Quand il y a un énarque ça va, c'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes. Outre le président de la république, pas moins de 23 ministres du gouvernement Ayrault II sont issus de l'Ecole Nationale d'Administration (ENA). S'y ajoutent 23 directeurs de cabinet et une majorité de conseillers ministériels. L'écueil est connu : une technostructure autocentrée, brillante intellectuellement mais totalement coupée de la société.
Alternance rime avec espérance. Après une décennie de droite synonyme de disette pour l'énarchie de gauche, le temps des cerises est arrivé. Entre gens du sérail la cooptation fonctionne à plein, toujours au détriment des atypiques en dépit de leur connaissance du terrain ou leur originalité intellectuelle. Rarement l'Administration ou plutôt la haute fonction publique, celle qui s'attribue des salaires et des avantages exorbitants largement supérieurs à ceux des ministres, n'a autant savouré sa toute puissance.
Si les compétences ne sont pas en cause, le risque c'est la fascination du gestionnaire, la prudence avant tout, carrière oblige, et au final un résultat à la Jospin 2002. Car gouverner, ce n'est pas gérer. C'est dégager un subtil équilibre entre utopisme et réalisme pour répondre à la crise d'espérance qui frappe la société et fait le lit des extrêmes.
Le 13 juin dernier Mediapart consacrait un article très complet sur le sujet : "Les cabinets sans curiosités du nouveau pouvoir". Un directeur de cabinet sous couvert d'anonymat expliquait : "Les énarques ne feront pas d’erreur, ils sont intelligents, mais d’une intelligence prudente. Combien ont fait des études à l’étranger ? Ils ont fait Sciences-Po et l’Ena, beaucoup habitent le VIIe arrondissement de Paris, ils vont y travailler, ils n’en bougeront jamais. Cela risque de nous coûter en matière d’innovation et d’audace".
Mêmes têtes, mêmes approches, mêmes préconisations. Tout change pour que rien ne change. La cerise sur le gâteau c'est le retour d'une poignée de conseillers de l'époque Jospin ou Mitterrand, toujours prêts à reprendre du service. Pas de procès d'intention pour autant. C'est au pied du mur qu'on voit le maçon. La rentrée permettra de juger de la solidité gouvernementale et de la pertinence de la composition des cabinets.