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David Cameron se prend les pieds dans le « tapis rouge »

Publié le 23 juin 2012 par Kamizole

La « Perfide Albion » est de retour ! Sans remonter jusqu’à Bossuet qui fut sans doute le premier à user de cette expression (mais sur le plan religieux pour condamner l’Eglise anglicane) l’on ne peut s’empêcher de penser à deux épisodes. Quand l’Angleterre accueillit et arma les émigrés hostiles à la Révolution française (de même à Cologne en Allemagne) et quand elle fit la guerre contre Napoléon, blocus continental, guerres maritimes et Waterloo qui mit fin aux « Cent jours ». Aujourd’hui, il s’agit rien de moins - de même que d’autres Etats européens… - de faire capoter les réformes prévues par les socialistes. Les Français ont « mal voté », il faut les punir.

Sur le Nouvel Obs Laurent Joffrin n’y va pas par quatre chemins : Fuck Cameron ! (21 juin 2012). Et la conclusion de son Edito mérite d’être citée : « Lié aux milieux de la banque et de la bourse, Cameron, comme l’indique sa méprisante saillie, pense que le salut des Britanniques passe par l’enrichissement préalable des milliar-daires, suprême pensée des agents de l’establishment. Vieille chanson… Mais faut-il vraiment s’émouvoir des aboiements d’un caniche de la City ? »… Museler le chien méchant ?

Le premier ministre britannique ne manque sans doute ni de morgue ni de suffisance mais plus encore d’intelligence. L’ultralibé-ralisme pour tout bagage intellectuel, c’est un peu court. Il s’est donc réjoui que François Hollande et Jean-Marc Ayrault s’apprêteraient à taxer à 75 % les revenus supérieurs à 1 million d’euros : entendre la par supérieure à ce plafond et non l’ensemble du revenu. Vivre avec 1 millions d’euros (6,5 millions de francs pour fixer les esprits) soit 83.000 € euros par mois, c’est la misère… Dire que les smicards osent se plaindre !

Or donc, il y a quelques jours les médias bruissèrent de l’offensive - menée à l’occasion du G20 - par Cameron prêt à dérouler "le tapis rouge" aux exilés fiscaux français (Nouvel Obs 19 juin 2012). Preuve évidente de sa stupidité : il n’a pas compris que cette taxation devrait toucher uniquement les revenus des dirigeants et non les bénéfices des entreprises qui obéissent à une fiscalité différente, l’impôt sur les sociétés.

Il n’en prétend pas moins que « nous accueillerons plus d'entreprises françaises, qui paieront leurs impôts au Royaume-Uni » ajoutant « Cela paiera nos services publics et nos écoles et tout le reste »… Ben voyons ! Comme si c’était le genre de la maison Britannia à l’heure de l’ultralibéralisme.

Com d’hab, il donnera plein de thune à ceux qui n’en n’ont pas besoin et les Britanniques continueront de galérer avec des services publics à la dérive - quant aux écoles publiques, mieux vaut n’en point parler, elles sont aussi déliquescentes que le système de santé et les hôpitaux. A preuve, le nombre de sujets de sa très gracieuse Majesté qui n’hésitent pas à traverser le Channel pour venir se faire soigner en France où pourtant ce n’est déjà plus trop la joie.

A l’évidence, David Cameron s’il s’imagine que la venue de quelques entreprises françaises - beaucoup réfléchiront à deux fois, notamment celles qui travaillent pour le compte de l’Etat et en tirent de substantiels revenus - permettra de régler la quasi-totalité du budget du Royaume-Uni prouve à l'envi qu’il n’a aucun sens de la mesure non plus que de la réalité. Guère plus qu’un enfant supputant toutes les merveilles qu’il pourra acquérir avec son argent de poche. Enthousiasme très vite refroidi.

D’autant qu’un article du Monde Bémol sur les fanfaronnades de Cameron sur l'impôt (Le Monde 19 juin 2012) nous apprend que « l’augmentation du taux marginal de l’impôt devrait toucher selon les projections du gouvernement de 3.000 à 3.500 foyers fiscaux pour ne rapporter que quelques centaines de millions par an » - l’équivalent de ce qui était remboursé au plus riches par le mécanisme du bouclier fiscal ! A supposer que tous émigrent en Grande-Bretagne mieux vaut se tenir les côtes en pensant que « Cela paiera nos services publics et nos écoles et tout le reste »

Certes, les avocats fiscalistes sont nettement plus consultés en ce moment par les candidats potentiels à l’émigration vers des pays où la fiscalité est moindre car aux 75 % de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu devrait s’ajouter une majoration de l’Impôt sur la fortune (ISF) que Nicolas Sarkozy eût bien voulu faire disparaître en même temps que le bouclier fiscal.

