« FAKE » est un roman vrai qui parle du toc, un récit qui donne une furieuse envie de se récurer de la tête au pied tant son sujet est cru, obscène mais aussi scandaleusement littéraire.
Pour son premier opus Giulio Minghini, auteur d’origine italienne fasciné par les sourires de Paris et de ses hôtesses, nous invite à suivre la lente exécution sentimentale d’un jeune homme cultivé. Cette exécution ne se fera pas sur un champ de bataille mais au cœur de Paris où les sites de rencontre éclosent telles des verrues disgracieuses sur les fleurs vénéneuses semées par Choderlos de Laclos. Exit Valmont, Madame de Merteuil et leurs billets perfides. Place aux Poke et Suppr, tandis que les web-lovers s’affublent de pseudos ridicules pour camoufler leur phobie de l’autre. Echoué sur ces sites suite à une rupture amoureuse, le narrateur va succomber à cette loterie de la séduction mise en scène par des as du marketing. Non dénué d’une certaine férocité, il explore en ethnologue de la libido les profils de ces dames qui affichent leurs bons gouts et leurs strings avec une impudeur crasse. Vous apprendrez que sur pointscommuns.com on baise cultivé devant un David Lynch, sur Meetic la tendance est au nomadisme libéré, enfin sur Adopteunmec.com le supermarché du sexe casse les prix. Mais l’amusement et l’exaltation des débuts vont laisser place à un crépuscule hanté de vulves béantes, de fellations hypnotiques ; un crépuscule de chair vaine, sublime ou laide, de corps étêtés s’offrant avec une démesure sidérante. En dépit d’une santé vigoureuse, le jeune homme va s’étioler, perdre son latin et s’égarer dans ce fantasme collectif. Dépassé, ivre, fantôme hirsute de la rue de Ménilmontant, il s’autodétruit et traine sur le macadam une mélancolie de poète foudroyé par le vice. Une certaine Jade, passée experte dans l’art de la manipulation sur le net, l’enverra aux portes du ciel et accélèrera son exclusion de ce tragique lupanar virtuel. Ouf.
« FAKE » est une fleur du mal, un objet littéraire non identifié où la nuit s’étire à l’infini, un roman traversé de tristesse, de saleté mais aussi d’une poésie délicate qui dit sans complaisance notre «ultra moderne solitude». René Crevel et Montherlant accompagnent les errances hallucinées du narrateur et on ne peut que le remercier d’avoir si bon gout. «FAKE” est un incendie, un livre à lire la nuit en buvant du vin blanc et en priant fort pour garder son cœur d’hirondelle. Le style est là, précis, angoissé, assoiffé, d’une virtuosité de fin du monde autorisant le lecteur à conserver entre ses mains ce brûlot de chair. Les femmes d’internet ont perdu leur candeur ; elles y sont croquées, dépossédées, baisées ou admirées telle des déesses impies offertes à toutes les luxures et l’on retient son souffle tant certains passages sont classés X. « FAKE » avait été sélectionné en 2009 pour le Prix de Flore. Mais aux ors germanopratins, Giulio Minghini préfère le roman de Ménilmontant, celui que chanta un soir de tristesse un certain Trenet : « Ménilmontant mais oui madame, C’est là que j´ai laissé mon cœur, C’est là que je viens retrouver mon âme, Toute ma flamme, Tout mon bonheur… »
Giulio Minghini est né en Italie en 1972. Fake est son premier roman publié aux éditions Allia. Coupes sombres son second roman est paru au Seuil en mai 2012 (voir chronique)
Informations pratiques :
Nombre de pages : 138
Editeur : Allia
Prix France : 9 euros