Nicolas Sarkozy nous avait-il lassé de ses innombrables mises en scènes internationales ? La question pouvait se poser, cette semaine. François Hollande traversait une séquence diplomatique très chargée et pourtant cette dernière n'occupait que peu d'espace médiatique.
Notre presse nationale préférait se concentrer sur la compétition au perchoir de l'Assemblée, la bataille pour la présidence du groupe UMP, les règlements de comptes au sein de l'ancien camp sarkozyste, ou une prise d'otages à Toulouse.
C'était curieux et sans doute compréhensible. Curieux parce que le contexte international influence gravement notre propre destin national. Comment alors ignorer Rio+20 ou le récent G20 ? Compréhensible parce que ces sommets se suivent et se ressemblent; on a peine à trouver leurs réalisations concrètes. Cela demande une attention particulière. Et Nicolas Sarkozy n'est plus là pour faire le spectacle.
C'était son premier G20 mais pas son premier sommet international. Rapidement après son élection, François Hollande avait enquillé une réunion informelle du G8 et une rencontre des dirigeants de l'OTAN.
A Los Cabos, au Mexique, Hollande a livré deux conférences de presse à quelques heures d'intervalle. Il était amusant de les comparer avec celles de son prédécesseur. Nul tressautement d'épaules, nulle attitude exténuée. Sarkozy jouait à l'athlète au sortir d'une compétition de haut vol à chacune de ces rencontres internationales. François Hollande fut méthodique, posé et apaisant. Sarkozy gonflait les résultats de ses palabres, s'appropriait les annonces toujours qualifiées de « décisives ». On se rappelle ses fameuses expressions comme «Je crois que pour la première fois dans un document, dans un
communiqué officiel d'un sommet du G20, du G8, d'un sommet
international,...» ou autre « Les paradis fiscaux, le secret bancaire c'est terminé ».
Hollande était plus modeste. Quand il y avait échec, Sarkozy n'en parlait pas, ou prenait à témoin l'assistance, ou en chantage ses collègues récalcitrants. Hollande n'était ni dans ses excès ni dans ces oublis.
Sur le fond, ce G20 restait un G20, d'innombrables rendez-vous bilatéraux et discussions collectives pour aboutir sur des communiqués. Les résultats se font souvent sentir plus tard. Le sarkozysme diplomatique nous avait habitué à un story-telling triomphant. Ce G20 eut un compte-rendu français plus modeste. Pourtant, il déboucha sur de « quelques avancées intéressantes qui pourraient nourrir l'actualité des
prochains mois »... relevées par l'envoyé spécial du Figaro.
Mardi 19 juin en fin d'après midi (minuit en France) , le président français s'est expliqué sur les conclusions du sommet. Il a cité les objectifs, qu'il a jugé « atteints ». En premier lieu, « mettre la croissance au premier niveau de nos discussions. » Hollande était satisfait: «Cette volonté de croissance figure dans les termes mêmes de nos conclusions.» Mais il était prudent. « Mobiliser tous les participants sur les objectifs de croissance n'allait pas de soi. » A une journaliste de Radio France qui lui demanda si les politiques d'austérité étaient donc récusées par le G20, il répondit: « j'aimerai vous répondre oui, mais cela ne serait pas exact. » Il avait précisé que les dirigeants du G20 s'accordaient sur différentes formules pour développer la croissance (le soutien aux exportations, les stimulations fiscales, ou la mobilisation de l'épargne en Europe, pour dégager des financements pour des projets d'investissements »). Il précisa que « l'austérité pour l'austérité ne pouvait pas être la solution. »
Les chefs d'Etat et de gouvernement s'étaient accordés sur l'idée qu'il fallait
stimuler la demande plutôt que l'offre. Au pire de la crise, Sarkozy aboyait qu'il ne fallait pas de relance mais une hypothétique régulation de la finance. En 2009 déjà, Barack Obama s'agaçait de cette résistance franco-allemande. En 2010 à Toronto, le président américain s'inquiétait que les divers plans d'austérité budgétaire en vigueur ou en
cours d'élaboration en Europe ne brise une relance déjà fragile. Et Sarkozy s'obstinait encore à nous faire croire que la finance mondiale était enfin régulée. Trois ans plus tard, l'agenda du G20 avait donc enfin changé.
