L'encre verte crée des jardins, des forêts, des prés,des feuillages où chantent les lettres, des paroles qui sont des arbres,des phrases qui sont de vertes constellations. Laisse que mes paroles, ô blanche,descendent et se couvrentcomme une pluie de feuilles un champ de neige,comme le lierre la statue,comme l'encre cette page. Les bras, la taille, le cou, les seins,le front pur comme la mer,la nuque de forêt en automne,les lèvres qui mordent un brin d'herbe. Ton corps se constelle de signes vertscomme le corps de l'arbre de bourgeons.Que t'importe tant de petites cicatrices lumineuses:regarde le ciel et son vert tatouage d'étoiles.
Octavio Paz, Ecrit à l'encre verte (Le Temps de la Poésie No 5/GLM, 1950)
traduit de l'espagnol par Guy Lévis Mano et Octavio Paz
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