En 1789, les choses n’étaient pas forcément très différentes de ce qu’elles sont aujourd’hui: le peuple se rebellait, les riches vivaient, prisonniers, au sein de microcosmes dorés, l’amour menait aux actes les plus fous. C’est ce qu’il y a peut-être de plus intéressant dans Les Adieux à la reine de Benoît Jacquot: cette intense modernité qui traverse, tel un éclair, Versailles et ses costumes d’époque, pour illuminer la pellicule de l’essentiel: l’émotion, la chair, le cœur. Tout ce qui manque d’ordinaire aux films récents de ce genre, si l’on exclut l’excellente Princesse de Montpensier de Tavernier. Faut dire que pour illustrer l’Histoire (la prise de la Bastille, la chute de Marie-Antoinette, la fin d’un monde de privilèges), et ses histoires qui s’y cachent et s’y entrelacent (la lectrice amoureuse de la reine, la reine obsédée par la Duchesse de Polignac), le cinéaste a réuni un casting idéal: les visages faussement angéliques de trois grandes actrices, Diane Kruger en Marie-Antoinette capricieuse, Léa Seydoux en Sidonie soumise, Virginie Ledoyen en libertine intéressée.
Quel que soit l’angle d’approche qu’il adopte (les bruits de couloirs, la confusion de la lectrice, l’ellipse et les chuchotements), son sujet déborde de tous les silences : l’amour fou, et les inconsciences dont il rend capable. Sur son triangle amoureux- dont personne ne sort vainqueur- plane les délices de l’ambigüité et les forces du non-dit. D’un regard, il dit la passion. D’une larme, la dévastation intérieure. D’un geste, la fougue que l’on dissimule. Si ce déballage de grands sentiments ne se révèle ni ampoulé, ni poussiéreux, c’est surtout parce qu’il fait preuve d’une pudeur incroyable, cohérente vue l’époque traitée, et d’un traitement ultra moderne pas si simple à effectuer. Au final, Benoît Jacquot s’en sort avec brio, capturant l’essentiel de trois jours historiques- entre les murs, et du rêve au cauchemar.