The Dictator : l’énigme Sacha Baron Cohen

Publié le 25 juin 2012 par Wtfru @romain_wtfru

Réalisé par Larry Charles
Écrit par Sacha Baron Cohen, Alec Berg, David Mandel et Jeff Schaffer
Avec Sacha Baron Cohen, Ben Kingsley, Anna Faris, Jason Mantzoukas, …
1h25

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RESUME
Le général Aladeen, dictateur mégalomane de la République de Wadiya, doit se rendre aux Etats-Unis pour prononcer un discours devant l’ONU. Il va cependant être victime d’un semi coup d’Etat de la part de son plus proche collaborateur, Tamir (son oncle), qui veut le faire éliminer, et qui le remplace par un sosie abruti. Désormais rasé et donc méconnaissable, Aladeen va tenter de se faire une vie à New York en attendant de trouver un moyen de récupérer son trône…

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AVIS
10 ans après ses débuts au cinéma comme premier rôle (dans Ali G), Sacha Baron Cohen, le plus grand provocateur de notre époque, revient avec un nouveau personnage mégalo destiné à tout détruire sur son passage.
Il est peut-être assez anecdotique de le signaler, mais notons tout de même que The Dictator est une œuvre de fiction, ce qui tranche quelque peu avec les deux précédents succès du comédien, Borat et Brüno, qui optaient pour un style semi-documentaire (ou plutôt documenteur)

En choisissant la fiction pour son nouvel opus, Sacha Baron Cohen s’offre d’ailleurs un véritable défi.
En effet, son style comique étant essentiellement basé sur la provocation, la controverse et sur le contact avec les personnes qu’induit l’approche documentaire (le tout étant utilisé à des fins comiques mais également critiques), il va de soi qu’il ne peut utiliser les mêmes artifices au sein d’un film de fiction.
Bien sûr, il a déjà œuvré au sein de la fiction par le passé dans différents films (que ce soit dans Ali G, ou bien par ses apparitions en tant que comédien chez les autres), mais aucun de ceux-ci n’avait de véritable dimension critique.
Pour The Dictator, il tente donc quelque chose de nouveau pour lui : tâcher de rester drôle (renouveler son humour sans perdre sa singularité) tout en essayant de faire passer son message.

Malheureusement, on doit bien avouer après visionnage que la mission n’est qu’à moitié réussie…
Certes, les facéties et l’humour rentre-dedans du britannique fonctionnent toujours aussi bien quand il sait s’en donner la peine. Mais en revanche, pour ce qui du déroulement global de son film, là, c’est une autre paire de manche…

The Dictator, pour le décrire grossièrement, c’est une sorte de mélange entre Le Dictateur de Chaplin, et Rien que pour vos cheveux, le tout mélangé à la sauce Borat.
Du premier, outre le titre, il reprend une partie de l’histoire (le remplacement du dictateur par l’un de ses sosies) ainsi qu’une certaine vision critique de notre monde actuelle, et en l’occurrence du mode de vie occidental et de l’américanisation.
Du second, on retrouve ici l’esprit de duo entre le réalisateur et son acteur (le duo Larry Charles/Sacha Baron Cohen répondant au duo Adam Sandler/Dennis Dugan) ainsi qu’une autre partie de l’histoire avec cet homme du Moyen-Orient qui tente d’apprendre à vivre dans les petits quartiers new yorkais.
Mais hélas The Dictator n’a ni l’intelligence du premier, ni la loufoquerie du second…

Le gros problème de Sacha Baron Cohen, c’est qu’il est à la fois capable du meilleur comme du pire. Il ne sait pas faire le tri dans ses films.
Dans Borat, cela passe car, outre l’effet de surprise qu’a provoqué le film, il est parvenu à mettre son propos (les revers du rêve américain) au premier plan. Mais on sent bien par moment qu’il manque d’inspiration et qu’il comble le tout grâce à un personnage attachant et une provocation parfois gratuite.
C’est d’ailleurs pourquoi Brüno est nettement moins réussi que Borat : non seulement le personnage est beaucoup moins sympathique (c’est volontaire de sa part), mais surtout il peine véritablement à faire le tri dans ce qu’il a à nous montrer, et il opte donc pour le graveleux quitte à mettre son propos initial (l’homophobie) de côté.

De ce point de vue, The Dictator est assez similaire à Brüno, dans un genre différent.
Une fois encore, Sacha Baron Cohen cherche à attirer l’attention à tout prix. On l’a vu à travers cette campagne promotionnelle absolument interminable, mais c’est également le cas dans le film lui-même.
Parfois c’est efficace (on peut notamment citer cette scène d’accouchement, hilarante malgré sa lourdeur), mais dans l’ensemble ça a souvent du mal à passer (la VF accentuant encore un peu plus ces maux).

Et puis bon, il faut le reconnaître : n’est pas Chaplin qui veut !
Si ses dénonciations sont efficaces dans le cadre d’un documenteur (en provoquant directement les gens, son constat devient sans appel), ce n’est pas du tout le cas dans la fiction.
Son discours final, référence au chef d’œuvre de Chaplin, a beau être rempli d’ironie sur la politique et sur les Etats-Unis, il n’en demeure pas moins très lourd et finalement presque consensuel (même s’il annihile son propos par les images qui suivent).
C’est d’ailleurs, il faut le noter, le seul moment où l’on peut véritablement parler de critique puisque le reste du film n’est finalement que pur divertissement sur fond de confrontations entre Occident et Orient, entre un Dictateur déchu et une communauté « hippie »…

Au final, on ne retient donc de son film que ce discours onusien un peu raté et une succession de gags, plus ou moins inspirés, qui touchent parfois le génie en terme de provocation, mais qui tombent également très bas sans que l’on comprenne véritablement pourquoi.
L’énigme Sacha Baron Cohen demeure donc intacte : son film recèle de moments hilarants (les caméos de Megan Fox et d’Edward Norton, l’accouchement dans le magasin, la confrontation entre le sosie et les gardiennes…), mais hélas, tout ce qui ne rentre pas dans cette catégorie du « drôlissime » n’est que pur ennui ou bien fait preuve d’une lourdeur incommensurable.

Dès lors, Sacha Baron Cohen est-il un comique convaincu qui montre tout ce dont il a envie à l’écran, ou bien est-il au contraire un artiste qui se cherche encore et qui compense ses doutes par des artifices comiques souvent éculés ?
Mystère…