Retour sur un bouquin très personnel.
Dans les semaines et les mois qui suivent la publication d’un livre, son auteur reçoit de temps à autre des commentaires de ses lecteurs, plus souvent critiques que laudatifs. Ou encore des précisions, voire des corrections, qui ne peuvent être apportées au texte qu’en cas de réédition. D’où la chance de ceux qui disposent d’une tribune personnelle qui leur permet de répondre à ces remarques autrement que par un simple échange de lettres ou de courriels.
Dans cet esprit, voici le moment venu d’évoquer quelques commentaires suscités par la parution de l’ouvrage sobrement intitulé «50 Ans de journalisme aéronautique» (1), autobiographie de l’auteur de ces lignes. La volonté de sobriété et d’humilité a heureusement été bien comprise, illustrée par la brève remarque du grand écrivain américain Jonathan Franzen, prudemment mise en exergue : «mon roman idéal serait une autobiographie à la troisième personne».
Les confrères journalistes, la plupart d’entre eux tout au moins, ont apprécié l’exercice. Mieux, ils ont été quelques-uns à faire savoir qu’ils avaient été intéressés par cette occasion rare de remonter le fil du temps. Ils n’ont pas connu l’hebdomadaire Les Ailes, encore moins le mensuel L’Air ou La Vie des transports. Et s’ils savent qu’il y avait une vie avant Internet, ils ont aujourd’hui beaucoup de mal à imaginer que, précédemment, les radios mises à part, il fallait composer avec des délais de fabrication incompatibles avec la volonté d’informer au plus vite. Une source inépuisable de commentaires amusés, tant le rythme s’est accéléré en moins de deux décennies.
Le chapitre consacré à la défense de la langue française a beaucoup plu. Mais il a aussi permis quelques remarques acerbes sur la contradiction entre ces propos et le choix de l’expression Name Dropping en lieu et place, par exemple, de «petit Panthéon personnel». Bien vu ! Qui plus est, ce chapitre a parfois été mal compris : il ne s’agissait en aucun cas de présenter un mini dictionnaire, qui aurait aligné les noms des personnalités aéronautiques les plus marquantes de ces 50 dernières années. Tout au plus des coups de cœur, avec un côté subjectif assumé. D’où l’inutilité de critiques quant à l’absence de certains noms. Il aurait fallu le préciser en guise de préambule.
L’énumération des sujets «oubliés» est par ailleurs très longue. Oui, bien sûr, il aurait fallu évoquer quelques thèmes forts, graves ou légers, importants ou anecdotiques. D’où une remarque d’apparence anodine, glissée entre deux virgules, l’allusion à un hypothétique tome 2 où il serait question de l’extraordinaire montée en puissance des compagnies low cost, des deux procès Concorde, des Rencontres aéronautiques et spatiales de Gimont, etc., etc.
Des pilotes ont réagi. Leurs propos ont été mesurés –une bonne surprise- en même temps qu’ils ont révélé une certaine perplexité. Sans aucune animosité, bien au contraire, l’envie est grande de constater qu’ils ne se connaissent toujours pas eux-mêmes. Sans quoi, de manière générale, ils tiendraient aujourd’hui des propos plus constructifs qu’à l’accoutumée. Cela en rappelant que le livre dont il est question ici a été écrit et publié avant le rapport final du BEA sur l’accident de l’AF447 et la révélation des problèmes économiques angoissants qui frappent Air France et les petites compagnies aériennes françaises.
Enfin, Air & Cosmos mériterait un chapitre à lui seul, pour répondre aux critiques formulées par son rédacteur en chef et plusieurs membres de sa garde rapprochée (de vive voix, verba volant, scripta manent). Collégialement, la rédaction de l’hebdomadaire n’a pas aimé ces «50 Ans» parce qu’elle y serait mal traitée, que la réalité de sa mue rédactionnelle vers un journalisme plus indépendant aurait été sous-estimée, que les critiques à son égard seraient de ce fait injustes, injustifiées. D’où la décision d’Air & Cosmos de passer sous silence la parution du livre et le choix de sa librairie de ne pas le vendre.
C’est un peu court et, en même temps, dans la logique des choses. Nous aurions évidemment préféré lire dans ses pages une notice bibliographique critique, voire polémique, peut-être utile et constructive. De toute évidence, il n’en sera rien. A chacun de juger.
Pierre Sparaco - AeroMorning
(1) Pascal Galodé Editeurs