuel de la communication tactile et cathodique sur la citoyenne Vallaud-Belkacem. Quel crime a-t-elle bien pu commettre qui soulève un tôlé de si grande amplitude ?
A-t-elle lancé l’idée d’un décret incitant les citoyens à la lecture ou limitant le nombre d’heures passées devant la télé ?
Non, même pas, et on pourrait lui reprocher.
La citoyenne ministre sus-citée a simplement rappelé la position de sa faction politique (élue selon les saintes-règles de la démocratie et ointe comme il se doit du saint-chrême déposé par un saint-pigeon représentant le plus incontestable du peuple français) à propos de la prostitution. Une position qui se veut « abolitionniste ».
Abolir la prostitution en France, terre de la république moderne, des droits des humains, du rêve républicain unitaire et égalitariste, quoi de plus cohérent ?
Vendre son corps c’est être esclave. L’esclavage étant officiellement, légalement, aboli , comment une pratique qui en relève peut-elle être encore tolérée à la fois par les instances faisant autorité et par l’opinion publique ?
C’est « le plus vieux métier du monde » lis-je ici et là. Et alors ? Le meurtre est une pratique vieille comme le monde (enfin vieille comme le monde humain en tout cas) pourtant elle est condamnable et punie par la loi. Sous couvert de tradition il faudrait continuer à tolérer le fait qu’une transaction matérielle commande au corps (à l’intime) d’un ou une individu-e (85% des prostitués en France sont des femmes) ?
On peut lire aussi que la prostitution existe car le « besoin » existe (la loi tacite et insidieuse de l’offre et de la demande), la misère sexuelle fait des ravages et il faut y remédier en tolérant que des individus vendent leurs corps à d’autres. Mais qu’est ce qui définit cette « misère », est-elle réelle, a-t-on des références factuelles et chiffrées autre que les statistiques à propos de la prostitution, c’est le serpent qui se mord la queue (au sens propre) : si la prostitution existe c’est que la misère sexuelle existe, et vu que la misère sexuelle existe il faut une prostitution, ça tourne en rond et invalide l’argutie.
Imaginons qu’il y ait une réelle misère sexuelle ici-bas (oui au là haut, au 7e ciel, elle disparaît) , pourquoi cette misère ne concerne-t-elle alors que les hommes (98% des solliciteurs de relations intimes tarifées sont des mâles) ? Ne me dites pas que chez les mâles la « pulsion » sexuelle est un besoin quand les femelles connaissent, elles, l’amour/l’affection/la tendresse comme besoin, ou alors vous faites des hommes des êtres dénués de cœur et des femmes des êtres dénués de désirs. (on se rend d’ailleurs bien compte lorsqu’on subit un échec amoureux que l’on soit homme ou femme, que l’autre « n’a pas de cœur », nous sommes donc tous et toutes capables de ne pas avoir de cœur, ou au contraire d’être tendres/affectueux/amoureux).
Et puis si la prostitution était nécessaire à endiguer la misère affective/sexuelle, pourquoi des hommes mariés, ou en couple (hétéro ou homo) connaissent-ils ce « besoin » ? Parce qu’ils s’emmerdent en couple ? C’est le cas aussi des femmes.
Ne confondons-nous d’ailleurs pas « besoin » et « envie » ?
Qu’un individu aie envie d’avoir une relation sexuelle, soit, mais n’y a-t-il pas moyen qu’il puisse assouvir cette envie avec un autre individu qui en aurait aussi envie ? Pourquoi écrire une phrase de ce type, si logique, fondement même de l’humanisme parait si dérisoire aujourd’hui, dérisoire, que dis-je ? niaise, bisounours, utopique…
Oui mais certaines prostitués exercent par choix, me rétorque-t-on. Bien. C’est exactement pour cela qu’il faut abolir la prostitution, afin de ne plus jamais donner ce choix là. (Cela en a été de même avec l’esclavage, certains esclaves étaient consentants car être esclave était toléré, si la pédophilie est demain autorisée vous trouverez encore des victimes consentantes).
Faire l’amour relève de l’envie, de la passion, du désir et non du commerce, le mythe de la relation tarifée excitante jusque parce qu’elle est tarifée doit être mis à la lumière de la raison et de la vertu républicaine et humaniste.
Non, personne en France ne doit avoir de relations sexuelles pour d’autres raisons que le désir, l’amour, l’envie. L’envie d’argent ce n’est pas l’envie de sexe.
Oui, il y a une tradition de la prostitution en France, oui les maisons clauses dépeintes par nos romanciers, nos peintres, nos chansonniers ont un charme, le charme du passé. Ne refoulons jamais ce passé, la prostitution fait partie de notre histoire, comme preuve de la dictature patriarcale, tout comme la monarchie fait partie de notre passé comme preuve des inégalités sociales qui nous ont construit et que nous tentons de déconstruire depuis plus de deux siècles.
Déconstruisons l’idée que le sexe pourrait relever du commerce, légiférer sur le sujet est la première pierre de l’édifice, une autre pierre permettant l’érection d’une maison commune de la raison relève de l’éducation, éduquons au plaisir et au rejet de la contrainte nos successeurs afin que jamais ils ne puissent s’habituer à des pratiques malsaines et irrespectueuses de l’humain, et encore moins institutionnaliser ces pratiques.