Ceci étant, à l’inverse de la période d’essai dont le régime juridique est aujourd’hui bordé par le législateur et la jurisprudence, celui de la période probatoire en est encore au stade larvaire. Sorti du principe directeur (en cas d’insuccès, le salarié est automatiquement réintégré dans ses fonctions initiales), le régime est gouverné par l’incertitude. D’où l’intérêt d’un arrêt du 16 mai 2012 par lequel la Cour de cassation apporte une précision d’importance : faute d’accord exprès du salarié, la période probatoire lui est inopposable. Certes, la solution emporte l’adhésion instinctive du lecteur ; elle permet surtout d’accroître la sécurité juridique du dispositif.
Cependant, pour les employeurs convaincus de l’intérêt de la période probatoire, quelques précautions d’utilisation s’imposent. À défaut, la souplesse contractuelle qu’elle distille dans un droit du travail intrinsèquement rigide risque de se retourner contre eux.
Engagé comme vendeur, un salarié est promu responsable de boutique, ce qui lui permet de bénéficier d’une rémunération plus attractive et du statut de cadre. Tout juste trois semaines après cette évolution, son employeur le replace à son ancien poste. Considérant qu’il s’agit d’une modification de son contrat de travail, le salarié prend acte de la rupture aux torts exclusifs de son employeur.
Pour les juges du fond, la période probatoire implique que le retour du salarié dans ses fonctions antérieures constituait un simple changement de ses conditions de travail que le salarié ne pouvait pas refuser. Partant, la prise d’acte produit nécessairement les effets d’une démission.
Tel n’est pas l’avis de la Cour de cassation. Faisant œuvre didactique, elle affirme que : « si au cours de l’exécution du contrat de travail l’employeur peut assortir sa décision d’affectation d’un salarié à un nouveau poste de travail emportant modification du contrat de travail d’une période probatoire, une telle condition requiert l’accord exprès du salarié » (arrêt du 16 mai 2012).
Cet attendu de principe, d’ailleurs confirmé par un second arrêt du même jour, a le mérite certain de sécuriser le régime de la période probatoire en confirmant ce qu’on ne faisait jusqu’à lors que supposer.
Appliquée au cas d’espèce, cette solution donne une parfaite illustration de la théorie des dominos en droit du travail et de l’importance corrélative de suivre à la lettre le formalisme exigé pour la validité d’une clause qui a justement pour objet d’organiser un certain espace de liberté.
Puisque le salarié n’avait pas donné son accord exprès à la période probatoire, elle lui était inopposable. Par conséquent, le fait pour l’employeur de lui imposer de reprendre son ancien poste de vendeur était une modification du contrat de travail constituant de fait un motif suffisamment grave pour que la prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. CQFD.
Ce syllogisme juridique aux conséquences financières importantes ne doit cependant pas effrayer les chefs d’entreprise légitimement intéressés par le mécanisme de la période probatoire. En effet, sous réserve du respect de certaines précautions et, comme toujours en droit du travail, d’éventuelles évolutions jurisprudentielles futures, la période probatoire dispose de vertus indéniables.
En guise de conclusion donc, quelques petits conseils :
- Vérifier que la convention collective applicable n’interdit pas l’insertion d’une période probatoire ou qu’elle n’en encadre pas l’utilisation (durée, conséquences…).
- S’il ne faut pas hésiter à prévoir une période probatoire en cas de promotion et, de façon plus générale, en cas de changement de poste, il faut absolument formaliser cette évolution par un avenant au contrat de travail, dûment signé par le salarié.
- Dans tous les cas, il est plus prudent de ne pas prévoir une durée probatoire excessive. La durée de la période d’essai qui aurait été insérée dans le contrat de travail d’un nouveau salarié sur le même poste semble être le seuil maximum.
- Au stade de la mise en œuvre de la clause, rappelons que le statut des salariés protégés prime sur les stipulations contractuelles et qu’ils ne peuvent donc pas se voir opposer de période probatoire (v. notre précédent billet tirant la sonnette d’alarme : « Période probatoire et salariés protégés : les chefs d’entreprise entre le marteau et l’enclume »).