C’est le printemps ! Mais chacun sait que le printemps n’arrive pas en un jour, que la migration des hirondelles vers l’Europe ne se fait pas en quelques battements d’ailes. Avant le bourgeonnement, il a fallu un temps interne de croissance, comme il faut des milliers de kilomètres aux hirondelles pour arriver jusqu’à nous.
Ainsi le printemps ne survient-il pas soudainement, clair et radieux, mais s’installe lentement, parfois humide et frais pendant un temps… Ainsi en va-t-il du bonheur. Car c’est à son sujet que le philosophe Aristote utilise cette fameuse image. Il faut du temps pour être heureux. Il faut s’y reprendre à plusieurs fois, patiemment, au moyen d’efforts répétés, conjugués, médités.
On ne devient pas heureux en une fois, en un geste, en un événement. Comme une hirondelle ne fait pas le printemps, à elle seule, en une journée. Voilà ce que voulait signifier le philosophe, à contre-courant sans doute des pensées paresseuses qui s’imaginent le recevoir par surprise, le rencontrer au hasard des circonstances et des faits.
Etre heureux n’est pas simplement avoir de la chance. Une telle définition ne convient pas à un homme. Car si on y pense, être homme, comme pour tout être, c’est agir, accomplir, réaliser quelque chose. Et il serait incompréhensible que ce qui peut arriver de meilleur à un homme soit indépendant de ce qu’il peut au mieux accomplir.
Nous n’y faisons pas attention, mais chaque fois que nous pensons à ce qui est bien, c’est relativement à une action, ou à une fonction. Rien n’est bon qui n’accomplisse une fonction. Un bon gâteau, une belle symphonie, une grande amitié. Chaque fois, ce qui est bien remplit à la perfection une fonction : celle de la cuisine, de la musique, ou d’une relation.
Ce pourquoi il n’y a de bien que dans l’action, plus précisément dans le perfectionnement d’une action. Pour faire bien, il faut donc s’y reprendre à plusieurs fois. Pour être heureux, il faut donc s’exercer, une fois trouvée, à accomplir chacun au mieux notre passion. Patience…