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Vid Cosic a fait le chemin inverse de tant d’Irlandais, émigrant dans un pays plusieurs fois vidé de ses habitants. Ce menuisier serbe, orphelin de parents morts dans un accident de voiture, porte avec lui, sans le vouloir, la violence de la guerre. Et peut-être même le malheur, alors qu’il voudrait seulement retrouver la paix intérieure perdue en même temps que sa mémoire. Les choses ne se passent pas trop mal : pour avoir trouvé un téléphone et l’avoir restitué à son propriétaire, il se lie d’amitié avec celui-ci. Kevin, avocat, l’aide à s’introduire dans une société dont il ne connaît pas les codes.Mais Kevin, malgré sa réussite apparente, est un homme bourré de problèmes complexes, fâché avec un père qui a abandonné la famille, inquiet pour une sœur droguée, traître en série à sa petite amie. Et sujet, parfois, à des accès de violence dont Vid, témoin de l’un d’entre eux, aura à subir des conséquences inattendues : l’étranger fait un coupable évident et la cible idéale d’une vengeance.Sous la difficulté éprouvée pour s’intégrer au peuple irlandais court le thème d’une faute collective. Puisqu’il est serbe, Vid est soupçonné de cruauté. Puisqu’ils sont irlandais, les autres personnages portent la responsabilité de la mort par noyade d’une femme. Elle était enceinte sans être mariée, faute capitale dans un pays très catholique, et un prêtre a peut-être poussé à son assassinat si elle ne se suicidait pas ou si le père de l’enfant illégitime ne se dénonçait pas.Couche après couche, Hugo Hamilton peint ces culpabilités successives sous le regard d’un homme trop honnête pour concevoir la moindre rouerie derrière les mots. Si Vid ne comprend pas toujours les signaux qui devraient l’alerter en présence d’une menace, ce n’est pas seulement en raison d’une maîtrise incomplète de la langue, mais surtout parce qu’il est habité par une grande innocence.Depuis qu’on le lit en français, c’est-à-dire depuis Sang impur (prix Femina étranger 2004), le romancier irlandais creuse de plus en plus profond et de mieux en mieux le terreau riche et complexe de l’âme humaine. Après Comme personne, Je ne suis pas d’ici en administre une nouvelle preuve éclatante.