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La fille qui doutait…

Publié le 25 juin 2012 par Swann

Le journalisme n’a pas toujours été mon rêve. C’est par hasard en fait que je le découvre. J’ai jamais eu de grand coup de foudre pour un journaliste de Libération ou du Figaro. Je n’ai jamais dit que je voulais être grand reporter. J’ai toujours détesté Tintin. Je lisais beaucoup plus l’Équipe que Le Monde. Davantage Rock & Folk que Marianne.  Et puis un jour comme ça, pour essayer je me suis dit que ce serait cool de tenter l’expérience dans une rédaction. Ras-le-bol de la fac. Besoin de tester un truc de nouveau. J’ai testé Le Monde. Comment je suis rentrée la-bas? Avec une lettre de motivation totalement décalée qui parlait de Foot, tennis et Formule 1. On m’a envoyé au service des sports. J’ai passé un mois la-bas. J’ai trouvé ça top.

J’ai recommencé l’expérience deux mois plus tard, sur un site musical. J’ai alterné entre sport et musique, mes deux passions. Sans jamais faire d’école de journalisme et toujours en parallèle avec mes études de droit international. Troisième stage dans une rédaction musicale…Et là, petite révélation : moi je veux être critique. Ouai. Mais en fait, j’ai toujours été une grande réfractaire aux écoles de journalisme. Ce que j’appelle amoureusement “les fabriques à journalistes”. Des mecs tous façonnés dans un même moule. Ils ont la même voix à la télé ou à la radio. Ils écrivent tous pareils, traitent des même sujets et prennent leur pied avec la politique, le social ou l’économie. Et la culture dans tout ça ? Relégués au second plan. De toute manière c’est une page dans un canard. Les services dans les grandes rédactions nationales, c’est trois journalistes. Pas plus. Et en école de journalisme, ce sont toujours les grands oubliés. Il faut dire qu’en terme de “loi de proximité”, la culture ça n’intéresse pas grand monde. Peut-être les bobos parisiens. Puisqu’il n’y a qu’eux qui lisent Télérama et les Inrocks pas vrai ?

J’ai finalement fait une école de journalisme. Parce que, soyons honnêtes, nous sommes dans un pays et dans une époque qui fait que sans diplôme estampillé “journaliste” tu ne peux pas gagner ta place dans une rédaction. Et encore, même avec c’est pas sûr. J’ai donc fait une école, en me présentant comme journaliste musical. La branleuse quoi. Celle qui arrive fatiguée le matin, parce qu’elle était en concert la veille. Celle qui a Vox Pop dans son sac au lieu d’avoir le package “Parisien/Libé/Le Monde“. Celle qui ne connait pas le Ministre de l’intérieur du Zimbabwe, mais qui connait par cœur la vie de Johnny Cash. Dans une salle de classe, c’est compliqué à défendre. Je continue à faire cette école, tout en me demandant parfois ce que j’y fais, tellement j’ai le sentiment de ne pas y être à ma place. On te fait comprendre que le journalisme musical ce n’est pas vraiment du journalisme et que tu as plutôt intérêt à t’intéresser à la politique du pays (politique, ta mère), à la Grèce, à la crise financière (crise de merde).

Et si, mon rêve à moi c’était plutôt d’être JD Beauvallet et pas Edwy Plenel ? Vas donc leur expliquer que ça ne me fait pas bander d’écrire des papiers sur Karachi, et que je préférerais écrire sur la culture rock ou l’impact de Bob Dylan sur le folk. C’est pas possible. On me dit qu’il n’y a pas que la musique dans la vie. Certes. Est-ce qu’on dit au journaliste politique qu’il n’y a pas que la politique dans la vie ? Bah non, c’est tellement carrément mieux…oui mais moi ça ne m’intéresse carrément pas.

Je me retrouve dans la position de la nana qui a le cul coincé entre deux chaises. Je fais semblant d’être intéressée par les papiers de Raphaëlle Bacqué, je m’excuse de ne pas être super calée en politique. Je promets de me mettre à niveau le plus rapidement possible, et laisser un peu de côté la musique. Je me force à écrire des papiers merdiques, sur des sujets merdiques. Puis, j’en viens à me poser des questions existentielles sur mon envie et ma motivation. Je ne ressens même plus le plaisir d’écrire. Or, prendre un stylo, coucher des mots sur le papier ‘est pour moi la chose la plus importante. Écrire, c’est viscéral. J’ai besoin d’écrire. Moi qui n’ai jamais bien su manier l’art de parler et discourir, je me suis toujours cachée derrière ma plume. Or, la machine à écrire tombe en panne chaque fois que je passe le pas de l’établissement. Deux semaines par mois, je suis littéralement hors-service.  Suis-je donc vraiment faite pour ce boulot ? L’école a réussi à faire naitre un doute sérieux sur mes envies…

Non, le journalisme n’a pas toujours été mon rêve. D’ailleurs aujourd’hui je n’arrive toujours pas à le dire : pourtant c’est vrai, je suis journaliste. J’y suis finalement arrivée. Mais le dire ça m’écorche la langue, ça me fait un truc bizarre dans le bide. Comme si ce n’était pas tout à fait moi. Comme si je ne méritais pas ce titre. Comme si ce n’était pas pour moi. Moi, qui ne voulait au départ, simplement écrire sur la musique.


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