« C'est la deuxième chance du « SMIC-jeunes » écrit Jean-Francis Pécresse, éditorialiste aux Echos (et accessoirement beau frère de Valérie, l'ex ministre du Budget). « Presque vingt ans après l'échec du contrat d'insertion professionnelle (CIP), la notion de salaire minimum minoré, mais progressif, pour les jeunes effectue un timide retour dans le débat d'idées (...) »
Ah bon! mais le SMIC jeunes, le CIP, c'est quoi au fait ?
En 1993, Edouard Balladur qui officiait à Matignon, souhaitait (déja) réduire le chômage des jeunes décidait de créer le Contrat d'Insertion Professionnelle (CIP), réservé au moins de 26 ans jusqu'à bac+3, et plafonné à 80% du SMIC. Il s'agissait d'un CDD dont la durée était comprise entre six mois et un an, renouvelable une fois.
Les dits jeunes se mobilisaient, et à l'issue de manifestations monstres, Edouard Balladur annonçait la suspension puis le retrait définitif du CIP en 1994.
On aurait pu croire cette idée morte et enterrée, mais c'était sans compter sur l'obstination de certains beaux esprits libéraux, et sur quelques organisations patronales qui, depuis un ou deux ans, se plaisent à expliquer que crise et chômage obligeant, il serait utile de ressortir le projet de sa boîte. C'est ce dont Jean-Francis Pécresse a essayé de nous convaincre.
Quels sont ses arguments ?
Selon Pécresse, ce n'est pas le fait que ce soit un SMIC au rabais qui a fait capoter le projet mais le fait qu'il aurait été préférable de le présenter sous forme de CDI. Pourtant, écrit-il : « (...) la malédiction du « SMIC-jeunes » est peut-être en passe de se dissiper, doucement. En pratique, le développement de l'apprentissage permet déjà, même si ce n'en est pas l'objectif principal, de contourner l'obstacle que constitue le salaire minimum unique pour l'embauche de jeunes non formés, donc à faible productivité (...) »
Et l'éditorialiste de nous expliquer que le SMIC-jeunes existe déjà dans les faits
« (...) un SMIC à taux réduit est déjà appliqué aux jeunes en apprentissage ou en contrat de professionnalisation, en fonction de leur âge et de la durée de leur contrat. Et les salariés de moins de 18 ans, lorsqu'ils ont moins de six mois d'ancienneté, sont payés 10 % au-dessous du minimum légal (20 % avant 17 ans). On peut, aussi, considérer que, dans une certaine mesure, l'obligation de rémunérer le stage en entreprise, effective depuis la fin 2009, est un autre moyen de faire travailler des jeunes au-dessous du SMIC (...) »
Mais regrette que ces : « (...) contournements discrets sont restés trop spécifiques pour peser sur un taux de chômage des jeunes »
Donc, selon Pécresse, on doit aller plus loin !
Pour ce faire, il cite l'organisation patronale CroissancePlus qui : « (...) entend briser la glace dans laquelle, depuis vingt ans, est enfermé ce sujet (...) »
CroissancePlus, qui est sorte de mini Medef, a des idées bien arrêtées sur le sujet. En effet, il écrivait en février 2012 : « Le taux d’emploi des jeunes est insuffisant en France (...) Cette faiblesse handicape notre compétitivité et alourdit les dépenses publiques. Parmi les solutions qu’il serait possible de mettre en œuvre figure le « SMIC Jeunes » destiné aux jeunes sans expérience ni diplôme, âgés de 17 à 21 ans. Il aurait pour caractéristique d’être inférieur au montant du salaire minimum brut mais une baisse des charges patronales permettrait de garder un salaire net équivalent. Ce dispositif ferait donc baisser le coût du travail, et mettrait le pied à l’étrier de milliers de jeunes qui gagneraient en compétence et en expérience en étant intégrés dans le monde de l’entreprise (...) »
C'est sans doute par pudeur ou oubli que CroissancePlus ne nous indique pas quel serait la source de financement de cette nouvelle baisse des cotisations patronales, mais dans leur esprit la TVA sociale devrait probablement y pourvoir !
L'inénarrable économiste Francis Kramarz pour qui de toute façon : « Une augmentation du Smic détruirait de nombreux emplois » cité par Jean-Francis Pécresse, déclare : (...) Le SMIC n'est pas trop élevé pour un jeune qui sort de l'université, mais il l'est pour un jeune sans diplôme » Précisant sans rire : « L'assurance de trouver un emploi non qualifié plutôt bien payé dissuade de poursuivre une formation initiale »
Même si les hypothèses de CroissancePlus, de Francis Kramarz et de Jean-Francis Pécresse ont assez peu de chances de trouver grâce aux yeux des actuels gouvernement et parlementaires de gauche, mon petit doigt me dit qu'il ne faudra pas bien longtemps pour que, la mise en place d'un SMIC-jeunes fasse partie des premières revendications des organisation patronales.
Après tout, le remplacement de salariés seniors partant à la retraite ou dégagés par rupture conventionnelle par des jeunes salariés payés au dessous du SMIC serait certainement apprécié de certains milieux patronaux au titre de la compétitivité des entreprises ...
Crédit photo PanoRHama