“Nous ouvrons encore un café, je suis débordé”, lâche Yannis Zois, un Grec de 46 ans, en descendant de son vélo devant son bistrot bondé dans une rue commerçante au centre de Sofia.
Photo AFP
Cet homme originaire de l’île adriatique de Corfu a ouvert son premier café à Sofia il y a trois ans. Il en est maintenant au troisième.
Yannis Zois fait parti des centaines de petits entrepreneurs grecs qui ont trouvé refuge en Bulgarie voisine depuis le début de la crise.
“J’ai profité de cette niche au lieu d’aller à Athènes, une jungle où dans mon business chacun est prêt à manger l’autre”, explique-t-il.
Ingénieur en électronique, M. Zois travaille dans le secteur des cafés en Grèce, en Italie et en Allemagne depuis quinze ans, laissant à ses frères la gestion de sa société de distribution à Corfu.
“Mes efforts sont maintenant concentrés ici”, assure-t-il, balayant l’idée de rentrer en Grèce car “c’est plus sûr ici actuellement”. Même si “rien n’est sûr désormais en Europe,” s’empresse-t-il d’ajouter.
Près de 3.800 entreprises grecques au total étaient enregistrées fiscalement en Bulgarie en 2011, contre 2.100 un an auparavant, selon l’Agence gouvernementale des recettes, interrogée par l’AFP. Avant la crise, elles n’étaient que quelques centaines, ajoute-t-elle.
“Leur intérêt est lié aux taux d’imposition et d’assurance sociale plus bas et à la stabilité de l’économie”, indique-t-elle.
La Bulgarie n’impose que de 10% les recettes des entreprises, un des taux les plus bas d’Europe. Le capital exigé pour l’enregistrement d’une entreprise est symbolique – 1 euro – et la main d’oeuvre est bien moins chère qu’en Grèce.
Déménagement “sur le papier”
“Même les sociétés sans problèmes particuliers préfèrent déménager car elles manquent de sécurité en Grèce”, explique Christos Mouroutis, entrepreneur dans les domaines de l’immobilier et des énergies vertes.
Présent en Bulgarie depuis 13 ans, il gère des actifs de 250 millions d’euros. M. Mouroutis est consulté quotidiennement par des entreprises grecques qui envisagent de s’installer en Bulgarie.
“Certaines ne déménagent que sur le papier pour réduire leurs impôts, d’autres, surtout du secteur de l’informatique, délocalisent en entier”, explique-t-il.
“Quant à l’industrie, il faut plus de temps pour une délocalisation. Les entreprises sont beaucoup plus prudentes en absence d’argent liquide”, ajoute-t-il.
M. Zois, qui emploie une cinquantaine de personnes dans ses trois cafés, reçoit lui aussi des appels d’entrepreneurs qui veulent s’enregistrer en Bulgarie.
En Grèce “les impôts sont élevés et n’arrêtent pas d’augmenter. Si vous les payez, on vous en demande encore plus”, explique-t-il.
Prudent sur ses projets futurs, il reconnaît que la Bulgarie n’est pas le pays idéal pour les investissements: trop de bureaucratie et pas assez de salariés motivés.
La Grèce est traditionnellement parmi les cinq partenaires commerciaux de la Bulgarie où un quart du secteur bancaire est détenu par des banques grecques. Après une baisse sensible en 2009, la Bulgarie a réussi en 2010 et 2011 à ramener ses exportations vers la Grèce à leur niveau d’avant-crise de 1,5 milliard d’euros.
Un million de touristes grecs par an se rendent en Bulgarie.
Par ailleurs, de plus en plus de Grecs profitent des taux d’intérêts élevés sur les dépôts en Bulgarie pour y placer leur épargne, selon le ministère bulgare des Finances.
Même si la crise grecque leur apporte certains avantages, les Bulgares suivent cependant avec inquiétude l’évolution de la crise en Grèce.
“Les profits que nous pouvons tirer ne sont qu’une goutte dans l’océan des effets nuisibles (que provoquerait) une faillite de la Grèce”, déclare l’ex-ministre de l’Economie Traïcho Traïkov, désormais à la tête d’un centre de réflexion sur l’économie.
Même s’ils sympathisent avec les protestations grecques, la moitié des Bulgares craint que la crise ne déborde dans leur pays, révèle un sondage de Gallup réalisé en juin.