Je ne voulais pas voir « Men In Black 3 ». Bon,
laissez-moi reformuler cela. Je ne voulais pas spécialement voir « Men in Black 3 ». Il y a quelques
années, j’y serais allé sans l’ombre d’une hésitation. A l’époque où j’étais
prêt à voir n’importe quel film du moment qu’il y avait écrit
« blockbuster » dessus. Quelques sages désillusions m’ont fait
reconsidérer mes priorités cinématographiques, lorsque je me suis rendu compte
que les journées étaient véritablement limitées à 24 heures et que parfois, il
fallait faire des choix. Je m’étais juré que dès qu’une machine Hollywoodienne
ne me plaisait pas, je m’abstiendrais d’aller voir sa (ou ses) suites. Cette
ligne de conduite m’a éloigné de plusieurs suites de Shrek, Pirates des Caraïbes et autres films dispensables en tous
genres.
Lorsque « Men in Black 3 » a débarqué, j’étais
prêt à le laisser de côté, avant tout parce que « Men in Black 2 »
était un sombre navet (excusez mon langage technique), et dès ce postulat posé,
l’envie de voir une quelconque nouvelle aventure de Will Smith et Tommy Lee
Jones était de facto très limitée. La production chaotique du film (budget explosé,
scénario remanié pendant le tournage…) et une bande-annonce fort peu excitante
ont fini d’achever tout éventuel désir. Et je n’aborde même pas le fait que le
film ait droit à un traitement 3D. Non, décidément, j’étais prêt à me passer
volontiers de « Men in Black3 ».
Pourtant, que voulez-vous, l’homme est faible,
influençable, et quelques semaines après la sortie du film, j’ai commencé à
tendre les oreilles vers ces chuchotements qui bruissaient ici et là, sur
Internet et dans mon entourage. Qu’entendis-je ? Que la troisième aventure
des hommes en noir valait le déplacement. Que c’était une des bonnes surprises
que nous avait concocté Hollywood cet été. Diantre, c’est bien la dernière
chose que je voulais entendre. Avec les nombreuses sorties intéressantes du 20
juin à ma porte, et le Festival Paris Cinéma à l’horizon, je n’avais pas besoin que l’on titille ma curiosité
autour de « Men in Black 3 », j’avais déjà largement de quoi voir
pour m’occuper.
Mais voilà, c’était trop tard. Le bruissement s’était
infiltré dans mon esprit et ne me lâchait plus. Ma curiosité insatiable était
mise à l’épreuve. Serai-je tenté ? Bien sûr. Bien sûr que j’ai cédé à la
curiosité. J’ai attrapé mes lunettes 3D, j’ai foncé au ciné et je me suis assis
devant « Men in Black 3 ». Et vous savez quoi ? Au bout de
quinze minutes, je regrettais déjà de m’être laissé influencer. Le scénario
était d’une mollesse incroyable. Les personnages d’une platitude évidente.
Tommy Lee Jones avait tellement l’air de s’ennuyer avec son air semblant
signifier « Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour un gros chèque… ». Le
summum a été atteint lorsque lors d’un hommage funèbre, Emma Thompson (à propos
de laquelle j’ai donc immédiatement pensé « Quelle déchéance… »)
s’est lancée dans un blabla extraterrestre aigu qui m’a fait me demander si elle
ne cherchait pas à imiter Adam Sandler.
Et puis contre toute attente, une étincelle s’est
produite. Will Smith a remonté le temps pour sauver son collègue K d’une mort
signifiant la fin de la planète. Will Smith s’est retrouvé en 1969, entre un
Josh Brolin imitant Tommy Lee Jones, un Andy Warhol sous couverture inattendue
et un extraterrestre capable de voir l’avenir. Et là, « Men in Black
3 » a non seulement commencé à ressembler à quelque chose, mais en plus,
ce quelque chose avait de la gueule. J’ai toujours eu un faible pour les
voyages dans le temps comme intrigue cinématographique, cela m’a aidé à
m’impliquer dans le film, mais Barry Sonnenfeld et son scénariste Etan Cohen (à
ne pas confondre avec l’un des frères Coen) ne se sont pas contentés d’utiliser
le voyage dans le temps comme un gimmick amusant. Ils ont compris tout ce que pouvait apporter
cette intrigue. De l’humour, bien sûr, mais également un petit quelque chose en
plus, une façon d’offrir de l’épaisseur à la mythologie de Men in Black. Et dès
lors, contre toute attente… oui, une certaine émotion.
Mais la plus grande trouvaille du film, sa réussite
numéro un, c’est dans un second rôle qu’il faut la chercher. Un extraterrestre,
Griffin l’archanien, le dernier de son espèce, qui de par sa nature parvient à
voir les différents futurs potentiels. Un personnage à la fois maladroit et
sage, candide et grave. Il est incarné à la perfection par Michael Stuhlbarg,
le Serious Man des frères Coen,
également vu l’hiver dernier dans Hugo Cabret de Scorsese. Ce personnage, et l’acteur qui lui donne vie, sont une
merveille. Ils effacent à eux seuls tout ce que l’on peut reprocher à « Men
In Black 3 », au premier rang desquels un grand n’importe quoi dans
l’attribution des rôles. En confiant le rôle de K jeune à Josh Brolin, et
d’Alice Eve pour Emma Thompson, Barry Sonnenfeld perturbe. Entre les deux
époques, un gouffre de 40 ans, il n’y a aucune logique dans les âges des
acteurs, entre une Thompson censée être largement sexagénaire dans le film, et
Brolin avoir moins de 30 ans. C’est tout simplement n’importe quoi.
Mais voilà, la balade en 1969 est tellement
rafraichissante, Brolin tellement sympa en version junior de Tommy Lee Jones,
et Griffin tellement enthousiasmant, que lorsque la lumière se rallume, j’étais
heureux d’avoir écouté les bruissements et de leur avoir fait confiance. Parce
que « Men in Black 3 », finalement, c’est vraiment pas mal.