Schumann, Tchaikovsky, Beethoven, Grieg ou Chopin avaient trouvé en elle, disparue ce samedi 23 juin, une interprète d'exception. Brigitte Engerer ne s’intéressait pas à l'image qu'on pouvait recevoir d'elle en jouant ces compositeurs. Bien au contraire, elle insufflait aux œuvres qu'elle servait tout leur poids, tout leur sens, toute leur vérité - son abnégation la rendant la plus discrète possible derrière son clavier...
Élève de Lucette Descaves puis de Stanislas Neuhaus (fils d'Heinrich) à Moscou, elle cultivera un jeu techniquement très abouti, moiré de délicatesse et de raffinement, quoique largement assis sur une autorité et une puissance innées. Karajan l'ayant invité - dès la fin de ses études moscovites - à venir se produire avec le Philharmonique de Berlin, elle commencera dès lors une carrière internationale qui la mènera à jouer avec des chefs illustres, tels que Barenboïm ou Mehta.
René Martin, fondateur des Folles Journées de Nantes, l'avait conviée quasiment dès le début à s'associer à la manifestation, où elle revenait chaque année, retrouvant avec le plaisir d'une chambriste insatiable ses amis : Gérard Caussé, Boris Berezovsky, Olivier Charlier ou Henri Demarquette...
Alors que Brigitte Engerer devait se produire ce 17 juin aux Fêtes Musicales de Touraine (La Grange de Meslay) avec La Roque d'Anthéron en perspective cet été, le cancer contre lequel elle luttait depuis des années a définitivement remporté la partie. L'adieu a pourtant eu lieu, devant un public qui pouvait en pressentir la gravité (1), le 12 juin, au Théâtre des Champs Élysées.
À cette artiste "à la fois reine et gitane" (selon le mot d'Olivier Bellamy) - dont la consomption n'est pas éloignée de celle qui fit de Samson François un mythe - on ne peut que dire, sans compter, merci.
Merci pour tout ce que vous nous avez prodigué, Madame... Et si, quelque part là-haut, vous croisez Chopin ou Tchaïkovsky, nous sommes certains que ceux-ci sauront vous témoigner, eux aussi, toute leur gratitude !