M’a récemment été faite sur twitter cette réponse qui recense de façon magistrale à peu près tous les poncifs imaginables sur le féminisme.
Allons y donc gaiement :
1. Hommes et femmes sont différents et complémentaires :
L’IRM nous a permis d’étudier le fonctionnement du cerveau. Ainsi on a découvert qu’on a tous et toutes un cerveau différent, y compris les jumeaux. On parle de plasticité du cerveau c’est à dire que le cerveau se modifie en permanence en fonction des activités, des expériences de vie. Ainsi si j’apprends à jongler pendant trois mois, puis que j’arrête brutalement, mon cerveau connaîtra des évolutions successives et on le verra par des IRM.
Les hommes et les femmes ne sont pas différents ; le cerveau d’un homme est aussi différent de celui d’une femme qu’il l’est de celui d’un autre homme.
Les qualités et les défauts qui sont des modes de fonctionnement complexes, s’acquièrent au fur et mesure des expériences de vie et n’ont donc rien de féminin ou masculin.
Pour complément, il y a très peu de récepteurs à la testostérone ou aux oestrogènes dans le cortex humain ; au temps donc pour les hormones.
Les femmes donc ne sont pas toutes pareilles, pas plus que les hommes ne le sont.
Au passage quand bien même vous persisteriez à penser qu’hommes et femmes sont différents, je ne vois pas ce qui permet d’en conclure qu’il ne doit pas y avoir égalité.
2. Le féminisme, une guerre contre les hommes :
Comme l’anti capitalisme n’entend pas tuer les patrons, le féminisme interroge les rapports entre les sexes et pourquoi une classe sociale « les hommes » a-t-elle hérité du pouvoir politique et économique. Aspirer à plus d’égalité ne veut pas dire qu’il y a guerre.
3. Les malheurs des hommes :
Le féminisme étudie les rapport de sexe et donc le genre. Il a ainsi montré que chacun est enfermé dans un rôle dont il est difficile de sortir. Ainsi si on valorise les comportements agressifs chez les petits garçons, on finira au collège puis au lycée par davantage les punir (80% des punitions sont infligées aux garçons). Un homme doit être dans la compétition, bien gagner sa vie. Abolir le patriarcat sera tout aussi profitable aux hommes.
4. Les violences commises par les femmes :
Les chiffres sont parfaitement disponibles sur le site du Ministère de l’Intérieur mais je comprends qu’il soit agréable de s’inventer des complots.
Les hommes représentent 22% des victimes de violences. L’article est complet ; il ne me semble pas nécessaire d’en rajouter.
5. La parité.
« il y a dans TOUS les domaines des femmes compétentes et des hommes compétents, mais leur pourcentage varie suivant le domaine et le centre d’intérêt de chacun »
Oui si et seulement si on laissait les gens s’épanouir sans préjugé. Dans les faits, les femmes sont découragées à faire de la politique. Lorsqu’elles réussissent à accéder à un poste, elles subissent des insultes sexistes. Des députées ont dit qu’à l’AN, il leur était parfois difficile de simplement mettre une jupe tant le sexisme y grand. Anecdotique ? Tout est fait pour renvoyer les femmes ailleurs qu’en politique.
6. Le plafond de verre :
« A compétence égale, il n’y a probablement pas de plafond de verre, car les lois du marché veillent au grain. »
« Le marché » n’est pas né de rien ; le capitalisme étant postérieur au sexisme et au racisme. Les femmes sont jugées moins compétentes pour faire respecter « les lois du marché ». Je trouve étonnant d’arriver à nier des réalités statistiques mais j’imagine que « les lois du marché » en ont créé de fausses (on se demande dans quel but).
7. Les filles meilleures élèves :
Beaucoup plus de garçons que de filles sortent sans diplôme de l’école. Dans les faits, pourtant, au cours de leur scolarité, ils ont été davantage sollicités par les professeurs, aidés, encadrés.
Encore une fois, le sexisme fait des ravages. Beaucoup de garçons se comportent tels que la société sexiste attend qu’ils se comportent ; en étant insolents, en ne suivant pas, en étant violents avec les garçons ne correspondant pas au modèle viril. C’est en évoluant vers une société moins sexiste que les garçons réussiront mieux à l’école.
