Parfois, ce qui est improbable arrive. Andrei Mayerov, conservateur du musée de l'Hermitage à Léningrad, chargé de récupérer les oeuvres d'art volées par les allemands au cours de la deuxième guerre mondiale, le réalise quand il rencontre Anna, restauratrice de dessins, dont la famille a été massacrée par ses compatriotes. Ils s'aiment et se promet de lui restituer l'album du peintre Menzel: J'aime la façon dont il allonge les jambes quand il s'assied avec nous pour bavarder et ce regard qu'il pose alors sur moi, longuement, comme s'il s'attendait que je lui parle. J'aime quand il se tient en retrait et me regarde travailler en silence. (...) J'aime ses mains quand il prend un dessin et du doigt, très légèrement, suit un tracé pâli ou le contour d'une déchirure. J'aime sa manière vive de tourner les pages de son carnet de croquis et de dessiner hâtivement, assis sur un muret, à la terrasse d'un café ou, même, marchant et me parlant, le pas à peine ralenti, le visage baissé, sa main qui tient le carnet, toujours un peu en biais, ses doigts qui vont et viennent très vite sur la page, présent près de moi et pourtant absorbé par tant d'images qui me demeurent étrangères...
Je n'en irai pas davantage, sinon que bien au-delà d'une histoire d'amour, ce livre parle de la folie des hommes, des horreurs de la guerre avec ses haines, ses souffrances, ses vengeances perpétrées par l'armée de Staline, marchant sur Berlin. Une belle écriture pour relier le destin individuel de quelques-uns à l'un des épisodes les plus abjects de notre époque. Ponctué d'observations fines sur l'art, ce récit servi par une trame romanesque délicate et poignante, mériterait à son auteur discret un emplacement privilégié dans nos librairies ou nos bibliothèques!
Béatrice Wilmos a déjà publié La dernière sonate de l'hiver, en 2007, chez le même éditeur. L'Album de Menzel est son second roman.