Un premier ministre britannique qui en appelle aux exilés fiscaux français.
Une patronne qui s'énerve contre une micro-taxe sur les dividendes pas même confirmée.
Un G20 qui débouche sur une habituelle déclaration de principes...
De Cameron à Parisot
Un nouveau G20 s'est déroulé en début de semaine au Mexique. Le premier ministre britannique a voulu faire sensation,
lundi soir, devant un parterre de grands patrons, réunis sous
l'ambitieuse appellation de « B-20 » (B pour « Business »). Il s'est amusé à tacler la future taxation à 75% des revenus supérieurs à un million d'euros. On appelle cela la
solidarité européenne version libérale.
«Quand la France instituera un taux de 75% pour la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu, nous déroulerons le tapis rouge et nous accueillerons plus d'entreprises françaises, qui paieront leurs impôts au Royaume-Uni»
En fait, David Cameron est assez mal en point dans son propre pays. La collusion de ses proches avec l'empire Murdoch, sur
fond d'écoutes téléphoniques et d'espionnage de journalistes, n'en finit pas de secouer le landernau britannique. Lui-même a été auditionné par un juge voici 5 jours. Autant dire
qu'il avait besoin de faire les bravaches à l'étranger. « Je ne ferai rien qui puisse ébrécher la cohésion des Européens. Chacun doit être responsable de ce qu'il dit » a rétorqué François Hollande.
Le chantage à l'évasion fiscale est une vieille antienne des néo-conservateurs. La délocalisation fiscale existe, et existera
tant que des paradis fiscaux existeront. On croyait que ces derniers avaient été disparu. La récente campagne présidentielle a permis de constater que même l'ancien Monarque n'y croyait plus. En
effet, pris de remords ou d'une soudaine envie d'agir, Nicolas Sarkozy avait institué une « exit-tax » l'an dernier, applicable sur les revenus 2011. Candidat, il avait aussi proposé de
taxer à l'avenir le patrimoine des exilés fiscaux.
Malades imaginaires
En France, le chantage fiscal était aussi d'actualité.
Faudrait-il prévoir la déchéance de nationalité pour les exilés fiscaux ?
Pour cet été, le gouvernement Ayrault prépare quelques mesures pour son collectif budgétaire de juillet prochain. L'une
d'entre elles, révélée par les Echos, fait frémir le patronat: taxer davantage les dividendes versés aux
actionnaires. Le supplément de taxe est pourtant modeste - 3% de prélèvement à la source sur les dividendes versés aux actionnaires. Mais il n'en fallait pas davantage pour que le quotidien
économique s'insurge: « Les entreprises vont être taxées à 3 % sur les dividendes versés aux actionnaires ». Et un courtier chiffrait rapidement la
«catastrophe »: les entreprises les plus touchées seraient, Total (coût de 170 millions d'euros), Sanofi (123 millions), GDF Suez (101 millions), France Télécom (94 millions), EDF (63
millions) et Axa (53 millions).
Les entreprises à nouveau taxées ? Pas vraiment, la formule est trompeuse.
Comme tout prélèvement à la source, cette nouvelle taxe frappe d'abord... les actionnaires, rebaptisés «
investisseurs » dans l'argumentaire du Medef: « Augmenter la fiscalité des dividendes, c'est courir le risque que ces investisseurs privés soit investissent moins, soit
investissent ailleurs, soit même cessent d'avoir envie d'investir tout court » a regretté Laurence Parisot.
En ajoutant que « mettre la fiscalité des revenus du capital au même niveau que la fiscalité des revenus du travail », cela « assécherait
l'économie ». Au moins, l'argumentaire est direct. Selon la patronne du Medef - qui postule à un troisième mandat - le capital doit être moins taxé que le travail, même en période de
grave crise. Cette hiérarchie des valeurs sera-t-elle assumée à l'UMP dans son grand aggiornamento ?
Qui criait, main sur le coeur, qu'il fallait réévaluer la taxation des revenus du capital (dont les dividendes font partie)
au niveau de l'imposition des revenus du travail ? Qui promettait de réduire les
abattements fiscaux sur dividendes pour 1,5 milliards d'euros annuels ?
L'objectif de recettes fiscales semble modeste: 800 millions d'euros en année pleine. Et les PME, c'est-à-dire les
entreprises indépendantes de moins de 250 salariés et moins de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires, en seront exonérées. Pour mémoire, les dividendes versés cette année en
France au titre des résultats 2011 des entreprises du CAC40 devraient se chiffrer à 37 milliards d'euros...
Mauvaise nouvelle au G20
Au G20, l'équipe Hollande n'a pas eu gain de cause: la taxe sur les transactions financières internationales ne figure pas
dans le communiqué final du sommet. C'est un échec. Les négociateurs français étaient déçus: « C’est une déception, mais on a pu constater que l’agenda reste vivant et que de nouveaux sujets apparaissent notamment sur les questions de régulation
financière ». Des ONG étaient
même furax.
En réalité, cela ne change pas grand chose. Pour les sarkozystes, cette taxe existe déjà, leur ancien mentor l'avait institué
! On savait qu'il en était rien, Sarkozy avait simplement rétabli un impôt de Bourse qu'il avait
précédemment supprimé (en 2007).
Depuis la Grande Crise de l'automne 2008, on ne comptait plus les communiqués prétendument triomphants de ce genre de
pinces-fesses internationaux. Au moins, le président français a-t-il pu afficher sa différence de méthode: concertation et respect. Juste avant de venir à Los Cabos, il s'était fendu d'un long
échange avec Angela
Merkel.
Lors de sa conférence de presse, François Hollande a tracé la voie: « si on veut avancer sur la taxe, il ne faut pas
chercher l'unanimité, elle est impossible, ou alors on est dans l'ordre du voeux pieux. Ce sera donc de la responsabilité de certains pays qui sont convaincus de l'utilité de cette instrument, du
rendement qui peut être le sien, d'avancer, soit au sein de l'Europe par un coopération renforcée, soit par une mise en place d'un outil commun avec des pays de plusieurs
continents.»
Bonne nouvelle, c'était l'un des points d'accords... avec Angela Merkel.