« Elle découvrait que la caractéristique principale des familles heureuses, c'est un égoïsme féroce, une indifférence têtue à tout ce qui n'est pas leur bonheur. »
Léna, assise près de la fenêtre, attend. Le retour de Vassia qui parcourt le ciel, l'étincelle qui allumera sa vie, les mots de Dimitri et Varia qui la guident à travers le froid.
Il est étonnant ce roman. Difficile de se dire que c'est un premier. L'écriture, aérée et poétique, cisaille les sentiments intérieurs. Ceux que l'on dissimule avec ou sans succès. Ceux qui nous tiraillent et qui nous empêchent d'avancer.
Virginie Deloffre a évité de nombreux écueils. Sans miel, sans sucre, le lecteur est transporté dans le dénuement du Grand Nord. On sent le froid du vent et celui de l'absence. On écoute, au coin du feu, Varia nous conter la rugosité de la vie. C'est quoi être russe au fait ?
Tout est juste dans Léna. J'ai tourné la dernière page à regret et emplie d'une belle émotion.
Albin Michel, 267 pages, 2011
Prix des Libraires 2012
Extrait
« Mais je sais comment ils reviennent. Je sais comment ils sont après, cet air absent, les yeux vides qu'ils ont. Ils on vu ce qu'on n'a pas le droit de voir et plus rien ne peut ranimer leur regard. Oh j'imagine comme elle est belle de là-haut, comme elle est bleue ! C'est pour cela qu'ils partent, n'est-ce pas ?
Mais c'est défendu. L'homme est enchaîné à notre Mère la Terre humide, comme nous l'appelons en russe. Elle le serre, elle le tient plaqué contre elle par une force invisible. Celui qui s'en arrache pour aller contempler sa beauté nue est un banni. Il reviendra de ce voyage avec des yeux éteints, brûlés par les couleurs qui n'existent que là-haut et les seize couchers de soleil par jour. Il errera parmi nous habité de visions inaccessibles, avec un coeur mort que la nostalgie a empoisonné pour toujours. C'est ainsi que la Terre punit ceux qui échappent à son étreinte.