Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas penché sur le cas de l’une ou l’autre pitoyable vedette-tartuffe de la gauche dégoulinante de moraline. Jacquard, Hessel, Morin ou Rocard, les Mousquetaires Grabataires de la Purée Bien Pensante se sont nettement calmés dernièrement, l’injection massive de camomille et le basculement mou du pays sur son flanc gauche ayant probablement calmé leurs ardeurs. En revanche, Laurent Joffrin, le frétillant éditorialiste subventionné à la mèche en bataille, est là pour briser le record du plus gros taux d’abrutissantes stupidités au paragraphe carré.
Il est fort bien payé pour ne prendre la plume qu’une fois de temps en temps. Mais quand il le fait, c’est pour dynamiter les vannes sur le barrage à poncifs qui se déversent alors à gros bouillon dans la basse vallée de ses platitudes intellectuelles.
Et c’est donc avec un aussi idiot que grossier « Fuck Cameron » qu’il intitule son dernier billet pour nous exprimer le fond du fond de sa pensée.
C’était inévitable.
La gauche (i.e. les socialistes assumés) n’en peut plus du bonheur sucré, orgasmique même, qui la parcourt en vagues grisantes et onctueuses depuis un mois maintenant à la suite de l’arrivée à la magistrature suprême d’un entremet sucré adoubé par le parti des Bons contre les Méchants (les corporatistes honteux, à droite donc).
A contrario, cette même gauche éructe, avec un peu de bave aux commissures des lèvres, lorsque, de par le vaste monde, certains vilains aigris ont l’outrecuidance de lui rappeler que le changement va coûter un pont et même plus et que toute la joyeuse coterie socialiste de France va droit vers un problème majeur.
Et comme problème majeur, je ne parle même pas de l’océan de dettes dans lequel se prélasse le peuple français (enfin, celui de gauche, celui qui est heureux et qui se détend les orteils dans la bouillasse financière). Je parle simplement de cette réalité qui va refuser de se plier aux désirs bêtes des socialistes : eh oui, c’est bien joli de préparer les braises sous les riches, mais s’ils ne sont pas ligotés, ils ne resteront pas bien gentiment sur la broche.
Surtout que, bien malheureusement, entraver physiquement les riches avant leur fuite serait très mal vu. En plus, la définition de riche commence à englober une part grandissante du peuple, et même, ô surprise, une portion notoire du peuple de gauche (n’est-ce pas Yannick ?).
Alors fatalement, les socialistes assumés enragent lorsqu’on entend un (sale) étranger (d’Anglais) dire tout haut ce à quoi pensent tout bas ceux qui voient les broches et les braises se rapprocher tous les jours. Et lorsque la gauche enrage, ça s’entend, et ça se lit puisqu’elle sort son petit crayon et commence ainsi : « Cameron est un sale aristocrate anglais plein de morgue qui se réclame du libéralisme », et je paraphrase à peine.
Ici, bien sûr, l’insulte ne porte pas sur « sale », ni sur « anglais » (dont le peuple est admirable à tant d’égard, nous explique notre bel hypocrite), mais plutôt un peu sur aristocrate et beaucoup sur libéralisme. Un aristocrate libéral, c’est, pour le fuckus joffrinus, une engeance insupportable qui file des boutons et des nœuds dans sa courte barbe de penseur de Prisunic.
Car, voyez-vous, le Cameron en question a commis un crime de lèse république. Un. Que dis-je, il en a commis des wagons entiers. En appelant ainsi les Français à rejoindre la perfide Albion, il aide clairement à « saboter des mesures approuvées sans appel au cours de quatre scrutins successifs par le peuple français. »
Le brave Joffrin semble oublier que ces quatre scrutins ont à chaque fois montré qu’une faible minorité de citoyens seulement accompagnait vraiment Hollande et son gouvernement, tant aux présidentielles qu’aux législatives. Le président d’un tiers des Français et la majorité absolue de l’Assemblée à 22.7% ont bien du mal à faire croire à un scrutin sans appel. Et ce serait donc cette majorité qui ne soutient pas Hollande qui saboterait ses indécisions et des mesures dont on ne peut pas dire qu’elles soient particulièrement claires ? Diable, c’est surprenant !
