Deux ans après son démarrage, le titanesque projet de rénovation du Système d'Information (SI) du Crédit Agricole, baptisé Nice, commence à prendre forme. Ainsi, 10 caisses régionales, sur les 39 qui seront équipées à terme, ont déjà basculé vers ce qui constituera le "moteur" de la banque pour les décennies à venir.
Pour le groupe mutualiste, la réflexion a commencé en 2008, en partant d'un constat commun à tous les grands établissements à travers le monde : les outils informatiques qui sont au cœur des principaux processus bancaires ont été conçus dans les années 60 à 80, à une époque où l'agence était le seul lieu où le client pouvait interagir avec son compte, où les DABs ("distributeurs automatiques de billets") naissaient tout juste et où la mise à jour des comptes ne pouvait se faire qu'une fois par jour (ou, plus exactement, par nuit).
Aujourd'hui, bien entendu, la relation bancaire a vécu une véritable révolution : outre ses échanges avec son conseiller, le client gère désormais ses comptes via internet, sur son mobile ou encore sur GAB ("Guichet Automatique de Banque") et par téléphone (avec un centre d'appel), et bascule d'un canal à l'autre en un instant, en comptant trouver partout la même information. Les SI se sont adaptés tant bien que mal à ces changements, à coup de "rustines" plus ou moins robustes...
Mais, pour le Crédit Agricole, continuer à faire évoluer, cahin-caha, 5 systèmes différents (décentralisation oblige), dans un monde en transformation de plus en plus rapide, n'était plus raisonnable. La décision a donc été prise de lancer une rénovation radicale, qui permettrait de définir les outils informatiques capables de prendre en charge, de manière optimale, les attentes des clients, aujourd'hui et demain.
Avec un coût total du projet estimé à 500 millions d'euros, le pari était risqué. Mais les enjeux sont énormes. Ainsi, une vraie banque multi-canal – permettant, par exemple, de préparer une demande de prêt sur Internet, puis de négocier avec son conseiller et de signer le contrat sur sa tablette dans l'agence, pour enfin être informé du transfert des fonds sur son mobile, en temps réel – semble "naturelle" mais n'existe pas vraiment aujourd'hui. Autre exemple : composer une offre personnalisée en assemblant la palette de produits individuels que le client choisit est une utopie qui devient réalité, sans contraintes.
A plus long terme, c'est tout l'avenir de la banque qui se joue. Ainsi, l'australienne CommBank, qui a suivi la même logique avec quelques mois d'avance (et pour plus d'un milliard de dollars), a déjà démontré les bénéfices qu'elle en tirait, avec une accélération fulgurante du développement de nouveaux produits et services. Dans un monde qui impose aux entreprises d'innover en permanence pour survivre, celles qui se débarrassent de leur informatique d'un autre âge sont évidemment mieux positionnées !
Les analystes estiment que les approches "big-bang" telles que celles du Crédit Agricole ou de CommBank vont rapidement devenir impossibles, car trop risquées. Les banques qui n'ont pas encore franchi le pas se contenteraient donc de transformations progressives, par étapes "contrôlées". Si cette prudence peut faire du sens d'un point de vue comptable, elle va aussi laisser le champ libre aux pionnières pendant les quelques années (et il en faudra probablement une dizaine) où les "petits" chantiers se succèderont et consommeront une bonne partie des énergies (et des budgets)...
D'une certaine manière, le Crédit Agricole est donc la première banque française à entrer dans le 21ème siècle, si du moins le projet Nice est à la mesure de ses ambitions !
Actualité repérée grâce à Patrick Kleer (merci !)