Après Anelka, le club a fait venir Drogba. Enquête sur ce mystérieux club chinois qui attire les stars du football européen.
Didier Drogba sous les couleurs de son nouveau club, le Shangai Shenhua FC. © Zhou xiyuan / Imaginechina / AFP
Et de deux. Six mois après avoir débauché l'attaquant françaisNicolas Anelka de Chelsea pour venir jouer dans son club, l'insatiable patron de Shanghai Shenhua FC, Zhu Jun, a signé avec Didier Drogba un contrat qui lie l'ancien attaquant de Chelsea à l'équipe shanghaienne jusqu'au 31 décembre 2014. Deux stars du football européen : il fallait bien ça pour servir les ambitions d'un club qui a du mal à s'imposer dans le championnat chinois malgré les hauts moyens déployés par la capitale économique. Dirigée par Zhu Jun, un quadragénaire qui a fait sa fortune dans les jeux vidéo, l'équipe de Shanghai se frotte depuis longtemps à l'expertise étrangère. "Mon intention est de faire grandir l'influence de Shenhua sur le plan mondial et la théorie de la célébrité s'applique aussi au football. Une équipe avec des stars devient à coup sûr une équipe connue", résume Zhu Jun. Pour certains, la stratégie relève cependant de la mégalomanie. "Il y en a un qui est là pour l'or, l'autre pour la frime", résumait un internaute sur Weibo, le Twitterchinois, où Zhu Jun compte plus de cinq millions de followers.
Un propriétaire au tempérament volcanique
Amour du foot ou plaisir d'égocentrique, le patron de Shenhua est en tout cas prêt à casser sa tirelire de milliardaires. Il dépenserait pas loin de dix millions de dollars par an pour son équipe, selon ses dires. Les 800 000 euros mensuels de Nicolas Anelka avaient déjà fait couler beaucoup d'encre cet hiver ; Didier Drogba, lui, s'est laissé convaincre après de longs mois de tractation par un chèque de 12 millions d'euros par an. "C'est bon pour le développement du football chinois", commente un autre supporteur sur son microblog, relayant les rumeurs de discussions en cours entre Shenhua et le célèbre milieu de terrain offensif brésilien Kaka.
Pourtant, la venue d'étrangers dans le club shanghaien ne se fait pas sans heurts. Zhu Jun est connu pour ses coups de sang et ses décisions à l'emporte-pièce. En 2011, il renvoie plusieurs joueurs, déçu par les performances de l'équipe, qui a fini 11e au classement chinois. La venue de Didier Drogba devrait apporter quelque réconfort à son coéquipier français, qu'il connaissait déjà bien à Chelsea. Nicolas Anelka n'a pas montré un enthousiasme débordant au cours de ses premiers mois enChine. Le joueur de Shenhua refuse de parler à la presse étrangère sur place et les médias chinois évoquent souvent sa difficulté à s'adapter à son nouvel environnement. Le départ de Jean Tigana a trahi ce malaise. Le coach, également engagé à Shanghai en décembre, a été remercié après quelques jours de cafouillage au mois de mars. Pendant qu'un communiqué indiquait sa démission, l'entraîneur français assurait n'être au courant de rien. Il se murmure que Nicolas Anelka aurait joué un rôle actif dans la décision du club. Quelques jours après le départ de l'entraîneur, le joueur annonçait d'ailleurs, sur son compte Twitter, avoir pris le relais. "Anelka n'est pas coach. Il fait plutôt partie d'une équipe plus large d'encadrement des joueurs", précise Zhu Jun. Et le site du club shanghaien ne fait pas figurer le Français dans l'équipe d'encadrement.
Le football chinois touché par la corruption
Le football est loin de laisser les Chinois indifférents. Pas un match de la Coupe du Monde, de l'Euro ou même du championnat national n'échappe à l'attention des centaines de millions de fans. Ils étaient précisément 300 millions à suivre l'Euro en 2002. Mais les scandales à répétition qui éclaboussent le monde du ballon rond en Chine ont détourné les supporteurs de leur équipe nationale. En 2010, une affaire de corruption touchant aussi bien la fédération chinoise que les patrons de clubs et les sponsors officiels a éclaté, achevant la réputation du football local. Le procès de l'ancien président de la fédération chinoise de football Xie Yalong a débuté en avril dernier, mettant au jour des pots-de-vin de centaines de milliers d'euros, des matchs truqués, des paris illégaux. Selon les médias chinois, le témoignage de Xie Yalong incriminerait même Zhu Jun, aujourd'hui installé à Singapour non pas "pour les affaires", comme il le dit lui-même, mais pour ne pas avoir à répondre aux questions de la justice chinoise, selon l'ancien patron du foot chinois.
Les piètres performances des joueurs, souvent dues à une formation insuffisante, ont, elles, fini de reléguer l'empire du Milieu dans les limbes des classements mondiaux. Deuxième économie mondiale, la Chine est 73e dans la grille de la Fifa. "Les équipes chinoises sont nulles. Ce n'est pas du vrai foot", se lamente le vieux Wang au volant de son taxi. Le visage du chauffeur quinquagénaire s'illumine au nom de Zidane, avant de se remémorer les grands moments de Platini. Les joueurs chinois attendront visiblement encore un peu avant d'entrer dans la mémoire collective.