À son tour, la politique a utilisé les techniques du monde des affaires. C'est sous l'ère Clinton qu'est apparu cette nouvelle façon de faire de la politique. Après l'échec électoral de 1994, le président Clinton était certains de ne pas être reconduit deux ans plus tard aux élections présidentielles.
Clinton a fait alors appel à Dick Morris qui préconisait de transformer la nature même de la politique. Les électeurs indécis dans les banlieues pensent et se comportent comme des consommateurs. Selon lui, la seule façon d'avoir le vote des électeurs indécis était d'oublier toute idéologie et de transformer la politique en une forme d'entreprise des consommateurs. L'idée avait déjà été présentée lors de l'exposition mondiale de New York de 1939, dominée par General Motors, sous la direction d'Edward Bernays.
Pour pénétrer à l'intérieur de l'esprit des électeurs indécis, Morris a utilisé les interrogatoires du marketing pour la première fois en politique. Il est allé voir Penn et Schoen, l'un des plus éminents cabinets d'étude de marché, et lui a commandé ce qu'il a appelé un sondage de neuro-personnalité. Il s'agissait d'une enquête massive de centaines de milliers d'électeurs, mais dont les seules questions politiques qu'il a posé étaient de savoir si quelqu'un était un électeur indécis ou non. Toutes les autres questions étaient intimes, d'ordre et psychologique, conçues pour voir si l'indécis pouvait être intégré dans un profil psychologique identifiable.
Toutes les politiques traditionnelles devaient être abandonnées. Clinton devait se concentrer exclusivement sur celles qui ciblent les soucis des indécis comme équiper les téléviseurs d'un contrôle parental pour empêcher les enfants de regarder de la pornographie ou équiper les bus scolaires de téléphones pour que les parents se sentent plus en sécurité.
Dick Morris a également persuadé le président de passer son temps libre de la même manière que les électeurs de certaines catégories d'indécis. Il a envoyé Clinton en vacances chasser. L'objectif était de ressembler aux électeurs indécis pour se rapprocher d'eux. La popularité de Clinton parmi ces électeurs a commencé à monter en flèche et Dick Morris avec le cabinet Penn et Schoen, a pris en charge la politique de la Maison Blanche.
Mark Penn a mis en place un centre d'appels dans un immeuble à Denver et chaque nuit, des centaines d'opérateurs téléphoniques ont appelé des électeurs indécis dans les banlieues à travers le pays. Ils leur disaient ce qu'ils pensaient et Mark Pennle transmettait à Bill Clinton. C'est donc, essentiellement, les électeurs de banlieue qui ont créé la politique américaine intérieure et une partie de sa politique étrangère.
Morris a également insisté sur le fait que Clinton devait faire un sacrifice symbolique de l'ancienne politique pour convaincre les électeurs indécis de lui faire confiance. En août 1996, Clinton a signé un projet de loi qui a mis fin au système d'aide garanti aux pauvres et aux chômeurs. C'était la fin effective du système de protection garanti créé par le Président Roosevelt 60 ans avant.
En Grande-Bretagne, la politique du Moi allait aussi remporter les élections. En 1994, Tony Blair est devenu le leader du parti travailliste. Presque chaque nuit Philip Gould a dirigé des groupes de discussion avec les électeurs indécis dans les banlieues. Les désirs et les peurs des classes nouvelles sont devenu la force l'élaboration des politiques du parti travailliste.
Voici en conclusion les propos de Robert Reich, membre de cabinet de Clinton entre 1993 et 1997 à propos de cette « politique du Moi » :
« Fundamentally here, we have two different views of human nature and of democracy.You have the view that people are irrational that they are bundles of unconscious emotion, that comes directly out of Freud. And businesses are very able to respond to that, that's what they have honed their skills to and that's what marketing really is all about - what are the symbols the images the music, the words that will appeal to these unconscious feelings.
Politics must be more than that. Politics and leadership are about engaging the public in a rational discussion and deliberation about what is best and treating people with respect in terms of their rational abilities to debate what is best.
If it's not that, if it is Freudian if it is basically a matter of appealing to the same basic unconscious feelings that business appeals to then why not let business do it? Business can do it better, business knows how to do it. Business after all is in the business of responding to those feelings. »
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