« Qui s’occupe du problème symétrique des garçons ayant des difficultés avec les matières littéraire ? »
Un homme doit au minimum être bon en maths et en économie afin d’avoir ensuite un métier rentable qui lui permette de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille ; c’est du moins encore une fois une des caractéristiques du patriarcat. Voilà pourquoi in garçon ne sera jamais encouragé dans une matière littéraire.
8. Le genre :
Le genre est le sexe social c’est à dire la façon d’être homme, femme ou autre dans une société donnée à un temps donné. Ainsi la masculinité dans la noblesse du 17eme siècle allait de pair avec perruques et maquillage. Dans certaines ethnies, seuls les hommes se maquillent. En Malaisie, l’informatique est une matière féminine. Beauvoir a dit qu’on ne nait pas femme, on le devient. C’est vrai pour les hommes également. Le genre n’est donc pas une théorie c’est une réalité ethnologique, sociologique et historique.
Pour devenir une femme en France en 2012, il s’opère tout un processus très complexe qui n’aurait pas été le même il y a 5 siècles par exemple.
9. Les « délits sexuels ».
Le viol est puni qu’il soit commis par un homme ou une femme ; si un homme dit non c’est non ; il n’y a donc personne d’avantagé en la matière. Vous mettez sur le même plan le fait de faire un enfant dans le dos – qui est certes un acte moralement condamnable – mais dont vous pouvez vous prémunir en ayant une contraception et le viol. Je ne vois pas bien quoi répondre ; on ne peut se prémunir contre le viol.
Scolastik a eu la gentillesse de répondre aux deux derniers points ; voici donc ses propos.
La langue permet de penser les rapports sociaux. Elle n’est pas un vecteur neutre. Utiliser la langue, c’est utiliser les connotations qu’elle porte, les cadres sociaux. Elle influence la manière dont on pense sa position dans la société. Si le docteur est toujours le docteur, le ministre est toujours le ministre, le maire toujours le maire quand il sont exercés par des femmes, la langue donne perpétue l’idée selon laquelle ce ne sont que des professions et mandats exercés par des hommes. La langue française n’ayant pas de genre neutre, la féminisation des noms offre une modification grammaticale moindre en rapport d’une neutralisation totale de la langue.
La langue évolue tous les jours, ce qui était considéré autrefois comme des aberrations grammaticales est aujourd’hui devenu correct. Ces évolutions ne concernent pas seulement le vocabulaire, mais bien la grammaire. Choisir d’étiqueter ces nouveaux mots comme monstres grammaticaux n’est que le résultat d’un choix personnel dicté par des goûts arbitraires.
Le fait que quelques femmes, de votre connaissance, ne soient pas présentes auprès de leurs enfants ne constitue pas un fait social qui viendrait prouver que toutes les femmes ont abandonné toute responsabilité. Les plus récentes enquêtes sur le partage des tâches dans le couple montrent encore que les femmes sont celles qui réalisent la majorité des tâches liées à l’éducation des enfants (et des tâches ménagères). Le féminisme est donc engagé dans une lutte légitime qui vise à envisager l’éducation infantile non pas comme une charge féminine dont les hommes n’auraient à gérer que la part résiduelle mais bien comme une responsabilité partagée.
Plus encore, le féminisme propose la vision radicale de ne pas penser les enfants comme le seul horizon possible pour les femmes. Le choix de ne pas faire d’enfants n’est pas un choix égocentrique mais bien un choix légitime pour les femmes comme pour les hommes et qui doit être respecté comme tel.
Personne n’a accusera un homme d’égocentrisme parce qu’il laisse la majeur partie de l’éducation des enfants à sa femme ou qu’il fait le choix de ne pas en avoir. On dira de lui qu’il a fait une carrière brillante et on ne posera pas la question des enfants.
Lutter contre une organisation sociale qui naturalise le lien exclusif entre les femmes et leurs enfants, c’est le combat du féminisme.