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Lettre au Président

Publié le 20 juin 2012 par Lana

Alain a souhaité que je publie ce texte pour avoir des avis à son sujet.

Monsieur le Président,

Il y a aujourd’hui, dans notre pays, un scandale : je veux parler du fait que de nombreux malades mentaux vivent ou plutôt survivent à la rue. En plus d’être victimes d’une maladie terrible, je parle en particulier des schizophrènes, ils sont exclus, sans toit, sans relations et bien souvent sans soins.

Plusieurs études faites par différents organismes ont montré que le taux de malades mentaux chez les SDF est très élevé. On peut invoquer le sentiment d’humanité ou de compassion pour s’indigner d’un tel fait. On peut aussi voir le problème sous un angle plus égoïste : le danger que courent ou que font courir des personnes malades, sans soin. Il y a enfin le fait qu’une majorité de Français se sentent solidaires parce que potentiellement menacés du même sort, de se retrouver un jour à la rue. Une résolution de ce problème serait populaire chez les Français.

Les différentes réformes qu’a connues la psychiatrie ont conduit à la suppression de très nombreux lits et au fait que le rôle de l’hôpital psychiatrique se borne désormais au médical et que l’aspect social est ignoré. On peut ne pas regretter la disparition des asiles de jadis à la sinistre réputation, mais les alternatives pour l’accueil des malades mentaux n’ont pas été réalisées. Il en résulte que les séjours à l’hôpital se raccourcissent et que les personnes trop malades ou sans soutien familial se retrouvent dépourvues et laissées à l’abandon.

Si je suis sensible à ce sujet, c’est que je suis moi-même un patient psychiatrique, traité pour la schizophrénie. J’ai eu un parcours un peu hors du commun, en ce sens que j’ai toujours exercé, depuis trente ans, la profession d’ingénieur et que je n’ai jamais perçu la moindre aide financière de l’Etat. Je n’ai par ailleurs aucun soutien matériel familial. J’ai été diagnostiqué il y a plus de trente ans et si j’ai évité la rue, c’est grâce à une détermination et à une chance peu ordinaires. J’ai récemment connu une période de chômage et de fin de droits et j’ai senti passer très près le couperet de la rue, à l’indifférence notable des services psychiatriques qui considéraient cette éventualité comme banale.

Je pense qu’il est indigne d’un pays comme le nôtre de supporter plus longtemps cette situation. Il existe de nombreuses bonnes volontés, associations diverses, qui sont prêtes à agir pour sortir les malades de la rue. Il manque une volonté politique qui fasse de ce projet une priorité. Il faudra ne plus considérer que le critère de rentabilité des institutions psychiatriques soit déterminant, il faudra au contraire veiller à ce qu’elles accueillent dignement et sur le long terme les personnes fragiles, dans des lieux humains où leur santé et leur tranquillité soit assurée.

Le vœu que je forme est que votre présidence soit marquée du succès d’une œuvre salutaire pour le bien des plus fragiles de notre société.


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