Néanmoins, selon Catherine Mathieu, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques, « Si l'on prend en compte le prix du logement, un système de santé de moindre qualité et éventuellement les frais de scolarité pour les enfants, il n'y pas forcément avantage à déménager ».

Sans doute « Depuis 2010, M. Cameron a-t-il pour objectif de faire de son système fiscal le plus compétitif du G20. En mars dernier, le budget a annoncé une baisse à 45 % (au lieu de 50 %) du taux marginal de l'impôt sur le revenu - mesure qui prendra effet en avril 2013 »… Autant dire que « le tapis rouge » devrait se solder par un jeu à somme nulle. Mais non sans conséquences politiques internes.

En effet, cette mesure pourrait bien lui coûter les prochaines élections au Parlement. Car s’il espère du même coup convaincre les électeurs britanniques c’est qu’il n’a rien compris au film. Sarkozy fut « le président des riches » Cameron est désormais considéré comme le« premier ministre des riches »  par les Britanniques - pauvres ou classes moyennes - durement touchés par la crise économique et de nouvelles taxes - qui s’ajouteront aux mesures d’austérité déjà mises en œuvre depuis un an et demi et auxquelles ils avaient consenti (?) jusqu’alors.

Ça ne passe pas du tout dans l'opinion publique quand David Cameron baisse les impôts des plus riches (Le Figaro 20 mars 2012) d'autant que « le taux de TVA était passé, début 2011, de 17,5% à 20%, affectant le pouvoir d'achat des ménages » selon ce qu’écrivait Florentin Collomp qui nous apprit que Le gouvernement Cameron perd le soutien de l'opinion (Le Figaro 17 avril 2012).

Et pour cause ! Je pense que vous avez encore en mémoire l’avalanche de taxes auxquelles nous ont soumis Sarkozy et sa bande de « Raptout ». Ils manquaient au demeurant cruellement d’imagination ! Comment n’ont-ils pas pensé à rétablir la taxe sur les portes et fenêtres ? Si ! Si ! Elle a bien existé… Je suis allée vérifier les dates sur Wikipedia : elle a été instituée sous le Directoire (24 novembre 1798) et supprimée seulement en 1926... Mon père en parlait dans ma jeunesse en montrant des immeubles ou maisons où certaines fenêtres étaient encore murées. Pour l’aération et l’ensoleillement des habitations, donc l’hygiène, prière de repasser. N’ayons garde d’oublier qu’en 1926 la tuberculose faisait encore rage alors que les traitements antibiotiques qui permirent de l’éradiquer largement n’étaient pas encore découverts…

D’ailleurs à ce sujet Wikipedia livre une citation de Victor Hugo dans « Les Misérables » où il prête à Mgr Myriel, évêque de Digne les paroles suivantes dans un sermon : « Mes très chers frères, mes bons amis, il y a en France treize cent vingt mille maisons de paysans qui n'ont que trois ouvertures, dix-huit cent dix-sept mille qui ont deux ouvertures, la porte et une fenêtre, et enfin trois cent quarante-six mille cabanes qui n'ont qu'une ouverture, la porte. Et cela, à cause d'une chose qu'on appelle l'impôt des portes et fenêtres. Mettez-moi de pauvres familles, des vieilles femmes, des petits enfants, dans ces logis-là, et voyez les fièvres et les maladies. Hélas ! Dieu donne l'air aux hommes, la loi le leur vend ».

A défaut de tuer les pauvres pour soulager les finances de la Nation, les faire périr de maladies ? A moins de suivre Jonathan Swift dans sa « Modeste proposition pour empêcher les enfants des pauvres en Irlande d’être à charge à leurs parents ou à leur pays et pour les rendre utiles au public »… laquelle consiste tout bonnement à l’âge d’un an (ils sont nourris au sein maternel jusque là et ne coûtent donc rien) de les vendre afin qu’ils fussent consommés comme de la viande par des personnes plus riches… Bon appétit !

