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Pitch :
Petite société de transport de fonds, la compagnie Vigilante est en pleine crise, victime de trois violents braquages dans l'année qui n'ont laissé aucun survivant. C'est dans ce contexte difficile qu'un homme, Alexandre Demarre, se présente un matin au centre-fort de Vigilante pour entamer sa première journée de travail. Qui est cet individu et que cherche-t-il ?
Polar social mené de main de maître, Le Convoyeur, brille par son intelligence du propos et sa réalisation dénuée d'artifices inutiles. L'équipe d'acteurs, aidée par un scénario prenant sert admirablement bien ce tableau sociologique si psychologiquement dévastateur. Prisonnier de ce microcosme, tous les seconds rôles sont dans le vrai, en évitant de se caricaturer eux-mêmes. Pauvres âmes égarés dans un système qui les bouffent littéralement, ces hommes et femmes se consument peu à peu dans cet univers violent et sordide qui les dépassent totalement.
Avec ses couleurs bleutés et ses plans dans les sous-sols où évoluent ces hommes, comme coupé du monde en quelque sorte, Nicolas Boukhrief expose une situation critique presque désespéré. Vie personnelle explosé, ambiance pesante et air irrespirable apparaissent finalement comme un quotidien bien triste. Albert Dupontel prend donc le train en route (il débarque un matin pour commencer le boulot) et contemple dès son arrivée les ravages d'un métier dangereux et invivable. Langage populaire, humour comme dernier rempart contre la tristesse, le film dépeint avec une précision confondante tout cela.
En inquiétant personnage paumé, il mène ce drame mêlant action et psychologie vers un dénouement aussi glauque que finalement logique. Entre film d'auteur et film de genre, Le Convoyeur tient ses promesses et ne fait pas de choix. Il hésite entre errances et poussées d'adrénaline en tenant toujours compte du facteur humain. On pourrait alors lui reprocher un manque certain de parti pris, qui a pour effet au contraire de garder intacte la noirceur et l'approche volontairement compliqué du propos. Seul note négative, l'assaut final qui par son traitement gore, contraste maladroitement avec ce qui a été mis en place précédemment dans le film.
Avec ses personnages immensément riches et crédibles (Berléand en tête), son ambiance, son suspens parfaitement maîtrisé, Le Convoyeur permet aussi à Albert Dupontel de se révéler comme un excellent acteur sachant parfaitement manier son jeu de revanchard perturbé, mutique et mentalement anéanti. Car c'est aussi ça le cinéma, pas forcément des super-héros ou des super flics au sourire "bright" et aux cheveux bien coupés. Non, ce sont surtout la plupart du temps des humains qui luttent, qui résistent, ou comme ici, survivent.