C’est toujours le même refrain entêtant avec Wes Anderson. Un spleen coloré. Une imagerie stylisée, singulière, sensible. Des enfants, et des grands enfants, qui refusent le monde cruel des adultes. Pourtant, impossible de se lasser. Moonrise Kingdom dévoile, avec poésie et inventivité, le royaume de l’enfance: ses amours passionnées et indestructibles, ses envies de fuites, ses folies démesurées. A l’amour fou que se porte Suzy et Sam, douze ans, il oppose l’univers acidulé des adultes : leurs infidélités, leur désirs de contrôle, leur routine morne et sans fantaisie. Sur le papier, tout semble simpliste. A l’écran, c’est un enchantement visuel de chaque instant. Wes Anderson sublime chacun de ses protagonistes en employant des acteurs à contre-emploi : notamment un Bruce Willis, solitaire et touchant, un Edward Norton un peu nunuche mais profondément attachant. A leurs côtés, des habitués qui savent pourtant à chaque fois se réinventer : Jason Schwartzman et Bill Murray.
Durant tout le film, véritable œuvre d’art aux postures visuelles délectables, il suit l’aventure de ces deux gamins amoureux, et, transforme une simple traversée de forêt en un florilège de plans-tableaux merveilleux ; l’écoute d’un disque de Françoise Hardy en grand moment de cinéma. On est en 1965, sur une île au large de la Nouvelle-Angleterre, en plein été. Une bulle vintage, aérienne, douce-amère qu’Anderson laisse exploser aux visages sans sourire de ceux qui ont perdu leurs âmes d’enfants. Et, pour le coup, son film est véritablement la preuve qu’innocence et maturité peuvent très bien se conjuguer.