Second objectif atteint, « renforcer la stabilité financière », en institutionnalisant le Conseil de stabilité financière. Hollande parlait trop vite. De ce Conseil, « les bases ont en été jetées », avec des « compléments utiles » : Hollande cita l'identification de 13 nouveaux paradis fiscaux, le souci de taxer les transactions immatérielles et l'adoption de nouvelles normes anti-blanchiment. Il aurait pu ajouter que l'intégrité de la zone euro était désormais une priorité : «les pays membres de l'euro s'engagent à prendre toutes les mesures pour sauvegarder l'intégrité et la stabilité de la zone».
L'actuel président assuma un échec, cela nous changeait de son prédécesseur: « vous savez que j'ai insisté pour une taxe sur les transactions financières, qui ne figure pas dans le communiqué. Et donc c'est pas un autre moyen que nous aboutirons à ce résultat-là, à travers notamment la coopération renforcées au sein de l'Union européenne.» Il avait raison sur ce dernier point: en Allemagne, Angela Merkel avait été obligé de céder à l'idée pour se rallier le SPD.
Troisième objectif, troisième résultat, François Hollande était heureux d'un accord unanime contre le recours au protectionnisme. « Il y avait un risque que le protectionnisme soit une des réponses pour un certain nombre d'Etats, au ralentissement de la croissance et aux difficultés de l'emploi ». Il avoua que la discussion fut « longue » et « même vive ». Mais, expliqua-t-il, un accord a finalement été trouvé pour que jusqu'en 2014, « aucune mesure protectionniste ne soit prise par quelque Etat que ce soit ». Pendant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy avait usé de l'argument protectionniste pour s'attacher les faveurs de l'électorat. Ses sbires avaient aussi caricaturé les propositions d'Arnaud Montebourg - devenu depuis ministre du redressement productif. Ils avaient négligé que c'était François Hollande qui était candidat.
Le président français évoqua brièvement une nouveauté de ce G20: « la Chine a montré une évolution et a admis que sa monnaie devait tenir
compte aussi de sa position commerciale et du soutien de la croissance
pour les pays qui ont à commercer avec la Chine ». Les précédents G20 faisaient l'autruche sur la Chine. Celui-ci pointa du doigt la politique de change de la dictature chinoise. Les dirigeants du G20 saluèrent « l'engagement de la Chine de laisser les forces de marché
jouer un rôle plus important dans la détermination du niveau de change
du renmimbi, de continuer à réformer son régime de change et d'accroître
la transparence de sa politique monétaire». L'envoyé spécial du Figaro préférait y voir un renoncement général. C'était le même envoyé spécial du Figaro, Cyrille Lachèvre, qui criait victoire au dernier G20 sarkozyen à Cannes.
François Hollande parla une douzaine de minutes, avant de prendre quelques questions. Il n'avait pas perdu son humour. Cela nous changeait de l'agressivité passée de l'ancien Monarque.
Quand on lui demanda de réagir à l'appel de David Cameron du lundi précédent, aux exilés fiscaux français. Hollande avait répondu avec calme puis ironie: « chacun doit être responsable de ce qu'il dit, je le
suis. Et donc, dans un moment où la cohésion des
Européens doit être forte, je ne ferai rien qui puisse l'ébrécher.
Après sur les politiques fiscales, nous ferons la
comparaison. »
Ce jour-là, une journaliste suédoise lui demanda s'il était prêt à tout pour aider l'Espagne. « Je ne suis jamais prêt à tout » répliqua-t-il d'un sourire.
Une autre, de France 24, demanda si la mort d'Hosni Moubarak était « la fin d'un symbole ». Hollande fut surpris: « Je ne sais pas si c'est la fin d'un symbole, mais c'est la fin, sans doute, de Monsieur Moubarak. Je n'ai pas d'autres remarques à faire. »