Élu avec 51,73% des voix, Mohamed Morsi est devenu dimanche 24 juin le premier islamiste - membre des Frères musulmans - président de l'Égypte. Mais c'est aussi le premier civil à occuper la magistrature suprême depuis la chute de la royauté en 1952.
Les Frères musulmans n'ont pas été la force motrice de la révolution égyptienne, mais ce sont eux qui en recueillent les premiers fruits. Selon des résultats officiels annoncés dimanche par la commission électorale, leur candidat Mohamed Morsi a été élu président avec 51,73% des voix contre 48,27% pour Ahmed Chafiq, présenté comme le candidat de l'armée. Le taux de participation s'est élevé à 51,85% pour le second tour du scrutin organisé les 16 et 17 juin, contre 46% lors du premier tour des 23 et 24 mai.
À peine élu, Mohamed Morsi a déclaré qu'il était « le président de tous les Égyptiens sans exception », tout en promettant de respecter les traités internationaux déjà signés et en appelant à l'unité nationale. Sa victoire a été fêté par des centaines de milliers de personnes au Caire, notamment sur la place Tahrir épicentre de la révolution depuis janvier 2011, aux cris de « Allah akbar ! » (Dieu est le plus grand), ou « À bas le pouvoir militaire ! »
La foule en liesse sur la place Tahrir, le 24 juin 2012.
© AFP
Quel président ?
Quel président sera Mohamed Morsi, un ingénieur de 60 ans diplômé d'une université américaine ? Pendant sa campagne, il a affirmé être le candidat de la « révolution », qui doit continuer « jusqu'à la réalisation de tous ses objectifs ». Ses premières paroles de chef d'État ont été adressées aux quelque 850 martyrs de la répression de l'ancien régime de Hosni Moubarak.
Les rafales d'armes automatiques ont résonné une bonne partie de la soirée dans l'enclave palestinienne de Gaza, contrôlée par le mouvement islamiste Hamas.
En s'engageant à respecter les traités internationaux, Morsi faisait surtout référence aux accords de paix conclus avec Israël en 1979. Un aspect de la politique de l'Egypte qui intéresse au plus haut point les États-Unis. Le président américain Barack Obama a appelé Mohamed Morsi pour le féliciter et l'assurer du soutien de son pays dans la transition démocratique en cours, a indiqué la Maison Blanche. Et son porte-parole, Jay Carney, a souligné dans un communiqué qu'il était « essentiel que le nouveau gouvernement continue à faire de l'Égypte un pilier de la paix, de la sécurité et de la stabilité dans la région ».
Israël a rendu un hommage minimaliste au « processus démocratique » ayant conduit Morsi au pouvoir. Mais ce sont de vrais scènes de liesse qui ont accueilli les résultats du scrutin égyptien dans l'enclave palestinienne de Gaza, contrôlée par le mouvement islamiste Hamas, et où les rafales d'armes automatiques ont résonné une bonne partie de la soirée.
Marge de manoeuvre réduite
Selon la télévision publique, l'Église copte orthodoxe d'Égypte, qui soutenait plutôt Ahmed Chafiq, a félicité le président élu. Quant à Chafiq lui-même, ancien chef d'état-major et dernier Premier ministre du raïs déchu Hosni Moubarak, il a également salué dans la soirée la victoire du nouveau président, lui souhaitant du « succès dans la tâche difficile que lui a confiée le peuple égyptien ». Mais la marge de manœuvre de Morsi, malgré sa popularité et sa légitimité, est très réduite.
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Le chef du Conseil suprême des forces armées (CSFA) qui dirige le pays depuis la chute de Moubarak, le maréchal Hussein Tantaoui, a adressé ses félicitations dimanche à M. Morsi. Et a promis de lui remettre le pouvoir exécutif avant la fin du mois. Mais l'armée a récemment édicté une « Déclaration constitutionnelle complémentaire » et récupéré le pouvoir législatif après la dissolution à la mi-juin de l'Assemblée nationale par la haute cour constitutionnelle.
La rédaction de la future Constitution est également soumise au contrôle des militaires. La réaction des Frères musulmans a été nuancée. Morsi a souhaité respecter la décision de la plus haute institution du pays, tandis que d'autres responsables des Frères musulmans ont dénoncé un « coup d'État constitutionnel » L'un d'entre eux, Mohamed el-Beltagui, a ainsi indiqué que les partisans de la confrérie poursuivraient leur sit-in sur la place Tahrir « jusqu'à l'annulation » de la « Déclaration constitutionnelle complémentaire ». Pour lui, le CSFA « n'a pas le droit de confisquer le pouvoir exécutif ou législatif ».
(Avec AFP)