Les commentateurs étaient unanime pour dire que l'affaire du tweet de Valérie Trierweiller était le premier faux pas du mandat de François Hollande, et la première entorse à la "présidence normale", cette présidence. Nous l'avons dit aussi, à peu près : les médias ont besoin d'histoires faciles à raconter, la tentation médiatique, la tentation du buzz, celle d'être sur le devant de la scène, est trop forte, pour les médias, les journalistes comme pour les hommes et femmes politiques. François Hollande a été, jusqu'à présent, exemplaire, hormis bien sûr un gravissime dépassement de vitesse sur l'autoroute entre Paris et Caen. Devant la tentation du raccourci qui passe par la personalité, le glamour, l'individu plutôt que la fonction, il faut, pour rester "normal".
Paradoxalement, le régime présidentiel, qui, arrimé à des média de plus en plus pipolisants, encourage justement les excès, permet en même temps à un seul homme d'inverser la tendance. Si François Hollande réussi à se tenir sur la ligne de la rigueur modeste, il peut inverser la tendance de l'institution qu'il incarne malgré tout. De ce point de vue, même si on a de sérieux réserves sur la présidentialisation, il est important aussi se s'assumer en tant que président et imposer son style, sa ligne.
Et j'en viens, enfin, à ce que je veux dire : le Président de la R., malgré tous les pouvoirs que lui donnent la Constitution et les télés plates, comme dirait Dagrouik, et malgré la nouvelle majorité qui valide son pouvoir et sa politique, malgré tout cela, il ne représente qu'une partie de la grande horlogerie de la machine politique qui est désormais celle de la gauche.
L'affaire Falorni montre bien le problème. L'élection de Hollande et la perspective de cinq années d'une majorité PS ne peuvent qu'exciter les ambitions individuelles. Les choix qui ont abouti au gouvernement Ayrault ont maintenu l'équilibre à peu près. À part quelques grognements en provenance de la mairie de Lille, l'illusion partielle d'une maîtrise des ambitions a survécu. Ce n'était pas facile pourtant, et nous n'en sommes qu'au début.
L'affaire Falorni et surtout l'épisode du tweet, ont montré que tout le monde n'était pas dans l'attitude du "normal". L'abnégation est facile, peut-être, quand on a gagné l'élection et qu'on est déjà au sommet. L'ambition et les rancoeurs des uns et des autres, toujours en lutte, encore désireux de monter d'un cran sur l'échelle ou de règler quelque compte, n'en sont pas pour autant sublimés. Et l'ombre de Lionel Jospin dans l'affaire ne fait que souligner que les coups sont toujours aussi rudes, que l'on manoeuvre autant pour placer les siens et nuire à ses ennemis.
Beacoup des excès médiatiques de Nicolas Sarkozy étaient motivés par un besoin (réel ou imaginaire, seul l'expertise psychiatrique pourrait nous le dire) de se protéger de son propre camp. Songez à l'affaire Clearstream, poursuivi avec acharnement alors que Villepin n'était plus du tout un danger pour l'omniprésident. Le problème pour François Hollande est de savoir s'il va pouvoir, ou devoir, maintenir la "normalité" du pouvoir, de ce pouvoir qu'il partage forcément avec le reste de son parti, avec les autres branches de l'État, seulement par son influence, sa capacité à châtier les ambitieux et à donner des bons points aux dévoués.
Pour avoir un quinquennat "normal" – c'est-à-dire exemplaire – il va falloir que la rigueur et l'exigence ne soient pas réservées au Président, mais appliquées par tout le monde : Première Compagne, Première Secretaire ou Premier Secretaire, Premier Ministre et par tous ceux qui ne sont pas (encore) les premiers de quelque chose.