Je pense que vous aurez encore en mémoire les parfaites aberrations concernant les produits soumis à la TVA à taux réduit lors du passage de celle-ci de 5 % à 7,5 % - lors même qu’il osaient prétendre que nous n’en souffririons nullement. Ben, si… parce que si avec leurs hauts revenus c’est indolore - « même pas mal ! » - il en va tout autrement pour les smicards, les retraités pauvres et même les classes moyennes. Je m’étais suffisamment indignée fin 2011 et début 2012 de ces petites saloperies - de surcroît grotesques mais l’envie de me foutre de leur gueule le disputait à celle de mordre. A pleine bouchées ? (22 décembre 2012).

Pour ne pas alourdir inutilement cet article, vous trouverez in fine la référence de mes articles sur le sujet. Je ne signale ici que le subtil distinguo de Frédéric Lefebvre entre les sandwiches (18 novembre 2012) parce qu’il me semble présenter une étrange parenté avec une mesure prise par David Cameron et qui n’a pas contribué pour rien à l’effondrement de sa cote de popularité.

Ainsi, comme le signalait l’article déjà cité du Figaro : « Alors qu'il baissait les impôts des plus riches, il augmentait les taxes sur les tourtes à la viande à emporter, un mets anglais populaire (impôt surnommé «pasty tax»), sur les retraitesgranny tax») et sur les vérandas, frappant les classes moyennes »…

Si David Cameron pensait maîtriser comme Colbert « l’art de plumer la volaille sans qu’elle criaille » il s’est fichu digito in oculo car comme l’écrit Rose Claverie Le Royaume-Uni ne digère pas la taxe sur les «meat pies» (Le Figaro 29 mars 2012) Le gouvernement prévoyant une taxe de 20 % sur tous les produits à base de pâte et de viande servis chauds et à emporter, l'un des mets préférés des Britanniques. Pour aligner leur fiscalité sur celle des marchands de « fish and chips » - autre institution anglaise - qui apprécient peu la concurrence des boulangers. Je ne saurais dire si cette mesure décriée est entrée en vigueur, n’ayant trouvé aucun article à ce propos.

Autre trait commun de David Cameron et Nicolas Sarkozy : le mensonge. En effet, l’article m’apprend que pour ne pas passer pour un snob David Cameron a prétendu être lui aussi « un mangeur de tourte » et crut bon devoir raconter une récente expérience à cet égard dans la très chic Cornouailles. Las ! « le Sun a enquêté, et, manque de chance, le magasin dont parle Cameron a fermé en 2007… ».

Cela ne redorera pas plus le blason de David Cameron que sa dernière « distraction » en date, survenue dans un pub chic - plus conforme à son habitus de classe. David Cameron n’est pas un pater familias « modèle » (12 juin 2012) où je relate comment David Cameron a oublié sa fille de huit ans dans un pub (Le Figaro 11 juin 2012)…

Enfin, David Cameron oublie plusieurs choses non négligeables. Si des entreprises traversent le Channel nous le saurions très vite puisqu’elles licencieraient leurs salariés. Pourquoi en effet s’encombrer d’eux alors que ceux du Royaume-Uni sont encore moins rétribués ? J’ai beau savoir que c’est illégal mais il me paraît évident qu’un appel au boycott des produits de ces entreprises - s’il sont destinés au grand public - s’imposerait et s’il est répercuté sur Internet et les réseaux sociaux cela risque de faire des dégâts pour les entreprises concernées.

Sans doute les mesures de rétorsion directe - telles que prévues par le droit international public - ne sont-elles pas possibles. Mais il existe une foule de moyens détournés. Notamment les contrôles en douane. Pour s’assurer de la conformité des produits importés au regard de la qualité et de la sécurité sanitaire. Lesquels peuvent traîner en longueur. L’administration sait être très tatillonne quand elle le veut.

Ce n’est sûrement pas cela qui me fera aimer davantage cette Europe de m… Certes, les Britanniques sont à l’écart de la zone euro mais appartiennent à l’Europe communautaire - qui s’occupe par le menu d’une foule de détails plus incongrus les uns que les autres et veut nous imposer toutes les tares de l’ultralibéralisme débridé - qui n’a jamais été capable d’instaurer des normes communes en matière de droit social et du travail non plus que de fiscalité.

Ce qui serait quand même le BA-ba d’une zone de libre échange pour que la concurrence n’y fût ni faussée ni déloyale. C’est dans ce créneau que s’infiltre David Cameron. N’ayons garde d’oublier que naguère Maguy Thatcher réussit le tour de force de se faire rembourser les sommes dont le Royaume-Uni était redevable pour le budget de la Communauté européenne selon le principe : « My money is back » ! Parfaite mentalité d’actionnaire voulant un « retour sur investissement ».

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