Le « peuple juif » : une invention
Publié le 20 mars 2008 par Hugo Jolly
Par Tom Segev
La Déclaration d’indépendance d’Israël dit que le peuple juif est né sur la terre d’Israël et a été exilé de son pays natal. Chaque écolier israélien apprend que cela s’est passé pendant la période de domination romaine, en 70 après J-C.. La nation est restée fidèle à sa terre, à laquelle elle a commencé à revenir après deux millénaires d’exil. Faux, dit l’historien Shlomo Sand, dans l’un des livres les plus fascinants et stimulants publiés ici depuis longtemps. Il n’y a jamais eu de peuple juif, seulement une religion juive, et l’exil non plus n’a jamais eu lieu - il n’y a donc pas eu de retour.
Source : Haaretz
Article original publié le 1er Mars 2008
Sand rejette la plupart des histoires de la formation de l’identité nationale dans la Bible, y compris l’exode d’Égypte et, de façon plus satisfaisante, les horreurs de la conquête sous Josué. Tout cela est de la fiction et un mythe qui a servi d’excuse à la création de l’État d’Israël, affirme-t-il.
Selon Sand, les Romains n’ont généralement pas exilé des nations entières, et la plupart des Juifs ont été autorisés à rester dans le pays. Le nombre de ces exilés a été tout au plus de quelques dizaines de milliers. Lorsque le pays a été conquis par les Arabes, beaucoup de Juifs se sont convertis à l’Islam et ont été assimilés parmi les conquérants. Il s’ensuit que les ancêtres des Arabes palestiniens étaient des Juifs. Sand n’a pas inventé cette thèse, 30 ans avant la Déclaration d’indépendance, celle-ci a été endossée par David Ben Gourion, Yitzhak Ben-Zvi et d’autres.
Si la majorité des Juifs ne se sont pas exilés, comment se fait-il qu’un si grand nombre d’entre eux a atteint presque tous les pays sur la terre? Sand affirme qu’ils ont émigré de leur propre gré, ou, s’ils étaient parmi ceux exilés à Babylone, ils y sont restés par choix. Contrairement à une croyance conventionnelle, la religion juive a tenté d’inciter les membres d’autres confessions à devenir Juifs, ce qui explique comment on en est venu à compter des millions de juifs de par le monde. Comme le Livre d’Esther, par exemple, le note : «Et la plupart des gens du pays sont devenus Juifs, par crainte que les Juifs ne les attaquent.”
Sand cite de nombreuses études existantes, dont certaines ont été écrites en Israël, mais évacués du discours central. Il décrit également en détail le royaume juif de Himyar, dans le sud de la péninsule arabique et les juifs berbères en Afrique du Nord. La communauté des Juifs d’Espagne était issue d’Arabes devenus juifs et arrivés avec les forces qui capturèrent l’Espagne des Chrétiens, et d’individus nés en Europe qui étaient aussi devenus juifs.
Les premiers Juifs d’Ashkenaz (l’Allemagne) ne provenaient pas de la terre d’Israël et ne sont pas parvenus en Europe de l’Est d’Allemagne, mais étaient devenus des juifs dans le royaume khazar dans le Caucase. Sand explique les origines de la culture yiddish: ce n’était pas une importation juive d’Allemagne, mais le résultat de la connexion entre la lignée des Khazars et des Allemands ayant voyagé vers l’Est, dont certains en tant que marchands.
Nous constatons donc que les membres d’une variété de peuples et de races, blonds et noirs, bruns et jaunes, sont devenus des juifs en grand nombre. Selon Sand, le besoin des sionistes de s’inventer une ethnicité partagée et une continuité historique a produit une longue série d’inventions et de fictions, ainsi que le recours à des thèses racistes. Certaines ont été concoctés dans l’esprit de ceux qui ont conçu le mouvement sioniste, tandis que d’autres ont été présentées comme les conclusions d’ études génétiques menées en Israël.
Le professeur Sand enseigne l’histoire à l’université de Tel Aviv. Son livre, «Quand et comment le peuple juif a-t-il inventé?” (publié par Resling en hébreu), est destiné à promouvoir l’idée selon laquelle Israël doit être un «État de tous ses citoyens” - Juifs, Arabes et autres - en opposition à son identité déclarée comme un État “juif et démocratique” état. Des histoires personnelles, une longue discussion théorique et une profusion de sarcastiques phrases assassines n’aident pas le livre, mais ses chapitres historique sont bien écrits et citent de nombreux faits et idées que de nombreux Israéliens seront étonnés de lire pour la première fois.
Traduit par Fausto Giudice, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est libre de reproduction, à condition d’en respecter l’intégrité et d’en mentionner l’auteur, le traducteur, le réviseur et la source.
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