Il y a tout juste 70 ans, à Bir Hakeim, les 3.700 hommes de la 1ère Brigade française libre tenaient tête pendant deux semaines à la Panzerarmee Afrika de Rommel. Ce qui est, entre autre, remarquable dans cet exploit c'est qu'il a été réalisé avec sensiblement les mêmes équipements que ceux dont étaient dotés deux ans plus tôt les 300 et quelques régiments d'infanterie français alignés derrière la ligne Maginot et la frontière belge. La différence, c'est que les hommes n'étaient plus les mêmes. Entre temps, ils avaient transformé leur manière de voir l'ennemi, entrepris d'utiliser différemment les moyens existants et développé des structures nouvelles. Par un effort considérable d'innovation, les vaincus humiliés d'hier s'étaient transformés en combattants redoutables.
Ce qui est valable pour une brigade, l'est aussi pour une armée entière. Dix ans avant de débarquer en Afrique du Nord, Rommel faisait partie de la plus faible armée d'Europe. Soixante-dix ans plus tôt encore et juste avant de s'imposer comme la première puissance militaire mondiale, l'armée prussienne était l'armée de la nation la moins puissante d'Europe et n'avait plus d'expérience de la guerre depuis 1815. Vingt-cinq ans après Bir Hakeim, c'est l'armée du petit Israël qui s'avérait capable de vaincre trois armées arabes en six jours.Si la génétique ne peut transformer les grenouilles en taureaux, l'innovation sociale et culturelle stimulée par l'imagination et la volonté peut, elle, transformer des organisations en crise en superpuissances. Coincées entre l'engagement dans une guerre mondiale limitée et la crise budgétaire, les forces armées françaises sont en crise. En termes économiques, on parlerait de crise de l'offre tant nous avons de plus en plus de difficultés à faire face à la demande opérationnelle. Si nous restons capables de gagner des batailles grâce à notre excellence tactique, nous pouvons nous demander quels ennemis nous serions actuellement capables de vaincre complètement et seuls, alors que nous bénéficions encore du 6e budget de défense au monde.
Si nous voulons éviter l'implosion et la subordination complète à la seule puissance occidentale qui a réellement consenti à un effort militaire depuis la fin de la guerre froide, il y a urgence à réfléchir et à innover. Toutes les transformations décrites plus haut mais on pourrait y ajouter celle de grandes entreprises en crise comme IBM ou Toyota n'ont pu se réaliser que lorsque les dirigeants ont cessé de considérer qu'ils étaient omniscients et qu'ils ont fait appel à l'intelligence collective. Toyota a été sauvée en 2008 en grande partie grâce à deux millions de propositions de ses employés. L'objet de l'opération Bir Hakeim est d'utiliser la force de réflexion rapide de la blogosphère pour contribuer modestement peut-être mais concrètement à cette urgence d'intelligence. J'appelle donc les 2.000 lecteurs qui me font l'honneur de me lire chaque jour à contribuer sur LA VOIE DE L'ÉPÉE à cette réflexion collective sur les moyens d'augmenter la productivité de nos forces armées, par des articles (une page ou deux - une ou quelques idées argumentées, à envoyer à [email protected]) et des commentaires constructifs. Si l'expérience réussit, la synthèse de ces réflexions fera l'objet d'une publication (dont les droits d'auteur iront aux blessés de guerre) adressée aux autorités civiles et militaires.