Casse-couille à toute heure

Publié le 25 juin 2012 par Rolandlabregere

Comme tous les événements à forte résonnance médiatique, les campagnes électorales enchaînées ont activé les processus d’émergence de mots nouveaux et ont souligné les tendances à l’œuvre dans les flux continuels de la communication publique. Celle-ci est, plus que jamais, une fabrique hyperactive d’une langue toujours renouvelée qui pioche dans de nombreux registres des tournures archaïques ou populaires. C'est l'inattendu, le surprenant, le décalé qui sont recherchés.

Dans cette situation, mention à part pour le nouvel élu de la deuxième circonscription du Gard, à la gouaille de camelot qui déclare sans retenue, toute à sa satisfaction d’être devenu le seul député mâle du Front national, qu’il aura « une mission de casse-couille démocratique ». L’avocat s’est-il rendu compte qu’il commettait une antithèse de première classe en juxtaposant deux termes dont le sens s’oppose ? Être casse-couille est une « qualité » généralement attribuée par les autres, par l’entourage. Le casse-couille génère autour de lui un sentiment de fatigue et de stress. Il fait à la fois le vide autour de lui et l'unanimité contre lui. En se proclamant lui-même casse-couille, le ténor du barouf se laisse aller à dire qu’il va être une gêne pour les autres. Par nature, le casse-couille est un autoritaire voire un dictateur au petit pied. Il s’impose et toujours en forçant peu ou prou les contours des échanges. Il conduit les autres au bord de la crise de nerf. Le casse-couille est celui qui crée du dérangement. Le monde du travail avec son cortège de petits chefs est rempli de casse-couilles qui n’ont rien de démocratique. Il faut se protéger des casse-couilles. En se proclamant lui-même casse-couille, il risque de devenir l’avocat du diable Vauvert qu’il faut fuir. Il n’y a rien de démocratique dans une telle posture. L’adjectif est mis là pour un effet de manche mais elle ne fait que du vent. Croyant commettre une sentence pour la postérité, il se laisse aller à un crachotement de baveux.  Il va vite démontrer qu’il brasse de l’air. Voulait-il dire qu’il allait désormais être un casse-couille universel ? Une sorte de couteau-suisse du casse-couille ?  Si tel était le cas, il faut se souvenir que ces instruments helvètes finissent souvent au fond du sac à dos, inutilisés car trop encombrants.

Quoi qu’il en soit, l’expression très en vogue dans la génération Y, (La prof est casse-couille… Mon copain est un vrai casse-couille... Que peut-on faire contre des voisins casse-couille ?) est consacrée désormais par la diffusion médiatique. S’il persiste le casse-couille exceptionnel qu’aspire être le nouveau parlementaire sera guetté par le risque d’être envoyé au casse-pipe.