Soyons clair, mon brave Laurent : une écrasante majorité de Français n’en a rien à foutre (doesn’t give a fuck, precisely) de ton président de merde.
Et pour la haute tenue du langage, vous m'excuserez, mais c'est Lolo qui a commencé, hein.
À partir de là, les vannes lâchent : Le pauvre Joffrin, probablement tout content d’avoir utilisé l’arme ultime de la Démocrassie, enchaîne ensuite dans un flot consternant et continu de moyens rhétoriques oscillant entre le stupide et le nauséabond.
Selon lui, l’appel de Cameron, incitant les Français à la fuite de l’enfer fiscal, est parfaitement comparable à l’attitude anglaise du 18ème siècle lorsque les nobles quittaient la France pour échapper à la ruine, la prison ou l’échafaud : pour le pauvret, si à l’époque, c’était la guerre entre les deux nations, à présent, c’est de guerre économique qu’il s’agit donc :
En déroulant un tapis rouge aux fuyards de la République fiscale, Cameron se prendrait-il pour un William Pitt de l’agiotage ?
Ah, que voilà belle envolée, maître Joffrin de la Métaphore Pourrÿte ! Les « fuyards de la République fiscale », en voilà une belle expression ! Ajoutez-y les traîtres à la Patrie ! Traitez-les même de « collabos » tous acquis au capitalisme apatride de la puissance anglo-saxone, tant qu’on y est ! Après tout, c’est de guerre et d’heures sombres dont on parle, et pas moins : d’après notre nabot en effervescence, Cameron a véritablement établi une stratégie cynique pour, je cite, attirer à lui « ceux dont l’absence totale de civisme les conduit à s’expatrier pour gagner quelques millions de plus ».
Ici, notre espèce de pignouf mou à réaction montre à quel point il suinte de jalousie et de haine de celui qui pense un peu au-delà du domaine étriqué de son petit pays, et qui surtout, ne se laissera pas tondre. Joffrin, comme tous les exploitants sordides de lucidité, indique ici clairement sa tendre préférence pour les moutontribuables dociles et ne peut imaginer une expatriation pour d’autres raisons que ce pognon (à millions, même) qui semble lui hanter l’esprit de façon permanente.
Dans la foulée, Cameron tentant de faire de l’Angleterre un paradis fiscal, le thuriféraire faussement patriotique admet en creux que son pays, qu’il feint d’aduler — le changement, c’est maintenant, je suppose — est un enfer fiscal. On voit mal alors pourquoi on ne devrait pas le fuir, à moins d’être effectivement contraint de rester, ou, plus simplement, faire partie du peuple des tondeurs.
Où l’on pouffe franchement, c’est lorsque Lolo nous explique que Cameron aurait fait de l’austérité dans son pays, ce qui est, évidemment, une vaste plaisanterie, le pauvre premier ministre étant un keynésien brouillon et dépassé comme les autres dirigeants européens. C’est encore plus drôle lorsqu’on découvre que ce tartuffe de Joffrin (décidément complètement nul en économie de base) propose à Hollande de … copier Roosevelt dont la belle relance des années 30 a surtout prolongé l’agonie (tiens, Lolo, mange ce petit article, ici – ah, fuck, c’est en anglais !)…
Pauvre Joffrin, finalement, réduit à pester sur les nigauds d’Anglais qui, même tout embrouillés qu’ils sont dans leurs politique économique foireuse, ont tout de même compris qu’il valait largement mieux attirer les riches que les faire fuir … En réalité, l’éditorialiste démontre à nouveau pourquoi ce pays s’enfonce toujours plus vite : lorsque ses « élites » sont à ce point dépourvues du moindre sens commun, de la moindre culture, de la plus petite parcelle de notions économiques de base, que voulez-vous qu’il arrive ?
Qu’est-ce qui peut arriver à ce pays si, d’un côté, les riches, les cultivés, les lucides et les motivés fuient, et s’il ne reste plus de l’autre que les profiteurs et les aigris pour tondre ceux qui ne peuvent pas fuir ?
Pas de doute : ce pays est foutu.