Dennis Nona, "Wati Kisai", eau-forte, 46 x 33 cm, 2007
Les récentes eaux-fortes de Dennis Nona ont été réalisées en collaboration avec les imprimeurs de Brisbane, David Jones et Jacek Rybinski, dans leur atelier, Under the House of Art. C’est là que Dennis a élaboré sa technique atypique de la plaque « découpée ».
Au départ du processus, l’artiste produit une esquisse. Il discute avec ses imprimeurs de la meilleure façon de réaliser l’image. Il dessine alors les contours de l’image sur une plaque métallique qui est découpée à la main avec une scie de bijoutier. Les bords en sont ensuite biseautés et polis. Si la forme est trop complexe pour être découpée à la main, on crée une image informatique à partir du dessin et on l’envoie avec la plaque de métal vierge à une société spécialisée dans la découpe au laser ou au « jet » d’eau.
Lorsque cette plaque est découpée, on y applique une couche de vernis à graver, substance généralement bitumineuse, résistant à l’acide. L’artiste peut y tracer le contour des formes principales à l’aide d’une pointe. La plaque subit alors sa première « morsure », c’est à dire qu’elle est plongée dans une solution acide pendant le temps nécessaire pour ronger le métal dans ses parties préalablement mises à nu par la pointe. Ensuite, une couche de tusche est souvent appliquée. Cette encre très grasse n’est généralement pas utilisée dans la technique de l’eau forte mais dans celle des dessins sur les pierres dites « lithographiques » ; en l’appliquant sur le métal, Dennis obtient de très beaux effets au rendu aquatique ou rocheux.
D’autres effets sont aussi obtenus par la technique de l’aquatinte : on saupoudre la plaque légèrement chauffée de très fins granulés de résine également bitumineuse ; les particules adhèrent à celle-ci, créant à la surface une sorte de nuage de points. A la suite de nouveaux bains d’acide, les morsures successives vont créer différents types de rendu. L’opération peut être répétée en masquant à chaque fois de nouvelles zones selon l’effet recherché.
Une fois que tout est « mordu », et que la plaque est nettoyée, elle est maintenant prête à recevoir les couleurs ; il est temps de faire un essai. On mélange les encres et on réalise quelques tirages. Si le résultat est satisfaisant, on peut procéder à une édition à partir de la plaque. Si l’image est imparfaite, on recommence certaines étapes, voire le processus entier, jusqu’à ce qu’on obtienne satisfaction.
L’impression passe d’abord par l’encrage : l’encre est appliquée sur la plaque à l’aide d’un rouleau ou d’une « poupée » (tampon en tarlatane, sorte de gaze), puis on retire l’excédent également avec une tarlatane. La plaque doit ensuite être frottée avec du papier pour éliminer les derniers restes d’encre superflus. L’image est alors imprimée manuellement sur un papier chiffon humide, avec une presse à eau-forte. La plaque et le papier passent entre les rouleaux, et la pression transfère sur le papier l’encre accumulée dans les zones incisées de la plaque. Les surfaces découpées provoquent un bossage du papier, créant un effet tridimensionnel. L’artiste voit cet embossage comme un élément important de l’eau-forte terminée, car il fait écho à la superposition des couches visible sur les vieux masques en écaille de tortue et autres objets traditionnels utilisés lors des cérémonies.
La durée du processus dépend de la complexité d’impression de chaque image. Elle peut prendre jusqu’à une demi-journée, et parfois même davantage pour les plus grandes oeuvres de Dennis.
Visitez l'exposition monographique dédiée au travail de graveur de Dennis Nona qui se tient jusqu'au 28 ocotbre 2012 au musée "La grange" à Môtiers, Suisse.
Arts d’Australie • Stéphane Jacob-experten art aborigène - signataire de la charte d’éthique australienne Indigenous Art Code