Dijon : mon député cumule

Publié le 20 juin 2012 par Rolandlabregere

Le samedi 9 juin Le Monde consacrait un long article sur la pratique du cumul des mandats qui concernait dans l’assemblée sortante 83% des députés. L’article est illustré d’un cliché particulièrement évocateur. Il montre trois travées de l’hémicycle, soit environ 150 fauteuils. Un seul élu siège et consulte des documents au moment de la prise de vue, le 12 juillet 2011. La séance concernait la prolongation de l’intervention militaire en Libye. Pour ce débat qui traitait d’une action militaire qui engageait la Nation, les députés avaient déserté en nombre leurs bancs respectifs. Le cumul des mandats est la cause officielle de l’absentéisme des députés. Quand il faut être à plusieurs endroits en même temps, c’est toujours où l’on est absent que l’on se fait remarquer.

A la joie d’avoir vu s’en aller un président ami des riches s’ajoute désormais le bonheur de l’installation d’une assemblée plus loyale aux engagements républicains. Ce bonheur est néanmoins soumis aux aléas d’un mal bien français, héritage de la IIIème république. Il a pour nom, le cumul : cumul des mandats, cumul des titres, cumul des honneurs, cumul des représentations, cumul des positions, cumul des réseaux, cumul des collaborateurs et, faut-il le rappeler en jetant  pudiquement des regards de droite à gauche et en baissant la voix, cumul des indemnités. Quand la droite, forte de son arrogance et de sa suffisance à vouloir incarner le peuple, se laisse aller à de telles habitudes, on se dit qu'elle est dans sa culture. C’est plus difficile d’accepter la même démarche de la part des forces démocratiques pour lesquelles la revendication éthique est une donnée intrinsèque.

Entre les deux tours des législatives, j’ai déposé une question sur le site de campagne du candidat socialiste de ma circonscription : « Si vous êtes élu, à quel mandat d’adjoint au maire, de conseiller général, de 10ème vice-président de la Communauté du Grand Dijon renoncerez vous ? ». Je ne m’attendais pas à une réponse. Il y a tellement de choses à faire pendant une campagne électorale. Il se murmure néanmoins que l’impétrant aurait déclaré possiblement renoncer à la fonction de conseiller général. En n’abandonnant pas la fonction d’adjoint au maire, il est possible de conserver la délégation communautaire. J’ôte un, il reste trois ! Personne n’est parfait ! Il est vrai que la pratique du cumul est très en vue à Dijon. La loi organique du 5 avril 2000 relative " aux incompatibilités entre les mandats électoraux" avance quelques timides dispositions. A suivre.

Tout en me réjouissant de l’éviction du sortant, tout occupé à vanter les mérites des politiques sarkosystes et à agiter les arguments les plus démagogiques, je suis peiné de voir que le changement, pour la question lancinante des millefeuilles électifs, est remis à plus tard. En parler sur les professions de foi en termes généraux, toujours ! Y toucher dans la réalité, silence ! Et pourtant, le discrédit des politiques se lit dans les scores du Front national et dans l’importante abstention attachée à ce scrutin. Les citoyens sont en droit d’attendre des représentants élus disponibles et actifs. Selon Laurent Bach, qui a consacré une étude à cette dérive, « le cumul des mandats a des conséquences dramatiques sur le fonctionnement du Parlement ». Selon ses estimations, si les élus ne pouvaient pas cumuler, « la participation des députés aux travaux des commissions serait plus importante d’au moins un quart pour l’ensemble de l’Assemblée nationale ». Il préconise le mandat unique dont l’instauration serait seule « à même de changer les mœurs politiques ». http://www.cepremap.ens.fr/depot/opus/OPUS27.pdf

En donnant au Parti socialiste un soutien citoyen, on attendrait qu’il travaille à affermir la citoyenneté. C’est un triangle vertueux qui motive la critique. Il montre trois exigences. On voudrait que les élus socialistes soient de gauche, puis on apprécierait un comportement moral, enfin on serait enchanté qu’ils adoptassent des postures d’exemplarité. Faut-il le répéter, personne n’est parfait ?