A propos d ’El Campo d ’Hernan Belon
Dolores Fonzi
En Argentine, Elisa et Santiago forment un couple heureux avec leur fille de 2 ans. D’autant plus heureux qu’ils vont se reposer quelques jours à la campagne, loin de Buenos Aires, dans une maison qu’ils viennent d’acheter. Mais dès leur arrivée, Elisa se sent mal à l’aise dans cette maison austère et délabrée. Bientôt, l’hostilité qu’elle éprouve pour la maison s’étend à Santiago…
Premier long d’Hernan Belon, El Campo est à la fois la chronique psychologique d’une femme en crise dans sa vie et dans son couple et un film qui emprunte aux codes des films d’horreur et fantastiques.
Au centre des débats, une maison que l’on dirait « hantée », perdue au milieu d’une campagne plate et grise, à proximité d’un bois désert et d’une baraque dans laquelle vit une vieille voisine envahissante qui n’a rien à envier aux sorcières des contes.
Dès le début du film, on s’aperçoit de l’importance du travail sur le son. Chaque bruit est amplifié, chaque son dans la maison effraye Elisa. C’est d’abord, la première nuit, le bruit du poêle qui l’empêche de dormir. Puis le lendemain, l’intrusion de sa voisine qui est venue inspecter les lieux sans prévenir le couple, etc…
Si El Campo emprunte aux codes des films d’épouvante (chaque minute du film fait planer la menace d’une nouvelle découverte effrayante pour Elisa), il n’en est pourtant pas un. Car l’angoisse d’Elisa (elle a rêvé qu’elle pleurait), le pressentiment qu’elle a d’une catastrophe imminente, ne signifient pas que le couple va se faire agresser ni la maison s’écrouler.
Si des sentiments tourmentés chez la jeune femme (très bonne Dolores Fonzi, tout en intériorité et en interrogations) existent, ils annoncent davantage la crise personnelle qu’Elisa traverse qui va éclater dans une violente dispute entre elle et Santiago.
Dès lors, la maison devient la métaphore de cette crise personnelle et de couple et de cette distance voire de cette méfiance inattendues mais réciproques qui s’instaurent entre Elisa et Santiago. La maison est un révélateur, un détonateur voire un accélérateur du malaise qui existait déjà chez Elisa et entre elle et Santiago. Et le film au bout d ’une demi-heure prend plus clairement la piste d’une étude psychologique, une plongée dans les méandres de la psyché d’Elisa. Si Elisa parait de plus en plus froide et désagréable, on comprend aussi que c’est parce qu’elle se sent fragile et vulnérable, qu’elle a peur de ne pas réaliser sa vie ni atteindre les objectifs qu’elle s’était fixés.
Le portrait de cette trentenaire en crise aurait mérité d’être plus fouillé, plus travaillé (les scènes de sexe sont toujours un peu vaines). Les reproches qu’elle fait à Santiago paraissent peu justifiés et explicites par exemples. Elisa lui crie dessus parce qu’il ne pense qu’à lui alors qu’il se défend d’avoir un projet personnel et professionnel qui lui tient simplement à cœur mais qu’elle veut gâcher. On aimerait savoir pourquoi elle lui en veut tant, pourquoi elle est si dure et intransigeante avec lui.
Elisa trouve aussi ridicule qu’il aille chasser un soir avec le voisin (scène symbolique de la lapine que Santiago tue sans savoir qu’elle était enceinte), mais ces reproches cachent une fragilité et un malaise plus généraux en elle.
Il y a une très belle scène à la fin entre elle et la vieille femme qu’Elisa ne pouvait supporter au départ mais dont elle se sent soudain proche, assez pour se confier. La simplicité et la beauté de cette scène de confidences sont assez émouvantes. D’une profondeur qu’on aurait aimé le réalisateur, qui dit s’être inspiré de son expérience et de ses difficultés personnelles de père pour écrire le film, voir davantage creuser…
http://www.youtube.com/watch?v=_sc6w5PZ0Is
Film argentin d ’Hernan Belon avec Dolores Fonzi, Leonardo Sbaraglia, Matilda Manzano (01 h 24).
Scénario de Valeria Radivo et Hernan Belon :
Mise en scène :
Acteurs :
Dialogues :
Compositions d ’Antonio Fresa et Luigi Scialdone :